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Interview de Zanele Muholi par Ginger Liu

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La Galerie Open Eye de Liverpool présente la première grande exposition au Royaume-Uni de la photographe sud-africaine et activiste visuelle Zanele Muholi. Muholi a exposé son travail sur les lesbiennes noires et la communauté LGBTI (Lesbienne,Gay,Bisexuel Transgenre et Intersexe) Sud-Africaine pendant plus d’une décennie et a obtenu une reconnaissance internationale pour son récit visuel qui rend visibles les visages, les corps et les vies d’une communauté qui connaît la violence et la discrimination homophobe.

D’autres approches photographiques pourraient se concentrer un peu trop sur les sujets sensationnels de viol et de meurtre qui affectent cette communauté, mais Muholi a la volonté de montrer l’intégralité de l’image. Ce faisant, son public devient témoin d’une relation très personnelle entre la photographe et les participants, avec des images magnifiques de dignité, de défi et de célébration des lesbiennes noires et de la communauté LGBTI.

Ginger Liu: Quelle est la signification du titre Vukani / Rise ?

Zanele Muholi: Vukani est un mot zoulou qui veut dire dépassement. Il demande à chaque personne LGBTI, à chaque instant, de dépasser les circonstances qu’elle pourrait traverser, surtout en ce qui concerne les diverses phobies, parce que la peur est à double tranchant : l’homophobe ressent la peur de l’inconnu, et nous devons vivre dans la peur de ne pas savoir ce qui pourrait arriver en tout lieu et à tout moment. C’est un appel à l’action, pour dire de ne jamais se laisser tirer vers le bas. Se dépasser, quoiqu’il arrive.

GL: Vous avez une relation spéciale avec vos sujets, que vous retournez souvent photographier année après année. Comment cette relation a-t-elle grandi et évolué au fil des ans ?

ZM: Je ne travaille pas avec des sujets, je travaille avec les participants. C’est essentiel. Les gens qui sont dans mes photographies participent à un projet en cours. Je veux me connecter avec eux et aussi que ce rapport soit consenti, pour travailler dans le respect. Et pour nous assurer que nous comprenons parfaitement que vos actions à un moment donné écrivent une histoire ou fabriquent de l’histoire. Vous affirmez qui vous êtes, mais tout le monde n’a pas votre courage : c’est pourquoi je dis qu’il s’agit de participation. Cet acte, votre action, votre implication, votre intervention peut conduire à libérer une autre personne ou à l’éduquer au sujet de ces mêmes questions qui nous touchent.

GL: Il y a vingt ans, avez-vous jamais pensé que vous deviendriez la voix de la communauté lesbienne et LGBTI ?

ZM: Je travaille depuis un certain temps et vous avez vu le documentaire médiocre qui montre les événements qui ont eu lieu il y a plus de dix ans. Donc, il y a vingt ans, j’étais déjà là, et même si j’exprimais les choses différemment, mon plan était clair. Évidemment, mon travail n’était pas connu alors autant que maintenant. Je faisais des études de relations publiques et je voulais faire quelque chose d’autre. Je voulais travailler dans le domaine du film documentaire. Mais maintenant, j’ai trouvé une approche personnelle et positive à cet activisme visuel et je suis parvenue à percer. Les gens sont à l’écoute. D’autres que moi pensent maintenant que l’activisme artistique ou l’activisme visuel sont essentiels. Je savais que je voulais me trouver. Je savais que je voulais voyager. Comment ça allait se produire, je ne le savais pas à ce moment.

GL: Être visible est un thème commun dans votre travail. Pourquoi est-il si important pour la communauté LGBTI d’être vue et entendue en Afrique du Sud ?

ZM: En Afrique du Sud et au-delà. On ne voit pas beaucoup de visages noirs dans les galeries et dans les musées à l’étranger. Les gens ne sont pas représentés dans ces lieux qui parlent d’un passé différent. Ce que l’on peut voir est limité. C’est pourquoi il est si important de rendre l’invisible visible, parce que nous sommes partie intégrante de tout ce qui se passe dans différents lieux. Donc, nous en tant que personnes LGBTI nous nous devons d’assurer que nous sommes vus, parce que être vus signifie que nous sommes reconnus, et cette reconnaissance signifie que nous sommes respectés et ce respect veut dire que nos voix sont entendues. Il ne s’agit pas de faire étalage de l’homosexualité ou de créer une représentation exotique de l’homme gay noir et du corps noir. Cela va bien au-delà.

Il est temps que nous nous voyions de manière positive et aussi d’une manière qui nous fasse nous sentir complets, plein de confiance et de raison. Ces voix se connectent et vous encouragent parce que vous savez que vous n’êtes pas seul. Avant d’être amants, nous venons de familles. Nous sommes conçus par des hommes et des femmes et je pense que ce sont ces documents-là qui font défaut dans les archives actuelles. Faisons en sorte que ces voix et ces images soient mises en avant. Apportez-les dans les espaces d’exposition. Nous ne pouvons pas nous limiter à nos espaces et dire que ceci fait seulement partie d’un groupe LGBTI. Je ne veux pas exister dans un espace limité. Je veux intégrer nos questions afin que les gens comprennent, et s’instruisent sur la communauté LGBTI dans notre pays et au-delà. Je veux exister dans la mémoire des autres en tant qu’ être humain avant que d’exister en tant qu’être sexué. Je veux que mon travail et le travail avec ceux que je respecte soit reconnu et pas seulement nommé.

C’est donc très politique. Je souhaite que les personnes LGBTI et la société en général aient la possibilité de voir et de poser des questions et aussi de se demander où sont ceux de votre communauté et pourquoi ce travail est ici, parce que chaque individu vient de quelque part. Et chaque individu a sa propre histoire de vie à dire au-delà des corps qui prennent la première place. Je veux être sûre que nous ayions une histoire visuelle qui nous parle, ainsi qu’à la génération actuelle et qui informe les générations futures, parce que le passé n’est pas facile à aborder.

L’interview a été publié dans le magazine http://ragazine.cc.
Ginger Liu est photographe, auteure et vidéaste basée à Los Angeles et à Londres. www.photo.gingerliu.com
@gingerliu

INFORMATIONS
Zanele Muholi: Vukani/Rise
Exposition close
Open Eye Gallery
19 Mann Island
Liverpool Waterfront
Liverpool L3 1BP
Royaume Uni
+44 (0) 151 236 6768
http://www.openeye.org.uk
http://inkanyiso.org

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