Rechercher un article

Paris : rencontre avec Jean-Noël de Soye & Hanane Hilmi, galerie In Camera

Preview

Entretien avec Jean Noël de Soye et Hanane Hilmi – Galerie In Camera 

Fanny Lambert : Quelle est l’histoire de la galerie ? Et qu’aviez-vous à l’idée lors de sa création ?
J –N de Soye: Quand nous avons ouvert la galerie il y a 5 ans, nous nous connaissions déjà. Hanane s’occupait depuis un moment de mon travail de photographe. Rapidement, l’idée nous est venue de prendre en charge celui d’autres photographes. Mais pour cela, il nous fallait un lieu. Nous étions alors loin d’imaginer que ça ressemblerait à ce que c’est devenu aujourd’hui. Personnellement, je pensais que j’aurai deux activités, celle de photographe d’un côté et celle de galeriste de l’autre. En réalité, celle de galeriste a rapidement pris le pas sur mon travail de photographe. Hanane, elle, mesurait davantage la tâche que ça représentait, ayant déjà travaillé en galerie. On a inauguré avec un petit catalogue de photographes, pour la plupart des amis, comme Jane Evelyn Atwood et Gueorgui Pinkhassov. Puis, de fil en aiguille, le catalogue s’est élargi.

H. Hilmi : C’est finalement le fait d’avoir trouvé ce lieu qui nous a poussé à concrétiser ce projet. Nous avons saisi l’occasion au vol.

F.L : Le nom de la galerie a-t-il été réfléchi ou s’est-il imposé naturellement ?
J–N de Soye 
: Au départ nous avions plusieurs noms en tête, puis c’est un ami photographe, Derek Hudson qui en a eu l’idée. In Camera, c’est aussi le nom d’un livre de Francis Bacon. Et puis, c’est bien toujours dans l’intimité de la chambre que ça se passe ! A cela venait s’ajouter le dynamisme et la consonance anglaise du « in » qui rendait le nom un peu plus moderne. Ça sonnait bien.

F.L : Si elle existe, quelle est votre spécificité ? Comment vous positionnez-vous par rapport à d’autres galeries ?

J–N de Soye : Aujourd’hui et dans l’état actuel de la galerie, je pense qu’il serait difficile de lui définir une spécificité propre parce que je pense qu’il s’agit plutôt d’éclectisme. Au début, on s’est surtout entouré de photographes qui venaient du reportage. J’entends des gens comme Jane Evelyn Atwood ou Gueorgui Pinkhassov. Par la suite, il y a eu Stéphane Duroy. Mais globalement, ce sont des photographes qui ont tous dépassé les limites du reportage. Ce qui m’intéressait, c’est qu’ils avaient chacun déjà un regard et un travail très personnels.

H. Hilmi: Puis, petit à petit, il y a eu le peintre, sculpteur et performeur américain Robert Longo. Ce dernier utilise la photographie afin de réaliser des dessins grandeur nature au fusain. Ce qui le place dans une toute autre démarche par rapport au médium. Même si ce sont ses photographies que l’on propose à la vente.

J–N de Soye : Il est vrai qu’avec Robert Longo, il y a eu ce rapprochement plastique, bien que ses photos datent des années 1970. Puis, ce fut Araki. Le glissement s’est produit peu à peu. Rien n’a été prémédité. Nous fonctionnons à partir de ce qui nous touche. Quelque chose relie tous ces photographes entre eux et nous décidons toujours à deux au fait de prendre ou non un nouvel auteur. Il faut qu’il puisse rentrer dans cette petite histoire que nous sommes en train de construire. Cela nous est arrivé de refuser un artiste dont le travail était tout à fait remarquable parce qu’il ne pourrait pas s’insérer dans la cohésion que nous essayons de maintenir. Même à l’intérieur d’une œuvre, on choisit ou non de montrer telle ou telle série, comme avec Araki. Après, nous sommes capables pendant Paris Photo de présenter Boubat et Robert Longo à côté et ça fonctionne très bien.

F.L : Combien de photographes représentez-vous actuellement ? Pouvez-vous donner une valeur de prix pratiqués par votre galerie ?
H. Hilmi : Nous représentons 16 photographes en tout. Les prix varient entre 500 euros pour des formats 15 x 15 cm d’Eri Makita et 12 000 euros pour des tirages de Robert Longo de la série Men in the Cities

F.L : « Avoir pignon sur rue », cela a-t-il encore du sens aujourd’hui ? Que pensez-vous de cette nouvelle mode qui consiste à travailler « en bureau » comme on dit et à recevoir les clients uniquement sur rendez-vous ? Y avez-vous songé ? Quels intérêts recouvrent selon vous, le fait de posséder une galerie ?
H. Hilmi 
: Au moment de la création de la galerie, nous y avions pensé. Est-ce que ça ne serait pas plus facile de recevoir les gens dans l’atelier de Jean-Noël ou dans un appartement ? Ce qui permettait aussi de réduire les coûts. Mais finalement, nous sommes ravis d’avoir une vitrine. Les gens se sentent libres de pousser la porte. C’est important, je crois, d’avoir une adresse. Une galerie, ça n’est pas uniquement un lieu de vente. D’autant qu’on accroche aussi les photos que l’on aime, qui ne sont pas forcément les plus commerciales et qui, pour certaines, ne seront jamais vendues, mais nous sommes heureux néanmoins de pouvoir les montrer.

J–N de Soye : Et puis pour les photographes, c’est important d’être visible. Et pour nous, de pouvoir penser une exposition avec eux. C’est un équilibre que nous tâchons de trouver entre les deux. Aujourd’hui tout du moins, nous sommes attachés à cela. On continue de prendre plaisir à voir les gens entrer et être touchés par ce qu’ils voient.

F.L : L’essor de la photographie est de plus en plus exponentiel, dans quelle mesure ceci est-il une bonne chose pour la discipline ?
J–N de Soye : C’est une bonne chose dans le sens où c’est réjouissant de constater que ce médium touche de plus en plus de monde. Que ce soit en galerie, sur le Net avec la multiplication des sites spécialisés, ou par le biais du livre. Après, l’ennui, c’est que le nombre de photographes grandit considérablement et qu’avec le numérique, cela paraît de plus en plus facile de faire de la photographie. Or, la véritable différence pour moi, c’est qu’il y a l’image que l’on perçoit partout (dans la presse etc.), puis, il y a la spécificité d’une galerie, qui est d’exposer des tirages. Nous, nous choisissons des images qui sont destinées à être accrochées au mur. C’est pourquoi, encore une fois, il y a des photographes que l’on ne représentera jamais malgré la qualité de leur travail car ils peuvent avoir leur place dans un musée, dans un livre mais pas forcément ici. C’est comme si on agissait comme un filtre et qu’on extrayait la quintessence de ce que l’on aime.

F.L : A quoi ressemble votre clientèle ? Est-elle fidèle ou occasionnelle ? Quelle est la part de collectionneurs avérés parmi vos acheteurs ?
H. Hilmi 
: Nous avons un noyau dur qui nous suit depuis les débuts et qui constitue une clientèle fidèle. Par chance, elle continue de croître avec le temps. Ensuite, il est vrai qu’à chaque salon, on voit apparaître une clientèle nouvelle. Il y a différentes catégories : les particuliers, parfois jeunes, les institutions et les véritables collectionneurs. Dans la majorité des cas, ils ont déjà une collection ou l’ont commencé avec nous. Généralement, ils s’intéressent essentiellement à la photographie mais nous avons également des clients qui n’ont pas de médium de prédilection. Reste qu’ils sont de plus en plus curieux de la photographie.

J–N de Soye : Notre profession est fragile, on ne sait jamais comment les choses vont évoluer. Donc avoir cette clientèle fidèle, c’est rassurant. Certains clients que l’on a connus sur des foires reviennent quatre ans après à la galerie et continuent par la suite à nous acheter régulièrement des œuvres. Dans les moments plus difficiles, c’est évident que cela fait une différence. Il y a aussi les coups de cœur qui là, répondent à quelque chose de plus spontané. Toutes les démarches sont différentes en collection. On ne peut pas agir ou adopter la même attitude avec tous et c’est cette diversité des profils qui est fascinante. Certains préfèrent même que l’on ne leur fasse aucune proposition. Ils sont là pour une œuvre précise et savent très exactement ce qu’ils veulent.

F.L : De par sa reproductibilité, la photographie est-elle un médium plus délicat à vendre ? Où est-ce au contraire un argument supplémentaire, notamment parce que son prix est a priori moindre en comparaison des autres arts ?
H. Hilmi : Etant donné que ce sont la date et la qualité du tirage qui font la différence, je ne crois pas que cela entre en ligne de compte. Bien sur, on explique souvent le principe de la numérotation qui est quelque chose de relativement moderne. Surtout aux gens qui sont novices en la matière.

J–N de Soye : Selon moi, cela n’a pas la même importance pour tout le monde. Il y en a pour qui c’est une c’est une chose un peu floue mais les vrais collectionneurs, eux, savent ce qui l’en retourne. Ils sont attentifs à la qualité et à la signature. Pour les photos contemporaines, c’est autre chose. Certains sont très sensibles à la rareté d’un tirage surtout lorsque le négatif a été perdu par exemple. Après, il y a les différences de formats et chacun a son idée sur la question. Pour un jeune artiste, cela permet de justifier les prix et de proposer une alternative.

F.L : Qui ou que vendez-vous le mieux ?
H. Hilmi : On a vendu beaucoup de cette jeune artiste, Evgenia Arbugaeva, que l’on expose actuellement. Mais aussi beaucoup d’Araki. De façon générale, ce qui est le plus dur à vendre ce sont les jeunes artistes. Mais nous aimons prendre des risques. Avec Evgenia Arbugaeva, nous ne savions pas à quoi nous attendre. Finalement, ça a été un franc succès dès Paris Photo. Notre politique : proposer de jeunes talents que l’on peut propulser tout en représentant des photographes confirmés.

F.L : La frontière entre l’art contemporain et la photographie est de plus en plus mince, comment l’envisagez-vous ? Si vous deviez définir la photographie dite plasticienne, ce serait ?

J–N de Soye : Disons que nous ne sommes pas fermés à l’idée mais ça n’est pas une photographie que l’on trouve chez nous. Au printemps, nous exposerons les œuvres d’un nouveau photographe, Francisco Araya, qui, en photographiant à l’intérieur de boîtes qu’il fabrique lui–même, pourrait s’apparenter à la photographie plasticienne. D’autant qu’on réfléchit aussi à montrer ses sculptures. Mais ça n’est pas, à l’origine, une volonté de notre part. Ce sont les artistes qui font évoluer la galerie. Et je ne crois pas que l’on soit les mieux placés pour juger de la photo plasticienne car je dirais que nous avons besoin de cette petite sensibilité que nous ne retrouvons pas forcément dans la photo plasticienne, parfois plus hermétique. Mais ce rapport entre l’œuvre plastique et la photographie se resserre. Le collage et le tissu par exemple, mais aussi la peinture, flirtent de plus en plus avec la photographie.

F.L : Quelle foire ou manifestation internationale est pour vous la plus importante et la plus rentable ? Auxquelles participez-vous ?
J–N de Soye et H. Hilmi : Paris Photo.

H. Hilmi : C’est la troisième année que l’on y participe. Il fallait avoir deux ans minimum d’existence pour présenter sa candidature et depuis, nous y sommes chaque année. C’est clairement pour nous LA foire la plus importante et la plus rentable. Nous allons participer également à Art Paris Art Fair en mars prochain. Ces foires nous permettent aussi de montrer plusieurs artistes à la fois. Ce que l’on ne peut pas toujours faire dans l’espace de la galerie.

J–N de Soye : Nous souhaiterions en faire davantage mais cela suppose de l’organisation et un coût important. Incontestablement, il se passe beaucoup de choses aujourd’hui dans les foires, en art contemporain comme en photo. D’autant que nous avons des collectionneurs qui ne sont jamais venus à la galerie mais qui nous visitent systématiquement sur les stands.

F.L : Il semble que le commissariat d’exposition regagne les galeries peu à peu. Un prolongement naturel d’un art qui se problématise de plus en plus, un moyen stratégique permettant d’attirer une clientèle peut être moins avertie, ou un argument supplémentaire visant à convaincre les gens à se déplacer jusqu’en galerie ?
J–N de Soye : Nous sommes déjà très complémentaires pour ce qui est de l’accrochage et un peu petits pour faire appel à quelqu’un d’extérieur. Néanmoins, pour le prochain Mois de la Photo qui portera sur l’intimité, nous avons le projet de monter une exposition collective. Ce que l’on ne fait pas habituellement. Il faut, en revanche, que ce soit très rigoureux et avec des tirages très forts pour que cela fonctionne.

H. Hilmi : En réalité, ça ne nous a jamais traversé l’esprit. Je crois aussi que l’on aime ça, penser un accrochage tous les deux. Et puis faire entrer une troisième personne, cela perturberait peut être l’équilibre que nous avons construit ensemble.

J–N de Soye : Mais je trouve l’idée intéressante. Je ne sais pas, on pourrait imaginer que dans dix ans, la MEP, par exemple, invite une galerie à monter une exposition avec un commissaire. Je serai tout à fait ouvert à cela..

F.L : Ce qui vous rebute chez un photographe qui vient vous présenter son travail ?
H. Hilmi : Nous ce qui nous anime, c’est le contact humain donc quelqu’un qui a un ego surdimensionné, ça peut être un frein à une éventuelle collaboration. Même si c’est quelqu’un de talentueux. C’est important que le photographe garde un regard humble sur sa production car ça n’est pas évident à faire, une bonne photo. Qu’il soit reconnu ou encore jeune, c’est le rapport qui se construit entre nous et ce dernier qui importe.

F.L : Faut-il avoir déjà exposé ou être connu pour faire l’objet d’une exposition chez vous ?
J–N de Soye  et
 H. Hilmi : Absolument pas. La preuve, l’exposition que nous présentons en ce moment est le premier travail d’une très jeune photographe qui n’avait jamais exposé auparavant. Ça n’est donc pas un critère.

F.L : Aujourd’hui, on achète de la photographie pour ?
J–N de Soye : Pour se faire plaisir.

H. Hilmi : Pour débuter une collection. Je pense qu’aujourd’hui la photographie est l’art le plus accessible. A la fois visuellement et financièrement.

Actuellement : 

Alexandra Catire, Land Without Shadows
Jusqu’au 5 avril 2014

Précédemment :

Evgenia Arbugaeva, Tiksi
Du 12 décembre 2013 au 8 février 2014

Galerie In Camera
21, rue Las Cases 

75007 Paris 


France

T : +33 (0)1 47 05 51 77 

[email protected] 


http://www.incamera.fr

Du mardi au samedi 
de 14h à 19h 
ou sur rendez-vous

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android