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Japon –Kosuke Okahara

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Né en 1980, Kosuke Okahara suit une formation d’enseignant à Tokyo avant de devenir photographe. Il rejoint en 2007 l’agence Vu, à Paris. Indépendant depuis avril 2010, il vit et travaille à Tokyo. Ses reportages ont paru dans de célèbres magazines du monde entier. Lauréat de nombreux prix, ses nombreuses expositions confirment sa renommée internationale.

« En 2004, je me suis aperçu qu’à force de voyager, je ne connaissais pas vraiment mon pays. Qu’est-ce qu’être japonais ? Difficile de le savoir, dans une société hyper codifiée, dont l’apparence parfaitement lisse est cultivée. Un jour, je rencontre une étudiante de l’institut dont j’étais sorti diplômé. Nous devenons amis et, bientôt, elle me révèle qu’elle s’automutile depuis des années. La raison ? Elle n’arrive pas à trouver l’ibasyo, qui désigne dans l’archipel un état que je traduirais comme l’existence physique et émotionnelle”, la paix intérieure”. Le fait de ne pas l’atteindre procure un sentiment de mal-être que notre culture, basée sur la honte, étouffe. Au Japon, pas question de se plaindre. On tait sa souffrance. Moi compris : j’ai vécu, enfant, au sein d’une famille où la violence était quotidienne.

Je me suis muré dans le silence et, pour être honnête, je me suis moi aussi automutilé. Le projet de traiter ce sujet en photo se dessine. Je contacte les internautes qui postent des photos des blessures qu’ils s’infligent. Une vingtaine me répondent, enthousiastes. Mais la plupart vivent encore chez leurs parents, qui s’opposent à ce que je les photographie. Certains ne savent même pas que leur enfant se scarifie ! Six très jeunes filles m’ouvriront les portes de leur vie, de leur lutte, de leur douleur. Certaines n’accepteront de se livrer qu’au bout d’un an. Quatre ans auprès d’elles ont donné des moments d’angoisse, mais aussi de fugaces impressions d’ibasyo, qu’il m’a semblé déceler lorsque je les photographiais. Elles m’ont toutes dit vouloir réfléchir sur elles en regardant mes images… Mon vœu le plus cher est qu’elles puissent voir leur propre vie à travers mes yeux et, au bout du compte, arriver à en apprécier la qualité. »

Sylvie Rebbot, commissaire

Texte extrait du livre-catalogue « Photoquai » coédition Musée du Quai Branly- Actes-Sud

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