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Borderline : Paysages aliénants au Musée de la Photographie de Charleroi

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Le paysage – aussi vieux que la photographie elle-même (avec la nature morte, le portrait et le nu), mais aussi si diversifié. De l’imitation du regard par les premiers photographes, en passant par les premiers montages de Le Gray jusqu’à l’observation objective de la Nouvelle Topographie et de l’école de Dusseldorf toujours de nouveaux angles, et des images reflétant les formes d’expression. À première vue, le travail de Paul D’Haese (1958) semble avoir quelque chose en commun avec cette approche objective, c’est une fausse impression. Au contraire, ses images ont quelque chose d’aliénant, de surréaliste.

Un travail fascinant mérite d’être analysé. La première chose à noter : son approche systématique – il est minutieux, catégorique et méthodique. Les prises de vue sont planifiées comme une opération militaire : il étudie le terrain au préalable, crée les images et, si nécessaire, les répète autant de fois qu’il le faut jusqu’à ce qu’elles soient acceptables à son œil critique.

D’Haese suit de près la côte du nord de la France,, il marche sur la ligne, et c’est de là que vient le titre de son exposition et de sa publication. Borderline, Limite. Frontière physique entre la terre et la mer, barrière politique de l’entité géographique ‘France’, la moitié du pays – car la côte, c’est aussi cela : une communauté sur la côte ne vit littéralement que sur la moitié du territoire, une frontière entre l’accessible et l’interdit, comme dans « Ici Même » de Tardi. En définitive, Borderline fait également référence à l’appareil photo, qui forme une ligne entre la réalité, la perception et l’enregistrement, la dernière frontière est la séparation entre la réalité et l’observateur.

L’auteur a reçu une formation d’architecte d’intérieur – c’est la clé d’une approche différente : il veut saisir la totalité, et dans sa démarche il va toujours plus loin. Il ne se contente pas seulement de représenter, mais complète ses images par des modèles 3D. Il les photographie ensuite à nouveau et leur donne une place dans la vision globale. On dirait qu’il veut englober son sujet complètement, contrôler le terrain. Vivrait-il l’esprit d’un encyclopédiste du XIXe siècle, qui veut unir l’ensemble des connaissances ?

Paul D’Haese était assez jeune quand il a commencé à photographier et a suivi plusieurs cours de photographie. Il apprécie particulièrement le dialogue critique avec d’autres créateurs d’images. Il vit la révolution numérique comme une libération. Plus de tracas dans la chambre noire, pour la première fois on peut vraiment se concentrer sur l’image et uniquement sur l’image.

La  méthode systématique que nous avons évoquée précédemment se retrouve également dans le livre Borderline – il contient au moins 165 images prises dans 60 communes entre la frontière franco-belge et Le Havre. La composition du livre est également parfaitement équilibrée, jusque dans les moindres détails ; avec son beau format (28,5 x 24), on n’a jamais l’impression que l’image est subordonnée à la mise en page. À l’exception d’une image, D’Haese montre un monde désolé, dépourvu de toute présence humaine, et même le nombre de véhicules se compte sur les doigts d’une main – mais je vous assure qu’ils sont là ! Il contient également deux textes, une préface de Dirk De Wachter (psychiatre, professeur et amateur d’art) et un texte d’accompagnement de notre collègue Jean Marc Bodson. Les deux textes sont publiés dans les langues maternelles des auteurs (un texte en néerlandais, l’autre en français) et tous deux ont été traduits en anglais. Ici deux points de critique: personnellement, j’aurais préféré une édition trilingue, et malheureusement, une phrase cruciale de Bodson perd son sens dans la traduction néerlandaise sur la quatrième de couverture, mais ce n’est qu’un détail.   Je vous assure qu’à chaque lecture, vous découvrez un nouvel aspect du livre, et à mon avis, c’est absolument un des livres de 2021.

Dans mon esprit, je compare le travail de D’Haese avec les images de cet autre Belge, Filip Dujardin, qui construit une nouvelle réalité. D’Haese n’a rien à voir avec cela : il ne manipule rien, pas de Photoshop, il trouve son irréalité dans la réalité. Le résultat est une œuvre très forte, qui a été récompensée à juste titre du prix par la Ministre de la Culture lors du 18e Prix National Photographie Ouverte.

Il décrit ses images de bâtiments comme des « portraits ». Les photos respirent le bord de mer et sont exposées au Musée de la photographie de Charleroi jusqu’au 19 septembre. Sans rancune, l’expo n’est pas à sa place: elle DOIT être exposée sur la côte, à l’endroit où elle a été créée. Paul D’Haese nous raconte un mensonge, comme l’a décrit Picasso dans une interview (réalisée en espagnol et publiée en anglais en 1923) : “Art is a lie that makes us realize the truth”, “l’Art est un mensonge qui nous fait saisir la vérité”.

Vous ne pouvez pas vous rendre à l’exposition ? Alors le livre Borderline est un must absolu – il est paru en deux éditions :

Hangar / Stockmans Art Books
Book design by Paul D’Haese & Joël Van Audenhaege
Dim. 28,8 x 24,5 cm, 176 pages, 170 images
4 couleurs, couverture lisse
ISBN 9789077207956
Contact / commande –
dhaesepaul (ad) skynet.be
Signé – €39- excl. frais d’envoi


Edition limitée- 20 exemplaires seulement + 3 VIPS,
avec étui découpé au laser, certificat
et 1 tirage d’artiste de votre choix 27 x 22,5 cm,
signé et numéroté
€310– sur commande – excl. frais d’envoi

 

Paul D’Haese sur l’Oeil de la Photographie

https://loeildelaphotographie.com/fr/paul-dhaese-borderline-2/

Son site web

https://www.pauldhaese.be/

 

Informations pratiques

Les exhibitions sont ouverts jusqu’au 19 septembre

Musée de la Photographie
Centre d’art contemporain de la Fédération Wallonie-Bruxelles
11, av. Paul Pastur (GPS : Place des Essarts)
B-6032 Charleroi (Mont-sur-Marchienne)
T +32 (0)71 43.58.10
F +32 (0)71 36.46.45
[email protected]

Le musée est ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h.
L’accès au Musée est conditionné à une réservation via le site www.museephoto.be

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