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Berlin : Ken Schles

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Ken Schles a constitué ce mémoire alors que ses deux parents souffraient d’un Alzheimer qui étiolait leurs souvenirs et que sa femme luttait contre un virus qui démolissait sa vie. Il se tourne vers la photographie, qui échoue dans sa vocation mémorielle et accuse la faillite de la perception. « Les images sont des fantômes, écrit-il. Dans la mort, nos souvenirs et les images qui y sont associées disparaissent avec la signification qu’ils ont pu avoir un jour. »

L’écrivain Vladimir Nabokov le dit d’une autre manière : « Notre existence n’est qu’un bref rai de lumière entre deux éternités d’obscurité. » Schles reprend la métaphore à un compte photographique et se met en tête de représenter cet imperceptible rai qu’est l’existence. Il le trouve au bord de la mer, par une nuit ouverte, à l’heure où l’écume des rouleaux déferlants irradie la surface agitée d’une vive rature. Les vagues brisées s’éclairent en autant de nuances de lune, dessinant des courants électriques dans le noir abyssal du ciel et des océans.

La lune n’apparaît pas dans l’image et n’intervient pas dans le procédé photographique — c’est un flash qui éclaire les vagues mousseuses au moment où la terre et la mer se mêlent. Elle surplombe néanmoins le photographe sur ces rivages aussi certainement qu’elle veille sur les enfants abandonnés à leur sommeil. Les êtres en devenir sont effondrés sur leur oreiller comme les vagues sur elles-mêmes, leurs mains ballantes prêtes à sceller le pacte du photographe avec la mémoire. « L’avenir reste ouvert pour que l’avenir apporte la réponse », écrit Schles en derni!re ligne des notes personnelles qui figurent en fin de l’ouvrage qu’il a publié en 2012.

Un corbeau déploie ses ailes assez largement pour former dans un arbre dénudé le cercle écorché d’une lune croissante, circulaire comme l’objectif de l’appareil photo, comme l’embrasure qui donne son nom au travail, comme le troisième œil, souvent aveuglé, de la mémoire — celui de la titane grecque Mnemosyne. Poésie écrite dans une lumineuse torpeur, Oculus est une reflexion sur l’ambiguité pour la mémoire d’avoir l’amnésie, pour la vie d’avoir la mort et pour le sens de ne pas avoir le sentir. « Voir n’est pas savoir », prévient Ken Schles. La vue n’est perception qu’à condition d’être stimulée par l’expérience, qui, elle, est imprenable.

EXPOSITION
Ken Schles : Oculus
Jusqu’au 12 juillet 2014
Only-Photography
Niebuhrstr. 78
D-10629 Berlin
Germany

Tel: +49-30-847 20 291

www.only-photography.com

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