Jusqu’au 20 décembre 2015, le 67-79 rue de Rivoli accueille l’exposition Ma Samaritaine 2015. Cette nouvelle édition rassemble 7 photographes qui proposent leur vision du célèbre grand magasin parisien, La Samaritaine. Michael Ackerman, Pierre-Olivier Deschamps, JH Engström, Yves Marchand & Romain Meffre, Sarah Moon et Georges Rousse ont exploré les onze niveaux du bâtiment inaccessible depuis maintenant dix ans, avant sa rénovation.
Rencontre avec Christian Caujolle, le commissaire d’exposition et responsable du projet.
L’Œil de la Photographie : Pourquoi le medium photographique accompagne t-il les mutations du geste architectural de la nouvelle Samaritaine et une situation transitoire ?
Christian Caujolle : C’est l’histoire de rencontres et également celle de nécessités, de la compréhension d’un medium et de son importance actuelle. Lorsque Marie-Line Antonios, directrice de La Samaritaine, m’a contacté, nous avons constaté que ce projet, l’un des plus importants du point de vue architectural au cœur de Paris et celui qui touche à un bâtiment mythique de la capitale et interroge son avenir, avait perdu une partie de sa mémoire suite à la destruction d’archives. Il était important de reconstituer cette mémoire autant que de construire celle de la transformation. Tout a commencé avec un état des lieux par Pierre Olivier Deschamps et avec la recherche des documents d’archive, toujours en cours. Il est alors apparu que la photographie était, ou pouvait être, le moyen le plus pertinent de documenter et de questionner le projet. En confrontant des regards, en sollicitant des points de vue, en étant ouvert. Les photographes étaient à la fois capables d’inscrire une situation et de proposer des angles, des axes, des perspectives d’aujourd’hui. C’est la pertinence contemporaine de la photographie par rapport à un projet extrêmement ambitieux qui a déterminé le choix. Même si nous tenons à conserver des traces de ce qui fut, il n’y a aucune nostalgie dans le projet. Du respect, de la passion, mais une projection dans une capitale en transformation.
ODLP : En quoi le Grand Prix Samaritaine de la Jeune Photographie reflète-t-il les engagements du mécénat du groupe (filière d’LVMH) ?
CC : Le Grand Prix, décerné les deux dernières années et qui le sera à nouveau dès que nous ferons travailler de jeunes photographes, est une forme d’engagement auprès de la jeune création. Il y a deux ans nous avons donné carte blanche à 5 jeunes français et 5 jeunes étrangers aux écritures très diverses ; l’an passé à 10 étudiants ou récents diplômés de l’École Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris. Ce prix correspond à une exigence d’excellence, à la volonté et aux envies de découverte de nouveaux talents et à la décision de les soutenir effectivement.
ODLP : Comment ce troisième volet « Ma Samaritaine 2015 » s’inscrit-il par rapport aux 2 initiatives précédentes ? Et ouvre t-il une suite ?
CC : Cette année, en choisissant des auteurs renommés, aux écritures reconnaissables et très diversifiées, nous avons voulu à la fois nous ouvrir à des points de vue plus affirmés, et laisser la porte ouverte à des surprises. Et elles sont là ! Même s’ils ont carte blanche, les photographes se retrouvent dans la situation d’un exercice de photographie appliquée, dans un lieu avec ses contingences, avec son histoire, et qui est en pleine mutation. Nous savions également que c’était la dernière fois – puisque les travaux ont effectivement commencé – que nous pourrions avoir le point de vue de ces artistes sur ces lieux qui sont d’ores et déjà modifiés. Cet ensemble extrêmement exigeant du point de vue esthétique est également un pan de la mémoire de La Samaritaine. De Paris aussi. Et le fait de confronter des praticiens qui ont une grande habitude du traitement de l’architecture avec d’autres qui ne s’y sont jamais frottés nous a semblé intéressant.
L’expérience va naturellement se poursuivre, selon différentes modalités, du suivi des travaux avec plusieurs dispositifs complémentaires à l’intervention de nouvelles signatures prestigieuses.
ODLP : La confrontation d’écritures et de regards différents participe-t-elle à l’avenir pluriel de la nouvelle Samaritaine et ses usages mixtes, à la fois grand magasin mais aussi hôtel de prestige, crèche, logements sociaux ?
CC : Les choses ne sont pas aussi mécaniques. L’avenir du futur bâtiment, même si l’on en connaît les grandes lignes, est toujours en construction. L’intervention des photographes continue à avoir une fonction de mémoire et une dimension de questionnement. Je suis convaincu que, au final, nous aurons à la fois une mise en pratique des questions sur les représentations de l’espace, des transcriptions d’émotions liées au lieu et aux moments de changement, des propositions qui traversent la situation de la photographie aujourd’hui. Une documentation singulière, une mémoire unique est en train de se constituer. Ce qui est passionnant, grâce aux regards de photographes très différents, c’est que la photographie dépasse largement la fonction utilitaire à laquelle elle est souvent limitée sur des projets architecturaux.
EXPOSITION
Ma Samaritaine 2015
Michael Ackerman, Pierre-Olivier Deschamps, JH Engström, Yves Marchand & Romain Meffre, Sarah Moon et Georges Rousse
Du 17 octobre au 20 décembre 2015
67-73 rue de Rivoli (angle rue de Rivoli et rue des Bourdonnais)
75001 Paris
France
Entrée libre et gratuite
http://projet.samaritaine.com