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Guerlain : Femmes en regard

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Cette année, Guerlain rassemble les œuvres de quatorze femmes photographes, qui nous invitent à réfléchir sur la manière dont une femme peut regarder une autre femme, au 68, avenue des Champs-Élysées.

Un cycle de sept conférences donnera également la parole aux photographes exposées. Une manière complice et engagée d’explorer la singularité et la justesse du regard de ces artistes, et favoriser la reconnaissance de leur contribution immense au champ artistique.

En consacrant une exposition aux femmes photographes, Guerlain n’a pas voulu parler de genre ni de nature mais d’épiphanie. De la mise en lumière de leur œuvre afin de favoriser la reconnaissance de leur contribution immense au champ artistique et à la manière de raconter l’histoire du médium. La Maison a toujours collaboré avec des artistes et particulièrement des femmes, notamment lors de ses expositions avec la FIAC ou lors de l’exposition Révélations, Les femmes vues par les femmes en 2017.

Guerlain a sollicité Luce Lebart, historienne de la photographie et co-directrice de l’ouvrage de référence, Une histoire mondiale des femmes photographes (Textuel), à signer le texte de l’exposition et à animer une conférence au sein du 68, avenue des Champs-Élysées. Elle porte son regard ciselé et exigeant en alimentant une conversation qui ne fait que commencer. Cette exposition, Femmes en regard, est un fragment d’un tout plus global. Une fraction inscrite dans les valeurs de la Maison Guerlain et qui y trouve une place naturelle et attendue.

Doublement militante, cette exposition vise aussi à explorer la singularité et la justesse du regard de ces artistes sur d’autres femmes. Une vision épurée, complice et engagée. Avec la complicité de Jean-Luc Monterosso, fondateur de la MEP, Guerlain a réuni des tirages historiques d’artistes qui ont marqué ou marquent leur époque : Christine Spengler, Alice Springs, Cindy Sherman, Sabine Weiss, Martine Franck, Bettina Rheims, Françoise Huguier, Dominique Issermann, Valérie Belin, Carolle Bénitah, Delphine Diallo, Marie Rouge, Charlotte Abramow ou Sarah Moon. Un Panthéon qui doit faire prendre conscience à tous de leur impact à l’aune du passé mais surtout du futur. Ces femmes sont des pionnières que Guerlain ne cessera jamais de soutenir et d’accompagner.

 

DEUX OU TROIS CHOSES QUE JE SAIS D’ELLES

Par Jean-Luc Monterosso

Un monde sans hommes : tel est le titre d’un livre célèbre d’Helmut Newton publié en 1991. Sous le regard d’un des photographes les plus talentueux de son époque, se révèle, au fil des pages, l’image d’une féminité exa- cerbée volontiers provocante et sophistiquée. Un seul portrait d’homme dans ce recueil : le sien, réalisé par sa femme Alice Springs.

« La féminité vue par les femmes » pourrait être l’un des thèmes récurrents de l’exposition présentée dans les espaces historiques du 68 Champs-Élysées à Paris. Des œuvres de quatorze femmes photographes y sont rassemblées qui, de Cindy Sherman à Bettina Rheims, nous invitent à réfléchir sur la manière dont une femme peut regarder une autre femme. Affaire de sensibilité, sans doute, mais aussi, plus encore, illustration d’un combat: celui mené par des femmes pour acquérir dans un monde d’hommes un statut de photographe reconnue et respectée. C’est le cas d’Alice Springs qui, à l’opposé de la vision très masculine de son mari, célèbre, au cœur de l’intime, par de magnifiques portraits en noir et blanc, les subtiles relations qui se nouent au sein d’une famille. Et si Sarah Moon, aujourd’hui accueillie dans les plus prestigieux musées, est parvenue à construire, à côté du grand éditeur et directeur artistique que fut Robert Delpire, une œuvre forte et singulière, n’est-ce pas tout simplement parce qu’elle appartient comme Dominique Issermann à une génération qui a su très tôt s’affran- chir des règles établies pour affirmer hautement son autonomie et sa liberté ? Mais l’une comme l’autre déclarent qu’elles ne photographient pas les femmes de manière différente parce qu’elles sont des femmes, mais parce qu’elles sont d’abord des photographes, sensibles à la lumière et aux possibilités chromatiques d’un médium dont la maîtrise est mise au service de leur vision et de leur esthétique. Pour elles, seule la relation de confiance et de complicité qui s’établit parfois à la prise de vue avec le modèle féminin explique ce « je-ne-sais-quoi » qui, dans leurs photographies, fait la différence.

La vieillesse et son cortège de fragilités fut, pour Martine Franck, l’occasion d’effectuer un reportage au long cours, loin de tout « instant décisif ». À travers ses photo- graphies, elle porte sur les différents âges de la vie un regard bienveillant, profondément humain. À l’image du portrait de l’espiègle octogénaire de l’hospice d’Ivry- sur-Seine réalisé en 1975 auquel semble répondre le sourire éclatant de la petite Égyptienne rencontrée par Sabine Weiss en 1983. Aucune revendication de fémi- nisme ni d’engagement militant chez cette dernière, qui se dit simplement une « fervente de la vie ».

Le reportage de guerre, presque toujours exclusive- ment réservé aux hommes, a pourtant suscité quelques vocations. Christine Spengler, à l’instar d’une Catherine Leroy, Françoise Demulder, Marie-Laure de Decker ou Alexandra Boulat, a couvert la plupart des conflits de la deuxième moitié du xxe siècle : le Vietnam, le Tchad, le Cambodge, l’Irlande du Nord… Elle a vécu et par- tagé avec courage les horreurs de la guerre. Mais, à la différence de ses confrères, elle s’intéressait surtout aux survivants, particulièrement aux femmes et aux enfants.

« Je suis une photographe de guerre qui conte la vie »,

écrit-elle dans son autobiographie.

Plusieurs années plus tard, après une histoire personnelle douloureuse à l’origine de son engagement, elle revisite ses photographies en noir et blanc et les colorise. En fai- sant entrer la couleur et en redonnant vie à ses souvenirs d’enfance, elle crée des photomontages comme le portrait de Marguerite Duras présenté dans l’exposition – un portrait à son image, celui d’une héroïne durassienne qui s’invente et se reconstruit en reconquérant son passé. C’est contre les clichés que la société occidentale véhi- cule sur les femmes, et particulièrement sur les femmes africaines, que s’élève Françoise Huguier. Dans Secrètes publié en 1996, elle photographie les femmes oubliées du Mali et du Burkina Faso, conférant à la femme noire une dignité qui lui a longtemps été refusée. Prônant le reportage documentaire « hors sujet », Françoise Huguier scrute aussi avec humour les métamorphoses que la société de consommation entraîne chez les jeunes “fashion victims” asiatiques.

Si toutes les pratiques photographiques sont désormais ouvertes aux femmes et si tous les sujets peuvent être abordés par elles, un certain nombre cependant se sert de la photographie pour dénoncer les stéréotypes masculins.

La situation de la femme dans les sociétés patriarcales est un des thèmes de prédilection de Carolle Bénitah. Parcourant de vieux albums de photographie, elle en extrait des images qu’elle enrichit de broderies, de mou- choirs, de mousseline et de tous les petits accessoires qui constituent l’univers domestique de la parfaite épouse. À travers ses œuvres, Carolle Bénitah incarne une forme de résistance silencieuse. Ses origines marocaines donnant à sa démarche une incontestable légitimité.

C’est également les codes que le regard masculin impose à la féminité que dénoncent Cindy Sherman et Valérie Belin. Dans une photographie produite spécialement pour Guerlain en 2017, Valérie Belin reprend les canons de beauté standardisés et aseptisés en vogue dans les années 1950 pour nous restituer une icône féminine complètement désincarnée sur fond de fleurs et de bandes dessinées. Cindy Sherman reprend, elle, à son compte l’autoportrait et le travestissement qui furent utilisés par les femmes photographes de la fin du xixe et du début du xxe siècle pour faire passer quelques-unes de leurs revendications. À travers des dizaines d’images d’elle-même, elle déconstruit les clichés qui ont forgé dans le cinéma, l’art et plus généralement l’inconscient collectif, l’image de la femme.

Dans leurs œuvres, le corps et la sexualité sont placés au cœur de leur combat pour l’émancipation des femmes. Le grand portrait en couleurs de Charlotte Rampling par Bettina Rheims qui ouvre l’exposition pourrait, dès lors, être la métaphore pertinente de cette évolution. Telle un garçon aux allures rimbaldiennes, les mains dans les poches d’un pantalon que retiennent deux bretelles rouges, la chemise échancrée, laissant voir un collier rutilant sur la peau nue, l’actrice, qui dans ses rôles au cinéma a toujours pris des risques et su repousser les limites, semble, d’un air légèrement narquois, nous signifier clairement que, dans notre monde d’hommes, la femme nouvelle est arrive.

Jean-Luc Monterosso

 

Les Photographes

Charlotte Abramow, Delphine Diallo, Marie Rouge, Valérie Belin, Sabine Weiss, Françoise Huguier, Martine Franck, Carolle Bénitah, Bettina Rheims, Christine Spengler, Alice Springs, Sarah Moon, Dominique Issermann, Cindy Sherman

 

Les Conférences

Un cycle de sept conférences animées par des femmes permettra de donner la parole à la plupart des artistes exposées : Charlotte Abramow, Valérie Belin, Françoise Huguier, Sarah Moon, Marie Rouge, Christine Spengler et Sabine Weiss.

Leur offrir un espace d’expression est une manière de croiser des regards, non seulement photographiques, mais aussi de points de vue, d’idées, en retraçant le parcours et la vie de celles qui font la photographie aujourd’hui.

Rendez-vous en distanciel les jeudis à 18h30 à partir du 15 avril.

Le détail du programme et la retransmission des conférences est à retrouver sur :

https://www.guerlain.com/fr/fr-fr/c/femmes-en- regard.html

Les inscriptions sur Zoom pour les conférences digitales sont ouvertes sur :

https://www.guerlain-beautybooker.fr/prestations/virtuel

 

 

 

 

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