Rechercher un article

Irving Penn

Preview

Irving Penn est le photographe qui m’a le plus impressionné. Le plus perfectionniste, le plus intransigeant. Je l’ai côtoyé plusieurs fois: la première, en 1975, pour le centième numéro de Photo. Roger Thérond, alors patron du magazine, voulait un portfolio de Penn, Avedon et Hiro. Ces deux derniers considéraient Penn comme leur mentor et avaient accroché leur accord à la réponse de Penn. Penn n’aimait pas beaucoup Photo — qu’il considérait comme un girlie magazine —, je l’ai invité à New York à déjeuner au Café des artistes. J’étais tétanisé et incapable de lui parler, notamment de son sujet favori : le tirage au platine auquel je ne comprenais rien. Alors pendant tout le déjeuner, je lui ai parlé de son petit frère Arthur, un cinéaste de génie et de son premier film, Mickey One, avec Warren Beatty et la sublime Alexandra Stewart. Surpris et amusé, il me donna un portfolio, ce qui convaincu les deux autres…

Suivront deux année de quarantaine. J’avais publié un texte de Doisneau, qui fut son rabatteur et son assistant sur les petits métiers de Paris, réalisé pour Vogue. Doisneau racontait avec humour, le fossé entre ces deux mondes : la crispation perpétuelle de Penn, sa nervosité devant l’impossibilité de communiquer. « Penn travaillait à la chambre, avec un viseur très proéminent en métal, chaque jour, il s’éclatait l’arcade sourcilière et on devait le panser. » Penn n’avait pas apprécié les souvenirs vivaces de Robert. La quarantaine finie, j’ai le droit à un goûter au studio, je viens avec un cadeau : je me suis procuré, avant sa sortie, un exemplaire de l’édition anglaise de La Chambre claire de Roland Barthes. Trois jours après, je reçois un mot de Penn : « Merci, je n’ai pas appris grand-chose sur la photographie, mais un peu plus sur Naudet. » Quarante ans plus tard, je me demande toujours ce que signifiait cette phrase laconique.

Et puis il y eut Passage, le livre que Nicholas Callaway (voir témoignage) a publié en 1991 : quatre ans de travail, une maîtrise totale de Penn sur l’ouvrage. Paris Match veut en parler (voir l’article), je vois Penn, puis Edmonde Charles-Roux, la rédactrice en chef de Vogue de l’après-guerre. Fabuleuse Edmonde ! Elle me raconte une anecdote étonnante : Penn et elle se retrouvent à Naples pour une série de reportages pour Vogue. Penn a l’obsession des vieux Palazzo abandonnés et tombés en décrépitude, il veut tous les visiter, il n’hésite pas à enjamber portes et murets. A leur sortie, ils sont systématiquement accueillis par des hourras, bravos et applaudissements d’une vingtaine de personnes. Edmonde réalise qu’ils sont tous persuadés qu’elle et Penn sont venus faire un câlin.

Peu après, Lisa Fonssagrives, sa femme, l’amour de sa vie, mourra. Un chagrin définitif s’abattra alors sur le studio.

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android