Avec l’apparition de la photographie, c’est l’accès au portrait qui se démocratise ; le portrait peint étant alors réservé à une caste aristocratique ou à une élite bourgeoise.
Après les daguerréotypes, le succès et l’attrait pour le portrait photographique se confirment avec l’invention de Disdéri, « les portraits cartes », qui rencontre rapidement un vif succès. Outre sa rapidité et son prix, le grand avantage est de rendre possible la reproduction et le tirage en de nombreux exemplaires.
À ses débuts, la photographie est avant tout une prouesse scientifique, un dispositif mécanique apparemment neutre, au plus près du réel. Dès les premières décennies de son histoire, la photographie explore déjà pour ainsi dire la totalité des sous-genres du portrait que nous pratiquons encore actuellement : des portraits officiels, le nu, les portraits de célébrités, le portrait familial – notamment le portrait de mariage et les portraits d’enfants -, l’autoportrait, le portrait de groupe, le portrait historisant, le portrait fictif, …
Pourtant, dès son invention, elle est au service de la mise en scène, de l’artifice et l’illusion. Selon Nadar, un « bon » portrait doit être plus fidèle à la perception humaine qu’à la physique: « La photographie est à la portée du premier des imbéciles, elle s’apprend en une heure. Ce qui ne s’apprend pas, c’est le sentiment de la lumière et encore moins l’intelligence morale de votre sujet, et la ressemblance intime humaine. »
D’autres photographes suivent cette lignée en s’éloignant de la mise en scène : fond neutre ; restriction du cadrage au visage ; préférence des tenues du quotidien ou du nu afin d’en livrer son intériorité ; suppression de toute interaction avec les modèles en les photographiant à la dérobée.
Puis au contraire, les photographes ont joué de cette impossibilité avec des mises en scène réfléchies et travaillées, leur autoportrait, comme de véritables plasticiens où l’appareil photographique remplace le pinceau.
Aujourd’hui plus de trois milliards d’images sont partagées chaque jour sur les réseaux sociaux, des images prises en rafales et sans attention. Notre quotidien se veut aujourd’hui sans secrets et sans mystère, nous sommes prêts à tout exposer, et surtout notre propre personne. En 1859, Baudelaire s’est insurgé contre la photographie : « Cette société immonde qui se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal. » Et si, aujourd’hui, Narcisse avait un Smartphone ? Que penserait-il de l’autoportrait de notre époque ?
Judith Peyrat
La Chapelle
Impasse de l’Abbaye
78120 Clairefontaine en Yvelines
Du 19 septembre 2020 au 31 janvier 2021
baudoin lebon – paris
8, rue Charles-François Dupuis
75003 Paris, France