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Arles 2012: Luce Lebart

Luce Lebart est historienne de la photographie, depuis septembre 2011 elle est directrice des collections à la Société Française de Photographie.

Diplômée de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, ses recherches sur l’archive et l’image concernent la photographie scientifique et documentaire ainsi que l’histoire de la conservation des photographies. Elle a écrit sur la photographie météorologique, sur les archives de l’administration des forêts, sur la photo et la criminalistique, sur Eugène Atget comme sur l’histoire des techniques photo. En 2011, elle a collaboré à l’ouvrage Fichés (Plon-Perrin) et au livre Eugène Trutat (Museum d’histoire naturelle de Toulouse).

“En 1989, c’était encore l’ENP (Ecole nationale de la photographie). J’avais 18 ans et des profils différents présentaient le concours d’entrée. J’étais amoureuse de la photographie et je ne savais pas quelle direction prendre. Déjà j’étais sensible à l’archive et intéressée par la photo de famille et la photographie scientifique ainsi que par la problématique de la conservation de fonds.”

“L’école formait des gens d’images tel que l’expliquait son directeur Alain Desvergnes. Il y avait une sorte d’élan, de point aspirant autour de cette école d’Arles. J’ai adoré pratiquer la photographie durant ces trois ans et la diversité des intervenants m’a ouvert à des horizons nouveaux comme la documentation ; la conservation et la restauration des photographies ou encore le tirage et l’histoire des techniques.

“Je suis entrée dans l’école sans savoir précisément où cela allait me mener. Les enseignements étaient assez équilibrés, ils m’ont permis de prendre goût à la photo sous toutes ses formes et d’investir un ensemble de champs différents. C’est cette ouverture qui m’a aidée à faire des choix.”

“Tous mes meilleurs souvenirs sont avec les élèves et le réseau des anciens. Les liens sont toujours importants entre nous, une sorte d’intimité autour de ce goût partagé de la photographie. Je me suis construite surtout après Arles, notamment à travers des rencontres professionnelles. Celles de Bernard Marbot et de Sylvie Aubenas du fond du département des estampes et de la photographie de la BNF. André Rouillé aussi, qui a accepté de diriger un sujet de recherche sur la photographie scientifique” et Michel Poivert qui m’a encouragé à travailler sur des fonds de photographie administrative. Ce type de sujet n’était pas évident à l’époque ou l’histoire de la photo était avant tout préoccupée par les pratiques artistiques.

“Rémy Fenzy et François Hébel m’ont proposé un commissariat sur le « thème des premières fois » et c’est ainsi qu’est né le projet “Un laboratoire des premières fois, les collections de la Société Française de Photographie”. Lorsque le directeur du festival m’a téléphoné, j’étais dans les réserves en sous-sol, le nez dans les archives de la SFP. Monter l’exposition fut un grand plaisir, et un vrai travail d’équipe avec les Rencontres. Au-delà des tirages sur tous supports (papier, métal, verre, plâtre, émail), nous présentons divers objets : photomètres, posemètres, actinomètres, appareils espions et archives. Souvent, les épreuves sont annotées : c’est le cas notamment d’images de Léon Gaumont qui mit au point en 1900 une méthode photographique de mesure de la vitesse des voitures, une sorte d’ancêtre du radar.

L’exposition montre aussi les premières images transmises à distance. C’est en 1907 que Edouard Belin obtient sa première image transmisse grâce à son bélinographe. Un article intitulé « Comment on téléphone les photos » en relate la nouveauté. Et c’est à partir de la cave de la SFP que l’inventeur réalisa ses premiers essais avec le soutien du Service des télégraphes qui lui réservait la ligne Paris Bordeaux pour ses nuits d’expérimentations.

On découvrira aussi les premières photographies à la lumière électriques La planche de démonstration qui est exposée (Nadar regarde l’objectif avec les yeux exorbités) date de 1859 mais ce n’est que trois ans plus tard, le 4 février 1861 qu’il prend un brevet de photographie à la lumière électrique. Et c’est cette même année 1861 qu’il entreprend sa série « Paris souterrain à la lumière électrique » enregistrant les égouts et les catacombes. Ce sont des images d’égouts, moins connues, qui sont présentées à Arles. Une pièce majeure est aussi mise en valeur : un daguerréotype réalisé en 1837 par Daguerre, deux ans avant la déclaration officielle, par François Arago de l’invention de la photographie. Avec le temps, il est devenu comme un miroir, une sorte de page blanche de l’écrivain mais les contours de l’image (reproduite en papier peint) restent visibles. “La Sainte famille » de Niepce (1827) est aussi dévoilée ainsi que les premiers essais de photographie en trois dimensions de Louis Arthur Ducos du Hauron, inventeur de la photo couleur et initiateur des anaglyphes photographiques il y a plus de cent ans.

C’est amusant de découvrir combien la photographie de cette époque était jeune, créative sans cesse réinventée. Aujourd’hui, toutes ces expérimentations résonnent fortement avec nos pratiques contemporaines et quotidiennes de l’image (radar, relief, 3D, transmission d‘images à distance etc.).

Entretien réalisé par Wilfrid Estève.

Liens :
http://sfp.asso.fr/blog-collection/
http://www.sfp.asso.fr/

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