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Nicaragua : BAVNIC IX

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La Fondation Ortiz Gurdian, inaugurée en 1996, défend depuis ses débuts un art engagé dans les champs social et politique et sa collection permet d’appréhender l’évolution des formes artistiques contemporaines au Nicaragua. Quand, en 1997, l’institution initie la Biennale d’arts visuels du Nicaragua (BAVNIC) pour contribuer à la diffusion des artistes locaux dans le paysage local et international, elle présente exclusivement de la peinture — ou presque. Les médiums techniques affirment leur présence au fil des éditions, dont la neuvième vient d’ouvrir ses portes, et cela fait déjà plusieurs années que la BAVNIC inclut dans sa programmation une large majorité de photographies, de vidéos, d’installations et de performances, dont beaucoup sont acquises par la Fondation pour étoffer sa collection.

En réponse à l’abondance de disciplines, les artistes explorent de nouvelles possibilités narratives et inventent une forme d’expression collaborative hybride dans laquelle les médiums se superposent au sein d’une seule œuvre. Le résultat est plus pyramidal que linéaire, mais il raconte les différentes couches de l’histoire locale avec la même évidence que les chapitres d’un livre. Patricia Villalobos, par exemple, visite en boucle le thème de l’eau dans ses vidéos-sculptures pour questionner la question de la disparition des corps dans la géographie et des hommes dans l’histoire.

La photographie devient le terrain d’expression de la performance, la vidéo emprunte aux champs du documentaire ou du surréalisme pour rendre compte de l’histoire et toute forme orale de la pop culture est soigneusement enregistrée sur support reproductible et rediffusable à outrance. Ernesto Salmeron, Alejandro Flores, Luis Morales Alonso et Cristina Cuadra offrent d’intéressants exemples de déconstruction et de reconstruction de la mémoire visuelle du Nicaragua par l’art. Chacun a leur manière, ils mêlent les disciplines, les influences et les archives. Chacun à leur manière, ils se positionnent en réaction à l’iconographie populiste fabriquée par le FSNL à l’avènement de la Révolution et entretenue depuis lors.

Une peinture d’Alicia Zamora exposée à la Fondation à Leon est justement inspirée de la photographie de Susan Meiselas prise lors de la Révolution et célèbre sous le nom de « Molotov Man ». Le molotov man en question, c’est un Sandiniste lançant une bombe lacrymogène. En faisant la Révolution, il a en quelque sorte fait la photo. En retour, la photographie a fait de lui un héros : elle était imprimée sur tous les tee-shirts, posters et autres objets populaires lors du 25e anniversaire de la Révolution. La galerie Lelong de New York expose en ce moment cette image dans le cadre de l’exposition collective Re-Framing History (Recadrer l’histoire), dont le titre résonne directement avec celui de la BAVNIC IX : « Reciclando la Memoria, Retomando la Ciudad » (« Recyclage de la mémoire, de retour à la ville »).

Les thèmes des travaux présentés cette année se recoupent évidemment, puisqu’ils s’inscrivent en réaction au contexte actuel. Il n’empêche qu’en organisant la programmation autour d’un sujet aussi précis et complexe, les commissaires de la Biennale, Juanita Bermudez et Omar López-Chahoud, interdisent toute interprétation limitative et stréréotypable à souhait de la production artistique nicaraguayenne. Les préoccupations des artistes locaux sont variées — tout comme la réalité politique et sociale du Nicaragua est complexe — et invitent le public local comme la scène internationale à une intéressante conversation.

De fait, le Nicaragua, et plus généralement l’Amérique centrale, a de quoi exciter la curiosité du marché : la Biennale de Cuenca, en Equateur, ouvre ses portes a la fin du mois. Celle du Guatemala ouvrira en juillet prochain. Ce sera la biennale officielle des arts d’Amérique centrale, et elle accueillera 6 artistes de la BAVNIC. C’est au Guatemala également que se dérouleront cette année les Foundry Workshop et nous reparlerons à l’automne 2014 de plusieurs projets de workshops et de résidences qui s’ouvriront au Nicaragua et intéresseront a coup sûr les photographes.

D’ici là, les institutions et collectifs locaux multiplient les interactions internationales. La BAVNIC inclut 16 artistes internationaux, parmi lesquels Andrea Galvani, qui a produit trois vidéos pour l’occasion, et Yeni Studio, qui présente Whiskey Papa. Dans cette vidéo, Yeni Mao documente la destruction par le feu d’une maquette de bateau et, explique-t-il, « interroge la relation entre deux évènements historiques : the establishment of Batavia, Indonesia (now Jakarta) by the VOC as the Dutch Colonial center of Asia, and the Bijlmerramp, the 1992 plane crash into the Bijlmer suburb of Amsterdam. The flight carried an undercover load of chemical weapon ingredients, bought by Israel from the United states ».

Le centre culturel espagnol CCEN présente pour sa part une exposition intitulée Intercambio artistas norteamericanos y nicaragüenses (Echanges artistiques nord-americains et nicaraguayens), conçue comme un dialogue entre quatre artistes nord-américains (Leah Dixon/ Christian Dietkus/ Ghislaine Fremaux/ Williamson Brasfield) et quatre artistes nicaraguayens (Fredman Barahona /Marcos Agudelo/ Alejandro de la Guerra/ Milena García). L’initiative est accompagnée d’une série de performances répondant au thème de la Biennale.

Tout d’abord interdite par les autorités locales, la performance de Fredman Barahona s’est terminée sous escorte de la police. Il s’agissait pour Fredman de défiler dans les rues de Managua dans une robe extravagante dessinée par un designer de concours de beauté — une robe débordant de strass et de perles qui reprenait les couleurs des différents partis politiques de l’histoire du Nicaragua. Cette œuvre théorique est assurément iconoclaste. Elle offre également un contrepoids aux extravagances artistiques et politiques de Rosario Murillo qui, rappelons-le en recommandant d’inspirer amplement, est la première dame du Nicaragua, la porte-parole et ministre du gouvernement, la présidente de l’Association sandiniste des travailleurs culturels et la coordinatrice du Conseil de la communication et de la citoyenneté.

Murillo est célèbre pour les douze bagues qu’elle porte a chaque main et pour les sculptures d’arbres jaunes à froufrous qu’elle plante dans l’espace public à la vitesse d’une plante invasive, quand ce ne sont pas les représentations chapeautés de Sandino. Elle incarne une omniprésence présidentielle contestable à laquelle répond la sculpture de Marcos Aguldego intitulée El resplandor de Sandino como pancarta publicitaria a la sombra sagrada de la patria, a los héroes sin sepulcro de Nicaragua. Artista Marcos Agudelo. Il s’agit d’une silhouette de Sandino recouverte d’ampoules lumineuses de toutes les couleurs et renversée à l’horizontale. Renversée, comme la statue de Somoza lors de la Révolution de 1979, et comme la fausse statue de Somoza qu’a reproduite Alejandro Flores avant de la faire tomber une nouvelle fois avec l’aide du public de la Biennale.

http://www.bienalnicaraguense.org/ 
http://www.fundacionortizgurdian.org 
http://www.galerielelong.com/exhibition_works/2252
http://www.susanmeiselas.com/latin-america/nicaragua/
http://www.patriciavillalobos.com/ 
http://www.ccenicaragua.org/2014/03/19/performance-sao-tome-revisitado-con-silvia-zayas/ 
http://www.cristinacuadra.com 
http://yenimao.com/ 
http://www.andreagalvani.com/ 
https://www.facebook.com/andreagalvaniartist?fref=ts 
http://www.floresdealejandro.blogspot.com/

https://www.youtube.com/watch?v=a2Lc-fzCI6w

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