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Musée Magazine : Adam Fuss, Outlier

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Andrea Blanch : On vous a accolé diverses étiquettes au long de votre carrière, notamment celle de « photographe des esprits ».

Adam Fuss: Photographier des esprits, c’est photographier des manifestations, des images-fantômes en quelque sorte. J’ai beaucoup travaillé sur une série intitulée « Mon Fantôme », mais je n’ai jamais considéré que je photographiais les esprits.

A. B. : Les gens comparent également votre travail aux cyanotypes, plutôt qu’aux techniques de développement en chambre noire sans appareil.

A. F. : J’accueille toute lumière qui illumine le papier photosensible. Le type de lumière est sans importance. Ce qui compte, c’est la durée et l’intensité de ces diverses lumières, et l’image que l’on veut créer.

A. B. : Vous avez dit que votre travail avait plus à voir avec celui de Moholy-Nagy et Man Ray qu’avec celui de William Henry Fox Talbot.

A. F. : Non, c’est l’inverse. Ce n’est pas parce que je n’utilise pas d’appareil photo que j’ai des points communs avec Moholy-Nagy et Man Ray. Par exemple, Man Ray fait ses photogrammes avec des éléments qui ne disent pas du tout la même chose que ceux que je choisis. Chez moi, le sujet compte. J’utilise généralement des formes naturelles, alors que les formes utilisées par Man Ray ont été façonnées par l’homme.

A. B. : En quoi votre travail ressemble t-il plus à celui de Henry Fox Talbot et d’Anna Atkins ?

A. F. : Talbot et Atkins utilisent des formes naturelles et ils ont l’esprit d’expérimentation, surtout Talbot. Il cherche à comprendre comment faire des images sur le papier photosensible qu’il a créé, et Atkins élabore un registre officiel des plantes. Je me sens proche de leurs travaux et de cette époque, parce qu’ils véhiculent une sensation d’émerveillement et de découverte. Man Ray et Moholy-Nagy sont des initiés beaucoup plus sophistiqués, des faiseurs d’images très conscients. J’essaie toujours de créer des images dans lesquelles je ne suis pas.

A. B. : Avez-vous déjà entendu parler du terme d’« Architecture de l’Entrée » ?

A. F. : C’est ça, l’architecture de l’entrée (montrant du doigt une image de vagin). Tout a commencé quand j’ai photographié des serpents en train de nager. En créant cette image et en observant les serpents, j’ai découvert qu’ils étaient une force de vie particulièrement positive, sur les plans symbolique et énergétique. Tout ce que veut le serpent, c’est être en dessous de sa propre perception, être libre. Le cliché de l’importance d’être libre prend tout son sens. Les années ont passé, et l’idée m’est venue de faire une photo avec des serpents en référence à un jeu auquel je jouais enfant, « Serpents et Échelles ». C’est un plateau de jeu dans son ancienne version, car il est arrivé en Angleterre depuis l’Inde. Je jouais sur une version anglaise de 1960. On joue avec un dé, et on se déplace de case en case. Dans certaines cases il y a une échelle, alors on monte. Si on tombe sur une case serpent, on descend. A chaque case est attribué un objet, comme ce chapeau qui fonctionne comme une échelle, disons qu’il y a écrit « charité », ou cette autre case où le serpent dit « Avarice ». Le serpent a une connotation négative. Explorer ce plateau de jeu m’a amené à m’interroger sur la symbolique du serpent. J’ai voulu comprendre pourquoi mon expérience avec cet animal était si positive. Culturellement, il est considéré comme une forme très négative : il y a les histoires que les parents vous racontent, et bien sûr celle d’Adam et Eve. Le méchant serpent ! Et la gorgone Méduse ? Le méchant serpent ! Le paradoxe, c’est qu’on est entourés de bons serpents. Toutes les ambulances de New York sont parées d’un bon serpent. Un serpent guérisseur. De l’énergie.

Dans ce jeu de mon enfance, le premier à atteindre 100 avait gagné. Mais dans la version indienne, on quitte le jeu, on se retrouve chez la divinité tout en haut du plateau. C’est un chemin pour fuir la réincarnation et atteindre l’éveil.

Le serpent représente beaucoup de choses, mais il incarne notamment l’énergie qui manifeste l’attirance sexuelle, celle de l’avenir de la race. Regardez la forme de vos gènes. La plus grande décision d’une vie, c’est le choix de ceux avec qui on partagera nos gènes, un choix fondamental et dangereux. Je pense que c’est pour cette raison qu’on considère le serpent comme dangereux. Dans ce jeu, le serpent incarne en fait la soumission du désir sexuel à la civilisation, une tentative de le fuir, de transcender la sexualité, donc de fuir la réincarnation et le karma.

Retrouvez l’intégralité de l’interview publiée dans Musée Magazine dans la version anglaise de L’Oeil de la Photographie.

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