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Aperture – Michael Hoffman, Le visionnaire

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La personnalité de Michael Hoffman suscitait autant d’admiration que d’effroi. Il était connu pour ses terribles colères, son sens des affaires – avec tout ce que cette qualité peut avoir de douteuse – et son œil péremptoire. Ne connaissant que sa réputation et l’héritage photographique qu’il a laissé derrière lui avec Aperture, j’ai demandé à différentes personnes, anciens collègues, collaborateurs occasionnels, photographes et amis, de m’en dire quelques mots. J’ai reçu des réponses dithyrambiques, furibondes, intimes, drôles, formelles, minimales et, dans certains cas, pas de réponse du tout – réaction pour le moins éloquente. Tous s’accordent sur son génie et sur son caractère difficile : « compliqué », « généreux », « innovateur », « provocateur », « preneur de risque », « visionnaire », « outrageant », « incroyable éditeur » et autres variations de ces qualificatifs. Certains m’ont livré des détails personnels éclairants sur cette personnalité complexe, comme son penchant pour la philosophie ésotérique, et notamment Georges Gurdjieff, dont la théorie notoire repose sur l’affirmation que les gens ne peuvent pas percevoir la réalité dans leurs états actuels car ils ne possèdent pas la conscience et vivent plutôt dans un état hypnotique de «sommeil éveillé».
Par ses choix éditoriaux engagés et parfois risqués, Michael Hoffman cherchait peut-être à ouvrir les yeux du monde à travers le médium auquel il croyait et a consacré sa vie. Parmi les références majeures de la photographie unanimement rejetés au moment de leur production et publiés seulement grâce à la conviction de Michael Hoffman, celui de Diane Arbus, refusé par le département éditorial du MoMA et d’autres éditeurs et finalement édité par Aperture avec une préface de John Szarkowski. Des exemples de ce courage et détermination, il en est à toutes les époques, avec Joel Peter Witkin, dont la mise à mal de la moralité faisait grincer les dents, ou Michael Nichols, qu’il a soutenu pour ses idées avant de voir un travail abouti. L’ambition semble résumer ce caractère, parfois proche de la mégalomanie, qui a valu le succès d’Aperture et du département de photo du musée de Philadelphie, mais aussi certains échecs comme sa tentative de constituer une vaste collection de manuscrits et publications originales majeures, Le Jardin Ltd, qui n’a jamais abouti. A défaut, il a constitué cette collection monumentale, ce magistral patrimoine photographique universel qu’est Aperture.

Merci a Mary Ellen Mark, Lynne Honickman, Robert Blake, Peter Galassi, Robert Delpire, Meredith Lue pour leurs témoignages, complétés par ceux recueillis par Melissa Harris dans l’ouvrage hommage qu’elle lui a consacré en 2004, « Michael E. Hoffman. Outside the Ordinary, a Tribute in Pictures ».

Laurence Cornet

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