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New York : Robert Heinecken

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En obsessionnel de la culture populaire et de ses effets sur la société, Robert Heinecken (1931-2006) se disait « para-photographe », parce que son travail, pas forcément réalisé à l’aide d’un appareil, se situe en marge de la tradition photographique. Ainsi est-il principalement connu pour avoir habilement manipulé des photographies découvertes dans les médias et porté atteinte à leur autorité dans une époque où l’image culturelle explosait aux Etats-Unis. Des années 1960 à 1990, cet artiste natif de Denver (Colorado) s’est attelé à décortiquer les images de notre monde, à les découper, les assembler, utilisant aussi bien la photographie que la sculpture, la gravure ou le collage. Entre ces images de journaux, de magazines, de télévision — nombre d’entre elles à caractère pornographique —, il a imaginé des analogies ou provoqué des confrontations, mettant nombre d’entre elles physiquement en parallèle. Pour pousser le spectateur à s’interroger sur leur environnement visuel, à explorer des thèmes tels que le kitsch, le sexe, le corps, comme pour proposer une critique du mercantilisme américain.

La série la plus emblématique de Robert Heinecken est certainement Are You Rea (1964–68), 25 photogrammes fabriqués directement à partir des pages de magazines, sélectionnées sur plus de 2 000 pièces. On y retrouve des images de publications comme Life, Time, ou Woman’s Day, que l’artiste a superposées en une seule. Une publicité pour les crèmes solaires Coppertone partagent le cadre avec des réclames pour des spaghetti ou un article sur John F. Kennedy, en surimpression avec une pub pour les tapis Wessex. Autant d’œuvres en contraste censées révéler des relations spécifiques et explorer la représentation d’images banales, d’autres plus séduisantes de femmes, ou de celles exposant la violence ou le corps masculin. Aussi, le corps féminin mis à nu est un autre motif récurrent dans l’œuvre de Heinecken. Un corps qu’il a aimé découper en plusieurs images, puis reconstituer dans un ordre antinaturel pour que ses photographies, mises bout à bout, dessinent un horizon de collines de fesses et seins (Figure Horizon, 1971). Un corps qu’il a aimé à nouveau découper et coller sur des pièces de puzzle en bois pour former plusieurs hexagones à caractère kaléidoscopique (Refractive Hexagon, 1965). Une incitation à l’engagement du spectateur, invité à jouer avec les configurations possibles du corps humain.

Dans la salle du MoMA qui lui consacre sa rétrospective, la première depuis sa mort, le plexiglas renfermant une série de doubles pages de magazines fait sourire. Les magazines, Robert Heinecken les a observés, découpés, mais en a également composés, ou plutôt recomposés. Ainsi, ces pièces nous donnent à voir des pages de publications comme Time associées à celles de la revue pornographique Cavalcade. A gauche, on trouve une jeune femme nue agenouillée de dos sur un canapé léopard, à droite une femme âgée spectatrice, avec un large sourire, de cette scène imaginaire (Periodical #4, 1971). Dans un autre exemple, la page de gauche représente deux jeunes femmes aux habits classiques devant ce qui semble être une église face à une scène où deux autres, nues, s’adonnent à des ébats amoureux (Periodical #3, 1970). Plus loin, c’est une double page intitulée Life in the Time of War (1993) qui juxtapose une photographie publicitaire d’une femme aguicheuse en maillot de bain à celle d’un soldat américain de la première guerre du Golfe, assis la tête entre ses mains. Des magazines reconstitués que Robert Heineken laissa alors en libre circulation en les disposant dans les salles d’attente ou en les insérant dans les présentoirs de kiosques à journaux.

« Je fais quelque chose pour voir à quoi ça ressemble, déclarait Robert Heinecken, et pour vérifier si ça peut ressembler à quelque chose d’autre. » Tout au long de sa carrière, l’artiste s’est joué de l’effet normalisant des médias de masse, devenus pour lui le lieu d’un surréalisme involontaire. Avec la diversité des méthodes expérimentées et des thèmes abordés, son travail ne ressemble à rien d’autre (bien que certaines parties soient proches du pop art), et diagnostique les maux de la société dans laquelle il s’est inséré et il a laissé sa marque sur les recherches artistiques des dernières décennies du XXe siècle.

 

Robert Heinecken: Object Matter
The Works Reflect Heinecken’s Obsession with Popular Culture and Its Effects on Society
Jusqu’au 7 septembre 2014
MOMA
11 W 53rd St
New York, NY 10019
USA

http://www.moma.org/

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