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Le BAL. « S’il y a lieu, je pars

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Traits d’union à l’infini. Paysages morcelés. Regards humains en suspension. L’autoroute, non-lieu sans personnalité, canal à fluides supersoniques, est le thème de la nouvelle exposition collective du Bal. Cinq artistes — Sophie Calle, Julien Magre, Stéphane Couturier, Alain Bublex, Antoine d’Agata — se partagent l’affiche de ce projet étonnant, mis en place par Diane Dufour, directrice du Bal, et Fannie Escoulen, commissaire d’exposition, et placé sous l’égide de Vinci, partenaire de longue date de la désormais institution parisienne. Chacun d’eux a investi cet espace vierge pour y insérer ses créations, son univers, ses histoires aussi. Un défrichage en images où se mêlent innovation, conceptualisme, jeu, insolite, intimité et humour. « Ils ont tous retranscrit leurs obsessions personnelles dans cet univers incertain, dit Diane Dufour. L’autoroute, c’est un endroit fragmenté, où se mêlent les notions de vitesse, d’espace temps, de bulle également. Il y subsiste cette idée d’être toujours entre. Entre deux destinations, entre deux temporalités. Une plongée dans un hors-temps. L’autoroute, anonyme et pourtant si familière, devenue territoire de création, le terrain du ‘je’ et pourquoi pas du ‘jeu’. »

Presque comme dans un jeu vidéo, expression empruntée à l’artiste lui-même, Alain Bublex ouvre cette exposition en plongeant le spectateur dans une atmosphère entre réalité et artifice. Des paysages autoroutiers, en grand format, où ont été retouchées par logiciel les constructions de l’homme : la route, les murets, les ponts, les aires de repos. Une fantaisie en trois dimensions sur murs bicolores, habillés de plantes vertes autocollantes, cet « améliorateur d’espace » cher au photographe. Suit Stéphane Couturier et son grand panneau de bandes de paysages, amputés puis mélangés pour former une sorte de puzzle vertical à reconstruire. Puis Antoine d’Agata, dont le journal sur 36 journées d’autoroute est présenté jour par jour par trois éléments à chaque fois : un paysage, plusieurs photographies intimes dont il a le secret et un texte sur feuille blanche mais illisible.

Chez Julien Magre, l’autoroute est propice à la fiction. Dans ses photographies disposées sur un muret en serpent comme les scènes d’un film, des histoires. Celles de sa famille composée de Louise et Suzanne, ses petites filles, et Caroline, sa femme. Tous quatre voguent à la recherche d’aventures imaginaires, de rencontres incongrues, avec des endroits, des objets ou des animaux, comme cette biche assise au milieu de la route et aveuglée par les phares. Un voyage intime en images intrigantes, mystérieuses ou simplement belles au regard, presque une référence au cinéaste Steven Spielberg que Julien Magre apprécie particulièrement.

Les animaux, on les retrouve en transit chez la fabuleuse Sophie Calle et ses idées farfelues. En travaillant avec Vinci, elle a extrait dans les archives de caméras de surveillance des dizaines d’images noir et blanc de rongeurs, volailles ou cervidés rassemblés ici dans des séquences qui miment leur pèlerinage sous l’autoroute. Puis, cela lui ressemble bien, elle s’est muée en agent de péage, à Saint-Arnoult, et a interpellé les automobilistes avec une question qui s’est retrouvée sur les panneaux d’informations du secteur et à la célèbre radio 107.7 : « Où pourriez vous m’emmener ? » Réponses : « Au bout du monde, mais à l’arrière avec le chien. » ; « Pas loin parce que ça coute cher » ; « Au paradis, mais quand et comment, je ne sais pas, ça s’organise tellement à l’avance qu’on risque de jamais y aller. »

Drôle, touchante, interpellante, cette exposition met en lumière le potentiel d’imagination de ces cinq artistes, et suggère le notre : tenter de faire d’un vide un tout, où que l’on soit, même entourés des plus insipides éléments. Ainsi, S’il y a lieu je pars avec vous est une invitation « à se trouver, à se perdre ». Pour que le bitume ne soit désormais plus uniquement synonyme de simple revêtement.

EXPOSITION 
S’il y a lieu, je pars avec vous
Au Bal jusqu’au 26 octobre 2014
6, impasse de la Défense
75018 Paris
France

http://www.le-bal.fr

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