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BA PHOTO 2015 : rencontre avec Francisco Medail, le directeur artistique

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Francisco Medail est précoce. Petit enfant il jouait déjà avec des cameras de poche et des rouleaux de kodak qu’il trouvait à la maison. Adolescent, il commence à produire ses premières images. A 24 ans, il devient le directeur artistique de la plus grosse foire photographique d’Amérique latine, le BA PHOTO.

Rencontré au bistrot du Centre Culturel de la Recoleta, un ancien couvent où s’est déroulé BA PHOTO, le directeur artistique nous livre sa trajectoire, son approche de la photographie et sa vision de la foire.

Il faut tout d’abord savoir que Francisco est pratiquement autodidacte.

À 18 ans, il s’inscrit à une école de photographie hyper classique « où l’enseignement tournait uniquement autour de la technique et de l’appareil».

« Il fallait faire des photos parfaites, appliquer la règle des tiers, le flou et les bougés étaient des fautes impardonnables et je ressentais une frustration de ne jamais pouvoir faire la photo parfaite… », nous raconte Francisco. « Toutefois, si je peux me permettre, cette expérience de deux ans, fut intéressante, elle me servit en somme…de mauvais exemple ».

En partant de cette frustration, il rebondit et commença à participer à un atelier sur la photographie sténopé avec Daniel Tubio, « un photographe passionné ». C’est pour Francisco Medail une révélation qui lui font découvrir que le flou et le bougé sont des opportunités.

Le sténopé titille son intérêt pour l’histoire de la photographie argentine où il observe qu’il y a des « vides », « des lacunes » surtout dans les 50 premières années du 20eme siècle. Parallèlement à son travail de photographe, il entame donc un parcours académique dans la conservation de biens culturels tout en essayant de satisfaire, en autodidacte, sa grande curiosité.

Il trouve que la carrière de conservateur est intéressante mais il se rend vite compte que ce qui le motive « c’est pas le problème du champignon sur le négatif mais plutôt la forme et la beauté du champignon…».

Les années passent (pas beaucoup en fait…), et Francisco Medail entre déjà dans le circuit des expositions et des curateurs d’art, après une formation de curateur. Fort de son travail artistique et de sa capacité de penser la photographie contemporaine dans une perspective historique, il devient le curateur de « fuera de foco » (« flou ») du BA PHOTO 2014, le secteur consacré aux artistes jeunes.

La très bonne impression laissée par cette section, contribue à le mettre à la tête du BA PHOTO 2015.

Cette année, nous dit Francisco, « nous avons voulu donner une plus grande cohérence en réunissant des générations distinctes, dans une approche intégrale valorisant aussi bien les daguerréotypes, les tirages en gélatine d’argent que les supports plus contemporains, comme la vidéo ».

« Nous avons aussi augmenté l’exigence de qualité des galeries, donné plus de force à l’artiste invitée – la péruvienne Luz Maria Bedoya – et valorisé l’histoire de la photographie argentine en consacrant une espace à George Friedman, dont j’apprécie beaucoup l’œuvre qui avait été un peu oubliée ».

Francisco Medail insiste sur la cohérence et la variété de BA PHOTO : « À côté des quelques 20 galeries qui présentent un large éventail d’artistes contemporains de qualité, nous avons aussi une « wunderkammer » (chambre des merveilles) une sorte de cabinet de curiosité du 19ème siècle où l’on peut découvrir la photographie d’un point de vue historique ». « Nous avons renforcé aussi l’espace consacré aux livres qui, rappelons-le, était un des premiers instruments de circulation et diffusion des livres ».

La section « fuera de foco » (flou) continue avec son approche visant à valoriser les artistes jeunes, l’art du futur.

Francisco Medail, on le disait, est curateur, directeur artistique, mais il est aussi un infatigable et prolifique artiste photographe. Un photographe sans appareil…

Depuis quelques années, en effet, il réalise des séries sur la base d’appropriation de matériel photographique trouvé sur internet. Il travaille des images tirées de google et twitter, auxquelles personne ne prête grand intérêt et les restitue dans leur dimension artistique, en guise de questionnement.

Il réalise une œuvre « implosion » où il valorise des « images pauvres ». Il travaille et « rend nobles » des images pixélisées, dans la lignée de l’esthétique du pixel du photographe Thomas Ruff.

« Ce qui m’intéresse surtout – nous livre le directeur artistique – ce sont les images périphériques, qui circulent en marge de la toile ».

Medail est connu notamment pour sa série « extimidad », l’intimité extériorisée, un énorme ensemble d’images répertoriées en « genres ». On part de polyptiques montrant des hommes présentant leur sexe sous leurs vêtements intimes, dans un crescendo, jusqu’à l’explicite de pratiques sado. Dans ce titanesque travail typologique l’auteur nous livre un questionnement sur le corps et son conditionnement devant l’apparat digital.

Dans la même lignée, le travail « sexting » un mural de 1500 autoportraits érotiques d’inconnus. Un travail précurseur, si l’on peut dire, puisque il s’agit de sortes de « selfies » pris en 2013, quand cette pratique n’avait pas encore été « canonisée » par les réseaux sociaux. Ce fut une question de mois.

A noter qu’en novembre, Francisco Medail sera au rendez-vous de Paris Photo avec une autre série « parte » où il récupère des « images périphériques ». Il s’agit de photos de fils de narcotrafiquants mexicains qui mettent sur le net, notamment sur Twitter, des photos de leur vie, de leur intimité. « À l’origine c’est des photos où il y a beaucoup de violence, que je modifie, j’édite, recadre pour atteindre quelque chose de plus subtil ».

Il photographie les images et il les tire en gélatine d’argent, passant ainsi du digital à l’analogique. Encore une fois le désir de ne pas séparer le contemporain de son passé.

Du point de vue du contenu, en construisant de toutes pièces un « reportage », Francisco Medail questionne le rôle du photojournalisme. Peut-on réaliser un reportage sur les « narcos » sans bouger de chez soi en utilisant uniquement les photos des « acteurs » ?

Francisco Medail : http://cargocollective.com/franciscomedail

BA PHOTO 2015 : http://www.buenosairesphoto.com

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