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Pauline Hisbacq, Natalya

Preview

Natalya est un travail d’extraction et de montage. A partir de captures vidéo de retransmissions télévisées des jeux olympiques de gymnastique de Moscou de 1980, j’ai composé une série photographique en détournant les images d’origine vers la fiction.

Si les vidéos d’origine faisaient le récit de la compétition, avec comme point culminant la performance des gymnastes, je me suis intéressée au contraire au hors champ de l’événement. Il y a des visages, des corps, des formes. Le groupe, les filles entre elles. Et Natalya, personnage principal, dont le portrait rythme la série.

C’est le passage du document à la fiction qui m’intéresse, par la transformation et l’interprétation du matériau. L’arrêt sur image transporte dans un autre champ, plus dramatique. La narration, ambiguë et ténue, se déploie entre romance et tension, notamment par le potentiel fictionnel du langage sportif des corps. Un visage concentré ou fatigué devient un visage grave. Des jeunes filles qui se croisent deviennent des jeunes filles qui se défient ou s’attirent. Le récit se déploie alors mystérieusement, comme si nous n’avions pas tous les chapitres de l’histoire, par le jeu du montage, conçu par chocs et séquences.

Travailler à partir d’archives était aussi pour moi l’occasion d’explorer un nouveau geste photographique : appréhender la matière continue comme quelque chose à arrêter, c’est-à-dire à cadrer, composer, puis éditer. Là encore, c’est l’ambiguïté du geste photographique qui m’intéresse. Le regard devient ténu, simple affaire de choix dans un flux, et non pas conquérant d’un réel immense à organiser dans le viseur de l’appareil photographique. J’exerçais ma pratique devant un ordinateur comme je l’ai eu fait auparavant, dans le vrai monde.

La transformation de l’image par sa dégradation progressive (film sur bande / compression numérique youtube / capture / agrandissement) vers un aspect pictural ajoute à l’incertitude du récit à l’œuvre. Les défauts techniques deviennent des motifs. Le travail s’inscrit dans une approche sensuelle et coloriste. Mais surtout, assumer les pixels, l’appauvrissement de l’image via son échantillonnage, sa disparition derrière sa matérialité contemporaine, ce n’est considérer le pixel non pas comme un signe du numérique (sa manifestation, ce qu’il est pourtant) et donc revendiquer une pratique photographique « de mon temps ». C’est au contraire éprouver la disparition de l’image, éprouver son existence comme déjà passée, « déjà mémoire ». Le pixel marque l’incapacité de retrouver le réel tel qu’il était. Le pixel comble les trous et affirme notre impossibilité à garder trace fiable. Ici, pour moi, le pixel devient nostalgique et accompagne plus encore dans la fiction du récit.

Natalya vient à la suite d’un travail personnel autour de l’adolescence, du corps, du désir, mais aussi en parallèle à mon activité de collectionneuse d’images virtuelles à l’œuvre dans labienheureuse (labienheureuse.blogspot.com).

Pauline Hisbacq

 2013 – 46 photogrammes

 

Natalya, de Pauline Hisbacq, fait aussi l’objet d’un livre et d’une exposition. Signatures et vernissage le jeudi 15 septembre 2016 à partir de 18h à l’adresse suivante :

 Atelier Les Rapides

19 rue des Frigos

Paris

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