Martin Parr était présent au festival La Gacilly-Baden où il était exposé et a donné une conférence.
Né en Angleterre, le photographe est connu pour avoir documenté le tourisme de masse à travers le monde et la société anglaise. Ses travaux sont une référence pour de nombreux photographes. L’ Œil de la Photographie a pu lui poser quelques questions sur sa vision de la photographie.
L’œil de la photographie : Comment va le Royaume-Unis aujourd’hui ?
Martin Parr : Nous avons un nouveau gouvernement, ce qui est une bonne nouvelle car nous avons eu les Tories (NDLR : les conservateurs) pendant quatorze ans. Cela donne de l’espoir. Mais nous avons eu des émeutes, ce qui fut très inquiétant. Mais pas plus qu’en France.
Avez-vous couvert ces émeutes ?
M.P : Non, je ne l’ai pas fait. D’ordinaire, je ne couvre pas la politique, mais je serais descendu dans le centre de Bristol si je n’étais pas en vacances à ce moment-là ou en voyage professionnel, je ne sais plus. J’ai déjà participé à des marches de protestations et je photographie les gens avec leurs banderoles. J’ai de nombreuses photos de ce style.
ODLP : Qu’est-ce que vous préférez chez les anglais ?
M.P : Nous sommes un peuple assez excentrique ! J’aime le fait que nous ayons de nombreuses occupations assez diverses. C’est un pays que j’aime et que je déteste en même temps. Je déteste les gens de droite et les émeutes. J’aime de nombreux aspects de notre culture, comme une bonne tasse de thé, ce que vous ne pouvez pas trouver en France. (rire)
ODLP : L’ironie est-elle un moyen pour les Anglais de dissimuler leurs émotions ?
M.P : C’est en partie vraie. Nous utilisons souvent l’ironie, le sarcasme et la plaisanterie. Nous sommes doués pour les petites discussions, je pense. Nous sommes parfois réticents à montrer nos émotions, vous avez raison.
ODLP : Ils ne les montrent pas parce qu’ils sont timides ?
M.P : Ils sont réservés et ils utilisent l’humour comme une frontière.
ODLP : Dans ce cas, la photographie peut être un moyen pour révéler ces émotions ?
M.P : J’essaye de prendre des photos montrant les préjugés et l’ironie des Britanniques et des anglais, donc en effet, c’est un moyen que j’utilise dans mon travail.
ODLP : Sur quels sujets aimez-vous travailler ?
M.P : Je travaille sur les loisirs dans les sociétés occidentales et plus particulièrement sur les loisirs des anglais. Je me rends à des manifestations dans lesquelles l’on trouve beaucoup de gens : qu’il s’agisse de promenade en mer, des jeux du Hightland en Écosse ou de l’exposition agricole au Pays de Galles. J’ai besoin de monde !
Il y a toujours des gens sur vos photographies ?
M.P : Je fais parfois des photographies de paysages, mais je n’aime pas photographier les choses trop belles.
Quelle est la chose la plus excitante dans votre métier ?
M.P : Je pense d’aller dans des réunions différentes où je ne me suis encore jamais rendu. Je me suis rendu cette année pour la première fois à Birdfair, un évènement dans lequel les gens achètent des jumelles et regardent les oiseaux. C’était super. Je vais toujours vers de nouvelles choses, de nouveaux endroits.
Le questionnaire de Proust avec Martin Parr
Si je n’avais pas été photographe, je serais…
J’ai pris quelques cours de théâtre plus jeune, mais je n’étais pas très bon. Sinon, j’aime vendre, j’aime cette idée de vendre et d’acheter, que je mets en pratique avec la fondation (NDLR : la fondation Martin Parr). Je pense que j’aurai été vendeur.
Si j’avais 20 ans, je ferais…
Je referais les mêmes choses que j’ai faites. J’ai eu une très belle vie. La photographie a été la chose à laquelle j’ai consacré le plus de temps, avec ma famille. Cela m’a emmené aux quatre coins du monde et m’a permis de découvrir des endroits intéressants. J’ai pu vivre de ma passion, c’est fantastique !
Si j’étais une chanson, je serais…
Je ne suis pas un très bon musicien… J’aime Richard Hawley, Coldplay, mes goûts sont plutôt classiques. J’apprécie aussi la musique africaine.
Si je n’étais pas anglais, je serais…
Je serais Irlandais.
Si j’étais une couleur, je serais…
Je serais le rouge.
Si j’étais une époque, je serais…
Je serais les années 80, car à ce moment-là les magazines faisaient des commandes en photographie documentaire. C’était aussi à cette même époque que j’ai découvert la couleur. Nous détestions tous Margaret Thatcher, ce qui motive aussi ce choix. (rire)
Si Margaret Thatcher était devant vous, que feriez-vous ?
Je la prendrais en photo !
Quel est votre plus grand regret ?
M.P : Je me souviens avoir manqué le renversement de la statue d’un ancien propriétaire d’esclaves à Bristol en 2022. J’aurais aimé photographier ce moment.
Êtes-vous heureux de votre vie ?
M.P : Je pense que oui, mais je cherche constamment à m’améliorer. Je suis toujours à la recherche de meilleures prises de vue.
Est-ce que vous vous ennuyez souvent ?
M.P : Je n’aime pas le trop-plein de rencontres et la répétition d’un même protocole. Cela m’ennuie.
Comment cet ennui influence votre créativité ?
M.P : Quand tu t’ennuies et que soudain, tu notes quelque chose qui diffère, c’est que cette chose est potentiellement intéressante.
À quel point la photographie est-elle importante dans votre vie ?
M.P : J’ai dédié ma vie à la photographie. La photographie est ce pour quoi je vis. Je continuerai à prendre des photos jusqu’à la fin de ma vie. Les photographes ne partent jamais à la retraite. On vit tous assez âgés, car nous sommes mentalement et physiquement habités par la photographie.
Merci à Martin Parr pour le temps consacré à discuter avec notre média.
Laurine Varnier