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Emphas.is : un espoir pour le photojournalisme

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Pour son premier anniversaire, le 7 mars 2012, Emphas.is a décidé de se lancer dans la production de livres de photojournalisme et de photographie documentaire. Après le pré-financement de leurs coûts de production par la plateforme de crowdfunding, Emphas.is Publishing permet désormais aux photographes d’éditer leurs reportages. Trois livres ont été rapidement publiés : “UK Uncensored” de Peter Dench (collecte de 17.830 $US en deux semaines), “Faded tulips” (10.370$US en trois semaines) de William Daniels et “Trading to Extinction” (25.820$US en quatre semaines) de Patrick Brown.
Pour ceux qui l’ignorent encore, Emphas.is est une plateforme web qui permet de collecter des fonds avec les leviers propres au crowdfunding. L’approche est simple : financer des projets en faisant appel aux dons de différents publics. Aucun pourcentage ou droit sur la série réalisée n’est demandé. La structure s’est focalisée sur des projets en journalisme visuel, uniquement proposés par des professionnels de l’information. Porté par la communauté des journalistes et de grands festivals, le lancement d’Emphas.is a été fulgurant ; quelques mois après sa création, la plateforme avait récolté près de cent mille dollars et financé sept projets photographiques dont « 21st Century communism – Laos » de Tomas van Houtryve de l’agence VII Photo.

Aujourd’hui, six personnes oeuvrent au bon fonctionnement de la structure : Karim Ben Khelifa, Tina Ahrens, Fanuel Dewever, Walter Tjantelé, Ine Dehandschutter et Gunter Boutsen. La structure apporte son soutien aux porteurs de projet et retient 15% sur le montant des collectes. L’idée est venue de Tina Ahrens et de Karim Ben Khelifa, le soir du 1er novembre 2009. A l’époque la demande éditoriale des médias évoluait et la diffusion payante des journaux chutait, cette récession frappait aussi les agences de presse. Internet poursuivait son extraordinaire expansion et beaucoup de lecteurs négligeaient la presse pour les sites d’information généralistes ou les blogs.

Brutalement, les productions dans les grands magazines se sont réduites alors que les propositions de reportages émanant des photojournalistes étaient toujours aussi nombreuses. Pour Karim Ben Khelifa la crise des médias ne laissait pas beaucoup d’espoir : “2008 a été une année très dure et j’ai personnellement vécu, en 2009, la fin de l’agence l’Oeil Public. Je collaborais avec des magazines internationaux et étais frustré de constater que la crise touchait mes productions. De grands photographes essayaient de survivre en gagnant trois francs six sous”.
A l’époque Tina Ahrens travaillait en tant que senior picture éditor à Géo Allemagne. Pour elle, le constat était similaire : “faute de ne pouvoir les produire, beaucoup de beaux projets nous échappaient”. Les festivals vont ouvrir les yeux de Karim Ben Khelifa : “Je me suis aperçu que souvent, le public se sentait plus concerné par la réalité du terrain que par la nature de mon travail. Avec Tina, nous nous sommes posés la question de savoir comment développer une alternative à la production avec une logique industrielle. Le problème majeur était de créer une alchimie en faisant converger les attentes des différents publics dans le processus de production.”

La naissance d’Emphas.is a été portée par trois vecteurs forts de croissance : l’innovation technologique couplée à la recherche et développement, la mondialisation de l’économie et la transformation des modalités de production. L’équipe s’est vite structurée avec des spécialistes aux parcours et expertises complémentaires.

A l’époque, Karim ne connaissait ni Kickstarter, ni Spot.Us, “Aujourd’hui avec le recul, je peux avancer que nous avons créé une niche avec ses spécificités et avons bien défini notre périmètre. Emphas.is a misé sur une communauté d’experts et de journalistes professionnels. Tous connaissent leur terrain d’action, un comité de sélection juge les projets et la structure a négocié des assurances dédiées aux zones de tension. Nous avons développé des moyens de partager les coulisses du reportage avec les “backers” (ceux qui soutiennent les projets) et arrivons à fédérer des communautés.”
Un chiffre est saisissant, 60% des donateurs ne connaissent pas les photojournalistes qu’ils soutiennent. Ils sont venus pour la cause et sont convaincus que les médias ne produisent pas de contenu original. La recherche de la bonne information, de l’exactitude est centrale. Le professionnel de l’information apparaît comme une référence, une réponse sûre à leurs yeux. “La liberté de communiquer avec le public qui te soutient est importante, la plupart deviennent tes propres ambassadeurs. Ce lien est plus fort que la somme symbolique qu’ils ont versé ou qu’un like sur Facebook. Ils relaient ton message et peuvent être là moralement en cas de coup dur. Les “bakers” sont concernés par la problématiques et le message du journaliste.”
En 2011, 21 projets – sur 36 projets proposés – ont été financés à hauteur de 340.000 $US et autant de professionnels “ont osé se mettre à nu. Cela n’a été naturel pour personne mais nécessaire pour tout le monde. Déposer un projet force les photographes à être plus clair dans leur démarche”. Aujourd’hui après le lancement d’Emphas.is Publishing dédié au livre, des projets spécifiques à l’écriture vont être développés. “La photo est universelle, cela a permis à 201 pays et territoires de découvrir Emphas.is en 2011” conclut Karim “. Avec l’écriture, ce sera plus compliqué mais nous sommes convaincus par la valeur de l’information et par la voie qui a été ouverte.” La prestigieuse fondation Nieman pour le Journalisme aussi, elle, vient de choisir Karim Ben khelifa pour participer à sa 75ème session. Il sera le premier Tunisien à y accéder et à passer une année à Cambridge, au sein de l’université Harvard avec 23 autres élus.

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