La vie a une étrange façon de revenir vous hanter. Je me rappelle quand Bob et moi nous sommes rencontrés, il riait souvent et me disait quelle merveilleuse vieille dame je serai : « Tu seras la gardienne des clés, disait-il, et les gens viendront du monde entier pour s’émerveiller de ta merveilleuse collection de photographies, prises par ton dingue de mari qui s’est tué dans un accident invraisemblable, en tombant dans les escaliers avec une tasse de thé brûlante à la main. »
J’étais sûre, avec mon cœur fragile, que je serais la première à disparaître. Mais me voici, « la gardienne des clés », à m’occuper de ces archives contenant des photographies incroyables. Très régulièrement, je tombe sur une nouvelle boîte de tirages et d’images produites par Bob, et elles sont toutes uniques, spéciales, et magiques. Bob avait un don inné pour pénétrer dans l’âme des gens grâce à son appareil. Il était capable de détecter les forces et les faiblesses de ses sujets, de les faire se détendre, et à ce moment précis, il déclenchait l’obturateur et cette image lui appartenait à jamais. Il avait un timing parfait et il savait quand et comment faire ses photographies. Notre exposition Living Dolls évoque le meilleur de sa collection Love Dolls Never Die, ainsi qu’un certain nombre de pièces inédites qui en font un événement très enthousiasmant. Ses images provoquent toujours le buzz quand elles sont accrochées pour être présentées au public. Les clichés de la dernière exposition avaient tous été vendus en une seule semaine.
Depuis sa mort, j’ai travaillé étroitement avec Ghislain Pascal, qui était l’agent de Bob depuis de nombreuses années. J’ai la chance d’avoir quelqu’un qui connaît les archives presque aussi intimement que moi, et nous passons des heures à faire nos choix pour des articles ou des expositions. Les donations aux musées et galeries prennent des mois à préparer, et j’essaye toujours de penser à Bob et à ce qu’il aurait choisi.
Chaque photo raconte une histoire et cela peut être dur parfois quand certaines images me rappellent les bons et les mauvais moments de notre vie ensemble. Vivre avec Bob n’était pas facile parce que vous ne pouviez pas savoir quelles joies ni quels désastres allaient survenir la minute d’après. Mais plus que tout, je me rappelle son fantastique sens de l’humour et même dans les pires moments, il parvenait toujours à me faire rire.
Difficile, oui. Dangereux, oui. Versatile, oui. Brillant, définitivement !
Huit ans après sa mort, ses images attirent toujours les foules, et les collectionneurs du monde entier veulent ses photographies. C’est formidable parce que le meilleur est encore à venir.
Lindsey Carlos Clarke, la femme de Bob
