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Découpler la valeur intrinsèque d’une photographie de son économie

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Texte et photos par Andy Romanoff

Je regarde les preuves s’accumuler que le concept de la valeur d’une photographie est en train de changer. Ce fut d’abord l’explosion d’un milliard d’images par jour des appareils photo des téléphones, et d’Internet, puis des NFT, et maintenant cette histoire dans L’Oeil du 10 juin : Hier et aujourd’hui de Jean-Marie Périer.

Il y écrit “Je propose une exposition de 41 photos de mes clichés des années 60 libres de droit à placer sur les murs de tous les EHPAD de France qui souhaiteraient l’avoir pour une durée indéterminée, sans frais de location, qu’ils peuvent conserver pendant des années s’ils le souhaitent.”

Plus loin, il écrit : “Que des images épinglées sur les murs d’adolescents il y a 60 ans se retrouvent aujourd’hui dans les Ehpad, je trouve ça poétique.”

Voici donc un photographe professionnel, quelqu’un qui a passé sa vie à prendre des photos pour de l’argent qui reconnait que ses photos ont une valeur supplémentaire lorsqu’elles sont offertes gratuitement…! C’est une idée étonnante.

Je ne sais pas avec combien de photographes j’ai parlé au fil des ans de l’évolution de la valeur de leur travail passé. Pour ceux d’entre nous qui ont grandi dans un monde où la photographie était rare et les compétences techniques photographiques durement acquises, il y avait une compréhension prise pour acquise que les travaux  anciens continuaient d’avoir une valeur économique bien des années après leur réalisation. Je me souviens d’une conversation que j’ai eue avec Phil Stern il y a dix ou quinze ans, il me disait que les photos qu’il faisait dans les années 1950 rapportaient plus d’argent au 21e siècle que lorsqu’il les avait prises. Maintenant, Phil a pris des photos emblématiques de James Dean et des batailles épiques de WWll, alors ce n’était peut-être pas si surprenant, mais à peu près au même moment, je parlais aussi avec d’autres amis, des photographes qui avaient bien gagné leur vie en faisant des photos de voyage et des paysages. Ils voyaient leurs revenus diminuer à cause de la prolifération d’images vendues pour quelques centimes par les agences de stock numériques montantes.

Tout cela pour dire que nous vivons un moment intéressant et que je vois de nouvelles idées émerger en réponse au déluge d’images d’aujourd’hui. Et je pense qu’une idée importante est qu’une photographie a toujours de la valeur même si vous ne pouvez pas acheter de déjeuner avec elle. Bravo Jean-Marie pour la reconnaissance que vos photos ont une réelle valeur même si ce n’est pas directement en espèces !

Quelque chose d’autre s’est produit récemment qui m’a également incité à écrire ces pensées. Je produis beaucoup plus d’œuvres que je n’en vends. C’est ma nature et mon plaisir mais une fois qu’on a fait une photo qu’est-ce qu’on en fait ? Mon ami, le peintre Dan McCleary, dit que si vous faites de l’art, vous devez le montrer, alors je le fais. Avec le recul, j’ai eu une douzaine d’expositions au cours des dix dernières années, mais elles ne couvrent pas tout le travail que j’ai fait. Récemment, Art Division, une organisation à but non lucratif à laquelle je suis associé, a collé le travail d’enseignants et d’étudiants sur les murs d’un hôtel fermé à côté du studio Art Division. J’ai été invité à contribuer quelque chose, alors j’ai fait une impression et ils l’ont collée sur le mur. Ensuite, j’ai photographié le vernissage et je suis rentré chez moi.

Quelques jours plus tard, je suis passé devant le mur et à mon grand étonnement, ma photo avait été volée. Quelqu’un aimait assez cette photo pour la récupérer et l’emporter ! Je ne peux pas vous dire à quel point j’étais content. Ce n’était rien d’autre que de l’encre et du papier après tout, le produit d’une imprimante et facilement remplaçable, mais apparemment c’était plus aussi. L’imprimé représentait quelque chose de si désirable que quelqu’un l’a enlevé du mur et l’a ramené à la maison. J’aime les imaginer en train de regarder leur photo accrochée à leur mur parce que c’est leur photo maintenant. Espérons que cela les inspire ou leur procure du plaisir. Cela me ferait plus plaisir que les  quelques dollars que j’aurais pu gagner.

Et de cette réflexion est né mon prochain projet. Cet automne, je vais faire 80 grands tirages de motos et les coller sur un mur quelque part. J’annoncerai l’emplacement et inviterai le monde à venir les voir et à interagir avec eux. Coller les tirages au mur les libérera tout en laissant la propriété intellectuelle, le droit d’auteur, intacte. Considérez-les comme des NFT physiques si vous le souhaitez. Ensuite, nous verrons ce que les gens font. Les prendre, les photographier, les défigurer, les embrasser ou passer indifférents, je n’en ai aucune idée. Nous apprendrons ensemble.

Vous pouvez suivre cette histoire au fur et à mesure qu’elle se déroule. Cliquez simplement ici : Fit to Print

L’histoire de Jean-Marie Perier dans L’oeil : https://loeildelaphotographie.com/fr/jean-marie-perier-exposition-ehpad-hier-et-aujourdhui/

 

Andy Romanoff – Photos sur https://andyromanoff.zenfolio.com/

Textes sur https://medium.com/stories-ive-been-meaning-to-tell-you

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