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Un portrait poignant d’Harlem, par Khalik Allah

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Il est aisé de parcourir une ville en évitant de croiser un seul regard. Mais pour le photographe Khalik Allah, ce contact est essentiel. Il voit chaque individu photographié, et à leur tour, ses photographies nous permettent de voir ces personnes, de reconnaître celles que nous aurions peut-être ignorées, et à travers ses yeux, de plonger notre regard dans le leur et d’aller à leur rencontre. Tel est le pouvoir du travail d’Allah, qui a démarré dans la réalisation, en particulier celle de vidéos musicales avec les artistes Wu-Tang Clan ou Beyoncé. Avec la photographie et son sens du partage, il nous éclaire, ouvrant la voie vers une meilleure compréhension de tous en tant qu’individus, même lorsque le message n’est pas forcément moral ou facile à recevoir.

Les images exposées à la Gitterman Gallery de New York sont tirées principalement de son dernier ouvrage, Souls Against the Concrete (University of Texas Press, 2017). Prises de nuit à Harlem, au coin de la 125e rue et de Lexington Avenue, elles nous laissent entrevoir un univers et des êtres humains que beaucoup choisissent d’ignorer. Nombre de ses sujets sont des drogués, des sans-abris – ou les deux. Avec le seul éclairage fourni par les vitrines et les réverbères ou celui des quais de métro, il les photographie avec un film couleur lent, obtenant un grain et une texture denses, symboles visuels de la rudesse et de l’intensité de la vie dans la rue, et des luttes qu’il a menées lui-même par le passé. Les lumières sont crues, surréalistes, et les silhouettes baignées de bleus et de rouges. Dans la chronique littéraire New York Times Book Review, l’auteur Luc Sante écrit : « Il en résulte tout un panorama d’émotions profondément humaines – tristesse, passion, confusion, fierté, méfiance, amusement, épuisement – autant de visages qui peuplent la nuit ».

Malgré les défis qu’il a dû relever très tôt dans sa vie, Allah a réussi à se discipliner et se concentrer sur l’amélioration de soi, des qualités qu’il dit valoir en partie aux enseignements de The Five-Percent Nation, un courant dont le nom souligne le concept selon lequel seul cinq pour cent de la population mondiale connaît la vérité qui sous-tend la vie, et se consacre à éclairer le reste du monde. Fondé à Harlem dans les années 1960, le mouvement met l’accent sur le développement intellectuel et l’éveil spirituel des hommes noirs en particulier.

Ayant trouvé inspiration et libération auprès de ses membres, Allah s’est consacré avec sérieux à l’étude de la métaphysique, de l’histoire des Noirs, et de la littérature. C’est en regardant des vidéos sur YouTube qu’il a appris à se servir d’un appareil photo, avant de dévorer des ouvrages empruntés en bibliothèque, sur les œuvres de Henri Cartier-Bresson, Robert Frank, Nobuyoshi Araki, Daido Moriyama et Bruce Davidson. Les travaux exposés portent sa griffe personnelle, tout en démontrant sa connaissance intime du travail de ses pairs. En outre, ils correspondent parfaitement aux principes philosophies hérités de The Five-Percent Nation. Il s’appuie en effet sur la photographie afin d’illustrer pour nous le potentiel de l’humanité, et surtout celui d’une communauté qui demeure invisible aux yeux de beaucoup. C’est ainsi que l’artiste évoque son œuvre en parlant de son « ministère photographique ».

 

Khalik Allah
9 mars – 12 mai 2018
Gitterman Gallery
41 E 57th St
New York, NY 10022
USA

https://gittermangallery.com/

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