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Christer Strömholm, Poste Restante

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Publié en 1967, Poste restante, par sa conception et sa construction, préfigure de nombreuses publications photographiques contemporaines. Cet ouvrage autobiographique, construit comme un agenda existentialiste, donne des fragments des grands voyages de Christer Strömholm à travers le monde.

Juxtaposant sur un mode pervers l’aimable et le macabre, combinant portraits et scènes de la rue avec des fragments photographiques abstraits, le livre recourt aux métaphores et aux jeux de mots visuels. Si Strömholm fouille le côté obscur des lieux et des gens, il prend position en faveur de la marginalité et de la solitude et propose une vision profondément tolérante de l’humanité.

Le livre s’ouvre sur un texte de Tor-Ivan Odulf restituant cinq jours d’entretiens avec Strömholm, en janvier 1967 à Paris. Ce récit autobiographique, intitulé Avant la photographie, est organisé en fragments et prend des libertés avec la chronologie. Strömholm y décrit son enfance dans un milieu réactionnaire et militariste et, sur un mode froid et distant, le suicide de son père. Adolescent, il rencontre le peintre Dick Beer dont il dresse un portrait chaleureux. En 1936, il a 18 ans, et séjourne à Berlin où, dans une Allemagne qu’il qualifie de nazie à 99 %, il fréquente le petit milieu des opposants et prend conscience de l’importance de la liberté des individus.

Dès le début de la Deuxième Guerre mondiale, il s’engage, comme volontaire dans la guerre d’Hiver en Finlande puis participe au mouvement de résistance norvégien. Il décrit, sur un ton très neutre, des actions homicides auxquelles il a participé. Après la guerre, Strömholm, parti pour Paris, décrit sa vie aventureuse et marginale, ses rapports chaleureux avec des prostituées auxquelles il enseigne les quelques mots d’anglais nécessaires à l’exercice de leur profession. Il ne dit rien de ses études d’artistes, mais parle de sa vie aventureuse et des activités, aux marges de la légalité, qui lui ont permis de survivre. Dans son récit, seule l’importance qu’il attribue à l’échange des regards permet un lien avec la photographie qui sera son mode d’expression. Même si quelques portraits figurent à la fin du livre, il ne parle pas non plus du travail qu’il mène alors avec les transsexuelles de la Place Blanche, sujets de son travail le plus connu, publié en 1983.

Aucune légende, aucun élément du récit qui date, comme l’indique le titre, d’avant la photographie ne permet de situer géographiquement les images. On peut conjecturer qu’il s’agit de Paris, Calcutta et Tokyo et on peut supposer un ordre relativement chronologique, mais Strömholm ne livre aucun indice. Il ne reste au lecteur qu’à se laisser embarquer dans une dérive poétique en regardant les images en noir et blanc autour de thèmes constamment présents dans l’œuvre de l’auteur comme la mort, la vie, la sphère privée et l’amitié. La première image du livre, la main presque humaine d’un gorille, simple silhouette derrière les barreaux très nets de la cage qui l’enferme, interpelle directement le lecteur et le jette dans le récit qui suivra.

Irène Attinger

Irène Attinger est la responsable de la bibliothèque et de la librairie de la Maison Européenne de la Photographie, à Paris.

Christer Strömholm, Poste Restante
Republié par Strömholm Estate et The Eyes Publishing
45 €

http://theeyes.eu/publishing/

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