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Portland, Karen Miranda-Rivadeneira

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Je suis née à New York, mes parents et moi nous sommes installés en Équateur quand j’avais quatre ans.
Un matin, je décidais de revenir à New York, ce que je fis, le 11 septembre 2001, à 6h45 du matin.

L’histoire de Bliss Street (la rue du bonheur) commença à ce moment, ou plutôt disons que c’est à ce moment que je commençais d’y prendre part.

Bliss Street, c’est Alba, ma grand-mère, qui, à 104 ans, est la personne la plus solide et bien portante de la maison, puis il y a Olga, sa fille et propriétaire officielle qui a 81 ans et vit à travers le regard de sa mère, ses souvenirs de sa vie dans le Colorado, et les histoires que racontent ses murs. Elle passe son temps à organiser une pièce qui ne veut pas être organisée. Teo (54 ans), son frère, est le plus jeune fils d’Alba, il se bat contre le diabète depuis des décennies ; il passe beaucoup de temps tout seul.

Silvia, 34 ans, et sa fille Valerie, 6 ans, sont arrivées à la maison il y a des années, elles ont demandé à Olga si elles pouvaient rester pour une courte période, qui a fini par s’étendre sur deux ans. Silvia vient du Nicaragua. Elle est rentrée illégalement aux États-Unis il y a quinze ans. Elle a été victime de violences conjugales, elle s’est enfuie et a demandé refuge à Olga. Et pourtant, quelques mois plus tard, son mari, Manuel, a vécu ici lui aussi, pendant une très courte période. La distance et les formalités empêchaient quiconque de suffoquer ; à un moment, nous étions jusqu’à 9 personnes à vivre sous le même toit exigu.
Leur départ, après des années de « hauts » et de « bas », se lit dans les dessins que Valerie a laissés sur les murs de la maison, et qu’Olga se refusent à recouvrir de peinture.

Maria « Bonita », venue de République Dominicaine, et son fils Henry, 5 ans, sont arrivés il y a deux ans, elle a rencontré Olga à une fête au refuge. Maria souffre du diabète et de problèmes cardiaques depuis son enfance, elle était également engagée dans un mariage problématique. Elle ne parle pas anglais, et son fils Henry ne parle pas espagnol. Maria prend maintenant soin d’Alba, c’est son travail à temps plein.

Ingrid, la plus jeune de la maison, 28 ans et célibataire, est arrivée du Chili il y a quelques mois. Toujours sans emploi, toujours sous traitement, elle cherche de l’affection dans les bras de ses amies, Olga et moi, sa colocataire intermittente.
Tellement de gens sont venus et repartis dans ces quelques chambres : Ivonne, Geordie, Sandy et son chat, Carlos, la comadre Colombia, aussi, Miguelon, ma mère, Angela.

J’ai été sous l’emprise du même magnétisme qui a attiré tant de gens dans cette maison sur Bliss Street (c’est réellement le nom de cette rue). Ces frustrations, ces jeux involontaires, ces rituels journaliers, cette économie interne d’une famille artificielle ; ce qui se passe quand le statut légal n’est plus un problème, quand il n’y a plus à quitter son pays, j’ai trouvé la réponse ici : la réponse est vivre, et survivre.

Il pourrait peut-être être plus « intéressant » de raconter des histoires exotiques, d’observer d’autres mondes et coutumes. J’ai eu de nombreuses opportunités de partir, mais j’ai décidé de rester, et d’essayer de comprendre ce qui est plus naturel, plus proche, plus viscéral ; cette famille, ma famille, ce que j’ai en face de moi.

Karen Miranda-Rivadeneira

Blue Sky
122 NW 8th Avenue,
Portland, Oregon 97209 USA
503-225-0210

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