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L’Afrique de mille feux de Pascal Maître

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Le photojournaliste français a saisi la vie nocturne d’un continent sous-alimenté en électricité. Vibrants tableaux à la flamme des lampes à pétrole artisanales.  

Il y a des villages où l’encre de la nuit pénètre sans qu’il n’existe de moyens efficaces d’y faire face. Le noir engloutit les maisons et les villageois s’effraient. « La nuit j’ai peur » confie un enfant béninois à Pascal Maître. Le photographe s’est rendu dans le village de Kokahoué au Bénin où 300 habitants n’ont pas d’électricité. Alors il faut rivaliser d’inventivité avec les outils qu’on a dans la main. Le téléphone portable devient une lampe torche. Ainsi de ce petit garçon immortalisé dans un sentier, la nuit, le téléphone de son père à la main, avançant avec la crainte de débusquer un serpent dans les herbes hautes de la brousse. « Cela fait trente ans que tous les jours on me parle du problème de manque d’électricité en Afrique », explique Pascal Maître, « alors ce sujet s’est naturellement imposé à moi ». En tout ce sont près de 620 millions d’Africains qui n’ont pas accès à l’électricité.

Morsure de serpent

Ces démunis de l’éclairage doivent se débrouiller comme ils peuvent pour tenter de continuer à voir un peu dans cette nuit obscure. Certains utilisent des lampes à pétrole artisanales qui dégagent une fumée toxique, mais permettent d’éclairer un peu. Pascal Maître nous les montre dans de beaux clairs-obscurs où les visages, illuminés d’une flamme, font penser aux toiles de Georges de la Tour ou du Caravage. Il n’en demeure pas moins que le manque d’électricité est un désagrément qui peut s’avérer dangereux. Comme il n’y a pas de frigidaire, les sérums antipoison ne peuvent pas être conservés. Dans le cas d’une morsure de serpent – ce qui arrive souvent dans les campagnes africaines – il faut alors conduire le blessé à l’hôpital d’une ville et parfois, sur la route, il y a un accident. Que dire, sinon, de cette femme qui accouche et que Pascal Maître immortalise, éclairée uniquement par une torche et une lampe à pétrole et où le nouveau-né se débat dans ce jeu de lumière tantôt chaude, tantôt froide, enseveli d’une atmosphère nocturne terriblement prononcée ? On comprend l’enjeu que représente l’accès à l’électricité.

Déshérités

Plus loin, le photographe nous montre des écoliers en train de réviser un cours sous le lampadaire d’une ville. Ils n’ont pas d’électricité chez eux et on trouvé ce moyen, fort désagréable, pour potasser leurs leçons. A côté, ce sont des peintres en bâtiment qui s’éclairent au téléphone portable pour continuer à travailler. « Il faut dire aussi que dans les campagnes africaines la nuit est très profonde », affirme Pascal Maître, « comme disent les gens là-bas : à partir de 19 heures on a l’impression d’entrer dans une tombe. C’est un bloc noir ». A cela, s’ajoute pour ces personnes de plus en plus le sentiment d’être déshérités. « Les gens qui n’ont pas accès à l’électricité se sentent déclassés », dit le photographe, « ils ont l’impression d’être mis sur le côté du progrès ». De fait, de très nombreux campagnards ont adoptés le téléphone portable quand bien même leurs villages ne disposent pas d’électricité. Pascal Maître se souvient de son étonnement quand, alors qu’il réalisait un reportage au Tchad, il vît sur un marché des centaines de portables entassés sous une tente tandis qu’ils étaient en train d’être rechargés.

L’industrie de l’avenir

Le défi de l’Afrique est énorme en plein boom démographique. A la fin de l’exposition, Pascal Maître nous montre les solutions potentielles. En Ethiopie, par exemple, un énorme barrage est en train d’être construit. Il devrait produire à lui seul 6450 watt. Dans le même pays, à Ashegoda, ce sont 84 éoliennes qui produisent 120 méga-watt. Au Kenya, dans un parc naturel, le plus grand projet géothermique d’Afrique a vu le jour. Pascal Maître a photographié le bâtiment au moment où une girafe passait devant son objectif. Etonnant tableau d’une Afrique où se mêle l’industrie de l’avenir et le terrain de ses origines. Le chantier reste énorme. On estime qu’en 2030, 50 millions de personnes supplémentaires n’auront pas accès à l’électricité sur le continent.

 

Jean-Baptiste Gauvin

Jean-Baptiste Gauvin est un journaliste, auteur et metteur en scène qui vit et travaille à Paris.

 

 

Pascal Maitre, Quand l’Afrique s’éclairera
8 novembre 2017 au 7 janvier 2018
Maison Européenne de la Photographie
5/7 Rue de Fourcy
75004 Paris
France

www.mep-fr.org

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