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Paul Getty Museum : Pièces rares de la photographie américaine à ses débuts

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Le début de la photographie américaine sur papier est un aspect formatif mais rarement étudié de son histoire. Si les Américains ont mis un certain temps à adopter les pratiques européennes du négatif-positif, l’expansion territoriale et la guerre de Sécession ont fait accroitre le besoin d’images faciles à reproduire et diffuser. Organisée du 27 février au 27 mai 2018 au J. Paul Getty Museum, à Los Angeles, l’exposition Paper Promises: Early American Photography présente des pièces rares du XIXe siècle, période majeure de l’expérimentation américaine. On y voit notamment des négatifs et des photographies papier, dont des portraits de personnages éminents du paysage politique et culturel, ainsi que des scènes bouleversantes de la guerre de Sécession.

« Au milieu du XIXe siècle, l’usage de la photographie ne se bornait pas à documenter le développement de la nation, et prit de plus en plus d’importance au sein des débats sur la nation et sa place dans le monde », explique Timothy Potts, directeur du J. Paul Getty Museum. « Les photographies exposées ici nous donnent un aperçu privilégié des forces et des mouvements qui ont façonné la personnalité de notre pays, à un stade majeur de son évolution. »

Pionniers de la photographie

De nos jours, Facebook, Instagram et Snapchat créent une abondance de selfies, de prises de vue de notre environnement, et de témoignages des aspects les plus ordinaires de notre vie quotidienne. Dans ses débuts pourtant, la photographie reproductible n’était pas populaire aux États-Unis. Dès les premières années, les Européens ont adopté des techniques permettant d’imprimer de multiples exemplaires à partir d’un négatif. Au contraire, les Américains donnaient leur préférence à des formats uniques, réalisés directement sur des plaques de métal ou de verre et destinés à un contexte plus intime.

Dans le même temps pourtant, d’autres, plus intrépides, ont commencé à s’essayer au procédé négatif-positif. Pour leurs premières photographies, ils ont ainsi employé des papiers sensibilisés aux sels d’argent, aboutissant à des images mattes parfaitement adaptées à toute une gamme de textures. L’exposition au Getty Museum met en scène des dizaines d’épreuves au papier salé qui n’ont que rarement été dévoilées publiquement.

Désireux d’étendre le marché des photographies imprimables en multiples exemplaires, les photographes professionnels réalisaient alors des tirages sur papier salé destinés à de nombreux usages : recherche scientifique, portraits de célébrités, tourisme, conservation historique, promotion personnelle et professionnelle, et suivi en prise directe avec l’actualité. Leur ambition était de mettre au point une technique adaptée à l’accélération de la vie moderne, comme le démontre un cliché sur papier salé réalisé vers 1860 par un anonyme. Il montre un groupe d’hommes et de femmes enthousiastes rassemblés à l’avant d’un train. Le chemin de fer était un symbole fort du progrès, et l’on estimait que la photographie, comme les locomotives, allait relier les Américains à des personnes et des lieux lointains. C’est l’un des points forts de l’exposition.

Dans les années 1850 toutefois, des rumeurs alarmistes laissent entendre que des faux-monnayeurs ont adopté le négatif comme technique. À l’époque, les banques impriment leur propre monnaie, et des milliers de billets différents sont en circulation – et faux pour environ quarante pour cent. Les billets de banques perdent leur crédibilité, et ne représentent plus que des « promesses en papier », d’où le titre de l’exposition, « paper promises ». La rétrospective comporte des faux billets de l’époque, dévoilant un aspect inattendu de la résistance américaine initiale vis-à-vis de la photographie reproductible. Si l’expression « paper promises » était ironique à l’origine, le potentiel promis par la photographie papier balaye bientôt la nation toute entière. Parmi les pièces figurent également d’autres exemples de techniques pionnières, dont des daguerréotypes, des ambrotypes, des tirages sur papier albuminé, un pannotype et un « ivorytype ».

Portraits

Au fur et à mesure que s’installe l’emploi de négatifs pour produire des photos de différentes tailles et formes, les studios de photographie se précipitent pour s’approprier des modèles célèbres, dans l’espoir de s’assurer une large diffusion pour des images populaires. L’exposition montre aussi comment les célébrités de l’époque ont appris à faire diffuser d’elles-mêmes des images soigneusement élaborées. Par exemple, un portrait de 1960 de l’abolitionniste Frederick Douglass, réalisé par un photographe anonyme, souligne toute la gravité du personnage, orateur passionné et écrivain prolixe. Douglass a posé pour des portraits toute sa vie, contrant les effets des stéréotypes de race en faisant circuler de lui des images qui soient dignes.

Les photographies de famille commencent également à prendre un rôle plus important. À l’époque, l’espérance de vie est courte, et la mortalité infantile monnaie courante. Les portraits photographiques sont considérés comme des souvenirs particulièrement précieux. Le parcours de l’exposition affiche plusieurs portraits intimes de familles et d’enfants, dont certains ont été teintés à la main avec soin, pour renforcer l’impression de lien personnel.

Les universités profitent de la possibilité de reproduire des images en grand nombre et réalisent des livres de photos d’étudiants et de leur personnel, qui deviendront les albums de promotion d’aujourd’hui. À titre d’exemple, on peut voir un album réalisé en 1852 par John Adams Whipple (Américain, 1822-1891) sur commande pour Harvard. C’est un peu un proto-Facebook, qui précède de 150 ans les débuts de Mark Zuckerberg.

Le Far West et la guerre avec les premières nations

Tandis que s’intensifient les discordes sur l’autorité fédérale ou celle des états, ainsi que sur les droits des Indiens, les photographes cherchent le meilleur moyen de faire des portraits des gens et des lieux qui figurent le plus fréquemment dans l’actualité. L’exposition propose des photos de plusieurs négociations de traités – des images de la première délégation japonaise aux États-Unis, ou encore un portrait réalisé en 1858 par Alexander Gardner (Américain, né en écosse, 1821-1882) d’une délégation d’Upper Sioux venus à Washington. La plupart des membres de la délégation portent des vêtements contemporains, mais Gardner gardait à disposition des costumes « traditionnels », plus adaptés à ceux qu’imaginait la population de la Côte Est. Les photographies d’Indiens assis prolifèrent, tandis que leur autonomie devient un sujet de débat public.

Pendant les luttes territoriales des années 1860, les familles déchirées par la guerre de Sécession recherchent des souvenirs qui se partagent et se conservent facilement, et les photographies papier répondent bien à ce besoin. Lorsqu’ils sont enrôlés, on prend le portrait des soldats. Et les civils réclament des images des champs de bataille. On brandit de plus en plus souvent des représentations d’esclaves et d’Abraham Lincoln qui servent comme outils de changement politique, ce que l’exposition met en avant avec plusieurs exemples. L’œuvre Freedom’s Banner. Charley, A Slave Boy from New Orleans (1864) [la bannière de la liberté – Charley, garçon esclave de La Nouvelle Orleans] signée de Charles Paxson (Américain, décédé en 1880) constitue l’une des nombreuses images en petit format, soigneusement composées et largement distribuées pour encourager l’empathie pour le sort des familles en esclavage. Les photographies sont vendues pour soutenir l’éducation à destination des esclaves libérés ainsi que la cause abolitionniste.

« Alors même que nous luttons pour nous adapter à la révolution numérique d’aujourd’hui, avec son potentiel de manipulation effrénée et de prolifération des images, il est intéressant de poser le regard sur une époque antérieure, à laquelle les idées sur la photographie et son rôle dans la société exerçaient également de profonds effets », dit Mazie Harris, commissaire adjoint des photographies au J. Paul Getty Museum et commissaire de l’exposition.« Les premières photographies papier sont devenues partie intégrante de la vie quotidienne et peu ont survécu. Nous avons donc là une occasion unique de voir des images rares d’une période troublée de l’histoire américaine. »

 

Paper Promises: Early American Photography
27 février – 27 mai 2018
Paul Getty Museum, Getty Center
1200 Getty Center Dr
Los Angeles, CA 90049
USA

www.getty.edu/museum/

 

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