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ICP – Carol Squiers : «Les images du web doivent être considérées avec le même sérieux»

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A l’occasion de l’exposition Perpetual Revolution : The Image and Social Change (Perpétuelle révolution perpétuelle: l’image et le changement social), à l’International Center of Photography, à New York, L’Œil de la Photographie s’est entretenu avec Carol Squiers, l’une des commissaires de l’exposition.

Quel est le but de cette exposition ? Comment avez-vous pensé à ce thème ?

Le but de l’exposition est d’examiner les nouvelles méthodes numériques de production, d’affichage et de distribution d’images, qui ont largement remplacé les anciennes pratiques photographiques. En tant que musée de la photographie et de la culture visuelle, nous devons trouver des façons d’exposer et de discuter de la photographie, de la vidéo et d’autres contenus illustrés sur le Web. Cet évènement est une façon de le faire.

Pourriez-vous résumer chacune des six problématiques soulignées dans cette exposition et leur importance pour notre société ?

Climate Changes présente un travail en ligne qui vise à informer, éduquer et finalement engager les spectateurs sur la réalité imminente du changement climatique mondial. Une partie du travail a été réalisée par des organismes scientifiques, traduisant des données scientifiques en forme visuelle. D’autres éléments sont documentaires et ont été largement distribuées comme preuve d’un besoin de surveillance soutenue de l’industrie du pétrole et du gaz. Enfin il y a des œuvres d’artistes qui portent sur la nécessité d’une action climatique.

La migration massive de réfugiés vers l’Europe ces dernières années a créé un enregistrement visuel sans précédent qui a le pouvoir d’interroger des spectateurs. The Flood: Refugees and Representation considère les images des réfugiés qui circulent sur nos réseaux numériques, la relation de ces images avec la pitié, la peur et la politique.

Les communautés LGBT savent depuis longtemps que les définitions binaires de « mâle » et de « femelle » sont tronquées. Elles ont ainsi développé des méthodes de compréhension au cours de plusieurs décennies de discussion et d’affichage d’images sur diverses plates-formes sur le web, depuis les premières salles de discussion jusqu’à MySpace, Instagram et Facebook. Dans « La fluidité du sexe », nous présentons un petit échantillon des photographies et vidéos que ces communautés continuent de produire pour se faire entendre.

Les sections Black Lives (Have Always) Mattered contiennent des images qui présentent le corps noir comme un catalyseur pour le changement social, culturel et politique. Cette section utilise des médias venant d’Internet ainsi que des photographies historiques célèbres et des portraits de studio et vernaculaires des collections de l’ICP. Le tout pour réaffirmer le concept que les mouvements de libération noirs font partie d’un continuum.

Le nom de l’État Islamique est gravé dans la mémoire collective à l’échelle mondiale pour ses actes de violence exorbitante, qui est dépeint dans sa propagande photographique et vidéographique. Mais il s’efforce également de créer sa vision d’une société extrémiste islamique, qu’il favorise aussi sur les plateformes de médias sociaux avec sa terreur. La section intitulée Propaganda and the Islamic State présente la propagande « positive » d’ISIS et montre comment elle a essayé de construire une société utopique extrémiste dans un contexte de violence spectaculaire.

Au cours de l’élection présidentielle de 2016, un groupe de blogueurs sur Internet et de personnalités adoptant des positions extrémistes de droite ont commencé à recevoir une attention médiatique importante, bien que le public ait peu compris. Cette section porte sur la frange de droite, parfois appelée en anglais « alt-right », et les images et les mots qu’ils ont affichés au sujet des candidats à la présidentielle lors de la récente élection.

Pourquoi avez-vous choisi ces six problématiques contre d’autres possibles ?

Ces sujets nous ont paru les plus importants pour nous en 2015 lorsque nous avons commencé à penser sérieusement sur cette exposition.

Pensez-vous que l’impact sur le changement social et la conscience humaine des « nouvelles méthodes numériques de production d’images » d’aujourd’hui est plus importante qu’il y a un demi-siècle lorsque l’information et les images étaient produites et distribuées à une vitesse différente ?

Oui. En exemples, ceux qu’on appelle LGBT ont été en mesure de communiquer en toute sécurité sur les salles de chat, les blogs et les plateformes de médias sociaux sur le web d’une façon qui n’existait pas auparavant. La question des noirs américains s’est développée comme un mouvement parce que les gens pouvaient faire des vidéos d’agents de police tuant des gens et les distribuant ensuite sur les réseaux sociaux.

Dans révolution, on peut lire évolution. Voyez-vous une évolution dans ce que cette exposition intitulée Perpétuelle révolution ?

L’évolution est une révolution continue, qui est ce que la technologie numérique produit.

Les images en mouvement ont une grande importance dans cette exposition, attirant peut-être plus d’attention que les images fixes. Qu’avez-vous à dire sur les « nouvelles » orientations visuelles de l’ICP?

L’ICP a longtemps exploité la vidéo et d’autres types d’images en mouvement, en particulier lors de nos triennales, qui ont débuté en 2003. La différence de cette exposition est qu’il y a plus de vidéo qu’il n’y en avait avant.

Les vidéos telles que celles de la propagande de l’EI, celles de la section #blacklivesmatter ou celle de James Balog sont-elles des pièces d’art? Pourquoi?

Les vidéos ISIS ne sont pas de l’art – la section est appelée « Propagande et l’État Islamique ». La propagande n’a rien à voie avec l’art, mais elle est souvent une communication visuelle efficace.

La plupart des vidéos de Black Lives (Have Always) Mattered ont été réalisées par des artistes. La plupart des photographies de la collection de l’ICP ne sont pas techniquement des œuvres d’art – beaucoup d’images sont des photos d’actualité et des photos documentaires que l’ICP a longtemps exposées. Sheila Pree Bright est une artiste qui a utilisé une pléiade d’images, y compris des images nouvelles, pour créer sa vidéo. La grande pièce vidéo multi-écran intitulée « thewayblackmachine », 2014, a été réalisée par un collectif d’artistes appelé HOWDOYOUSAYYAMINAFRICAN? et est créé à partir d’un large éventail d’images, y compris celles de reportages d’actualités.

Quant à celle de James Balog, c’est un document socialement et politiquement engagé de l’Arctique. Ce clip est tiré d’un film de la plus grande fonte d’iceberg enregistrée. Certaines images ont été éditées (ralentissement, superposition d’images etc) pour mettre en évidence la puissance et l’échelle de ce que le photographe, via son appareil, a été témoin.

Combien de vidéos ont été inclues dans cette exposition ? Et combien de photographies ?

Il y a environ 62 vidéos; 80 photographies ou plus et 15 autres objets (couvertures de magazines, etc).

Comment définiriez-vous la différence d’impact des images en mouvement sur les images fixes ?

Cela dépend de l’individu. Les images en mouvement peuvent raconter une histoire plus longue et plus explicite que ne le peuvent les images fixes.

Quelles sont les « possibilités toujours croissantes offertes par cette révolution », décrites dans l’introduction de l’exposition ?

Elles sont infinies – je ne saurais dire où va une révolution.

Quelles pensées devrait ou pourrait avoir un visiteur en quittant cette exposition ?

Il y a une multitude de pensées qu’un visiteur pourrait avoir – je ne voudrais pas essayer de dire aux gens ce qu’il faut penser. Parmi les conclusions auxquelles je suis parvenue à la suite de la préparation de l’exposition : je crois que les photographies provenant du web doivent être considérées avec le même degré de sérieux que les formes plus traditionnelles de photographies qui n’apparaissaient avant qu’en épreuves photographiques ou en reproductions dans les livres, les journaux et les magazines.

Propos recueillis par Jonas Cuénin

 

Perpetual Revolution: The Image and Social Change
27 janvier au 7 mai 2017
International Center of Photography
250 Bowery
New York, NY 10012
USA

www.icp.org

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