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Claudia Gordillo : Mémoire invisible du métissage

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Claudia Gordillo est avec son amie Maria José Alvarez l’une des rares photographes du Nicaragua au sens documentaire du terme. Ses enquêtes visuelles s’inspirent du terrain autant que d’une dense bibliographie et offrent des éléments anthropologiques permettant d’appréhender la diversité culturelle du Nicaragua. En 1994, elle reçoit une bourse de la Fondation Guggenheim pour développer une longue série de cinq années sur le syncrétisme religieux au Nicaragua, fruit du métissage entre l’héritage colonial espagnol et les croyances autochtones. Le sujet est d’importance au niveau local : 20 ans plus tard, l’adjectif “chrétien” envahit les rues du pays, complétant avec “social et solidaire” le slogan du président Ortega, imprimé en majuscules jaunes sur le fond rose des posters, omniprésents, de son parti.

L’endoctrinement ne date pas d’Ortega, et les campagnes d’évangélisation se sont depuis toujours appuyées sur la proximité des codes et des valeurs dans les cultures chrétiennes. Les manifestations religieuses actuelles contiennent des vestiges de la mythologie pré-hispanique et leurs symboles se répondent, à commencer par le motif essentiel des croyances chrétiennes et animistes : la croix — celle du Christ pour les uns, et représentation du Dieu de la pluie sous la forme des quatre points cardinaux pour les autres (Nahuas).

Les traditions se mêlent avec respect ou ironie, et certaines festivités reprennent les éléments du folklore religieux pour se moquer des autorités du système colonial. Masques en cartons, moustaches dessinées au marqueur, processions sonores, carnavals et légendes animent la vie quotidienne. Les légendes rythment la rue dans un théâtre vibrant qui rappelle un passé complexe. Accompagné de bruyants tambours, la Gigantona est l’une des figures les plus populaires au Nicaragua. Gigantesque et fastueuse silhouette féminine, elle évoque la structure matriarcale autochtone autant que la domination coloniale. La Gigantana, c’est la femme espagnole, élégante et puissante, et le petit homme à grosse tête qui l’accompagne symbolise le “Mestizo”, le métisse, ignoré et rejeté.
La mixité des croyances est déterminante au niveau social, définissant les rapports hiérarchiques des uns aux autres. Le système autochtone est toujours honoré, profondément ancré dans les valeurs, et certains pasteurs installés dans les campagnes sont entretenus par les dons en nature et des fruits fournis par la ferveur populaire des parents des jeunes apprentis de la doctrine, notamment dans le Nord du pays.

En abordant les influences respectives des uns et des autres et leurs conséquences, le reportage de Claudia Gordillo permet de saisir la complexité du métissage, qui revient cycliquement dans l’histoire du pays pour le diviser.

 

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