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Comme un cheval, le cœur sauvage

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Un cheval est un cheval, bien sûr, et bien sûr que non. Lors du dernier week-end du mois de mai de cette année, un groupe de vingt-cinq femmes opportunes, privilégiées, et (sans surprise) idéologiquement possédées, ont galopé, henni et frotté leurs « sabots » dans la poussière, se frayant énervées un chemin dans Stockholm, au cours d’une manifestation de deux heures contre le « patriarcat ». « Notre performance est une façon amusante de s’y opposer [en posant] aux spectateurs la question de comment les femmes peuvent occuper l’espace public sans être chosifiées, » explique le chorégraphe du City Horse au quotidien Svenska Dagbladet. « Les chevaux sont un symbole de pouvoir, mais ils représentent à la fois le hippisme et la danse – deux activités féminines souvent marginalisées. Comme le corps de la femme, les chevaux symbolisent à la fois la retenue et le côté sauvage. » Le cortège a défilé autour de sculptures équestres vieilles de plusieurs siècles et des vies insignifiantes d’hommes (blancs) de chair et d’os.

Comme l’écrivait Roland Barthes dans Mythologies, « Le jouet signifie toujours quelque chose. » Alors, qu’ont vraiment les femmes, les filles et le second sexe avec le cheval ?  « On appuie sur l’étalon qui attire l’œil, on se jette à son cou – on l’embrasse sur le nez – et on lui dit à quel point il est beau et brave. Il est tellement innocent – et on apprend pourtant la nature insaisissable de l’affection, la beauté et la nostalgie, » se pâme AM Homes dans l’album sobrement charnel et si élégant de Jill Greenberg, Horses (2012). « La nuit, nous rêvons qu’on vient nous sauver, que l’on nous délivre de nos vies pour ce lieu magnifique et plus parfait, le chevalier noir qui charge à travers la forêt. La licorne sous une pleine lune. La femme aux cheveux noir corbeau chevauchant sans selle au bord de la mer. C’est un monde où le bien triomphe sur le mal. »

Quand toutes les poignées de main entre les races de l’Univers ont été faites, et bien faites, au son de la « Space Oddity » de Bowie, le Valerian de Luc Besson (2017) nous entraîne quatre cents ans plus tard, sur la planète paradisiaque des si belles et androgynes Pearls et de leurs animaux de compagnie fabuleux et adorables, les Müls (comme on les appelle), créatures qui défèquent de la nacre et ont le pouvoir de restaurer un Eden pastel. Sophie Mörner est le commissaire de Like a Horse, exposition organisée au Fotografiska de Stockholm, dont elle a doté les coins de crottin de cheval surnaturel. « C’est plus qu’une exposition : elle représente tout ce que je voulais qu’elle soit », commente t-elle. La sélection de photographies équestres par Mörner est généreuse et malicieuse, condensée et doucement passionnée. Elle montre la camaraderie, la liberté et la débauche du hippisme, l’héritage et la contemporanéité du cheval, mais aussi les éperons d’argent de la politique de l’identité et le luxe misérable de son solipsisme.

Like a Horse est comme une scène du plus grand film de Scorsese, Les Affranchis (1990), où le gang dîne avec la mère de Tommy (que joue Catherine Scorsese) qui leur montre sa dernière toile représentant des chiens. Tommy : « J’aime bien celle-ci. Un chien va dans un sens et l’autre dans l’autre. » Madame DeVito : « L’un va vers l’Est, l’autre vers l’Ouest. Et alors ? »

Des « et alors ? » en abondance : Like a horse va dans un sens par le choix des photos et les œuvres formidables sur la romance avec cet animal domestique vraiment grand, sur notre effort pour vivre dans le présent tout en restant attaché au savoir de nos ancêtres, qui nous élève à un niveau plus estimable, et sans doute sur les femmes qui exprime leur propre pouvoir. Mais l’exposition va aussi dans l’autre sens, par la démagogie du récit féministe de la politique des genres – domination ou soumission, allez savoir – et les règles pathologiques des formules sexistes et, une fois de plus, de Freud, horriblement vieux.

 

Tintin Törncrantz 

Tintin Törncrantz est un auteur spécialisé dans la photographie. Il vit et travaille à Stockholm, en Suède.

 

Comme un cheval
Fotografiska
Stockholm, Suède

http://fotografiska.eu/

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