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Best of Février 2019 – André Carrara

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Un style

André Carrara se plait à dire qu’il est venu à la photographie et plus particulièrement à la photographie de mode par amour des femmes, et il est vrai que pendant plus de 40 ans il n’a eu de cesse de célébrer La Femme. Il a déclamé son ode au fil des pages de Vogue, Elle, Marie-Claire, Marie-Claire bis, Glamour, Mademoiselle, Madame Figaro, dont il fut un des plus proches collaborateurs.

L’homme est discret et fait preuve d’humilité. Pourtant ses photographies ont fait le tour du monde, diffusées à des milliers d’exemplaires dans les plus grands magazines de mode en France comme à l’étranger.

Tantôt en noir et blanc, tantôt en couleur, aux quatre coins du monde, sous toutes les latitudes, André Carrara construit ses sujets en amoureux du 7ème art. Les références cinématographiques sont nombreuses. A l’instar de Rosselini, Bergman ou Bunuel qui dans Stromboli, Personna, Belle de Jour…ont magnifié leurs muses, et auxquels il rend hommage dans de magnifiques clichés directement inspirés de scènes de ces films, André Carrara livre de beaux portraits de femme, il invente une histoire qu’il déroule dans chacun de ses reportages, cherche un décor, pose un climat, choisit sa femme, son héroïne, conçoit ses mises en scène. L’unité doit être parfaite, elle est essentielle pour rendre l’atmosphère fugitive d’un instant, le miracle d’une lumière unique.

Au bord d’une plage déserte, une femme vient de sortir de l’eau, elle a froid et son corps tremble légèrement. Elle ne se sèche pas. Sous l’objectif distancié du photographe, elle parait fragile et vulnérable. Un peu plus tôt elle paressait assise sur le rebord d’un bateau, le visage dissimulé sous un chapeau blanc à larges bords, les jambes tendues et les pieds comme sur des pointes pénétrant délicatement dans l’eau. La silhouette, fine et délicate se détache avec netteté dans la chaude lumière du sud. Les formes sont épurées, le style est naturel et l’épreuve en noir et blanc, magnifique, n’est pas sans évoquer l’esthétique des photographies de mode qu’André Carrara apprécie signées Martin Munkacsi, Jacques Henri Lartigue ou Henry Clark par exemple.

La force et la beauté des épreuves d’André Carrara est à trouver dans cette subtile rencontre entre l’instantanéité et la maitrise du hasard convoqué. Si la photographie est minutieusement préparée et mise en scène, elle parait cependant laisser une grande place à l’instant, au naturel. Le hasard est attendu et intégré comme dans cette photographie prise dans une ruelle de Marrakech. Une jeune fille en jogging marche rapidement, tête baissée. Au premier plan, un enfant pénètre dans le cadre alors qu’un cycliste s’enfonce dans l’image. Le résultat : un style presque documentaire, une photographie qui s’échappe d’un genre ou l’on voudrait la cantonner. Même impression avec une photographie parisienne, prise rue Servandoni par temps de pluie. Ici André Carrara opte pour le noir et blanc. Serrée dans sa veste en cuir trempée, les cheveux ruisselants, une jeune femme s’avance, les mains dans les poches, elle est légèrement contractée, le buste penché vers l’avant, elle est sans fard, et se livre à l’objectif avec franchise et décontraction.

Autre atmosphère, autre lieu, dans l’île de Faro, havre de paix sauvage si cher à Ingmar Bergman, le cadre se fait large pour célébrer le calme exceptionnel d’un paysage originel. Sur un chemin de pierre qui dessine une longue diagonale, une jeune femme, fantôme de Liv Ulmann, chignon savamment négligé, tenue aux couleurs automnales, se promène d’un pas léger. Dans la lumière froide d’une fin d’après midi d’automne qui fait se détacher si nettement la ligne d’horizon, la jeune femme, de dos, se fond en douceur dans le paysage. L’harmonie chromatique des couleurs saturées célèbre ici la nature originelle et l’osmose entre cette nature et la femme qui s’y perd.

A Palerme, l’histoire est différente, la série plus théâtrale. Dans les ruelles de la cité sicilienne, sous le soleil brulant, se joue une autre histoire. L’héroïne est une jeune séductrice aux formes parfaites moulée dans une robe fourreau. Elle déambule dans les rues, sa démarche est assurée, son pas alerte et son corps fin et dynamique.

Souvent jeunes, fraiches, les femmes qui habitent les clichés d’André Carrara ne sont pas nécessairement des mannequins choisies en agence mais des jeunes femmes rencontrées qui posent pour la première fois devant un objectif. Le résultat est là. Par delà les mises en scène, que les plans soient larges ou rapprochés, le photographe cherche à capter le moment de grâce, celui ou la femme semble, un bref instant, oublier l’objectif, la commande, la mise en scène et le rôle à jouer, pour se livrer dans de plus intimes portraits.

Isabelle Cécile Le Mée

Approche biographique

Né à Paris en 1939, André Carrara est adolescent lorsqu’il rencontre pour la première fois la photographie. Accompagnant sa sœur dans le laboratoire photographique où elle était employée, il se voit confier un appareil et part faire ses premières prises de vue dans Paris. Ces premières expériences le passionnent et décident de son avenir : il sera photographe. D’abord apprenti dans différents laboratoires où il s’initie au développement et au tirage tout en suivant les cours du soir de l’école Louis-Lumière, il entre à 20 ans comme assistant dans l’agence de publicité SNIP, véritable ruche où se côtoient, photographes, dessinateurs ou graphistes. C’est là qu’il découvre véritablement la photographie côtoyant Willy Rizzo, Fouli Elia, Guy Bourdin ou Jean-Bernard Naudin. C’est auprès de ce dernier qu’il va apprendre le métier et parfaire son apprentissage. En 1963, il y réalise sa première série de prises de vue, une campagne publicitaire très remarquée pour Lacoste.

La carrière de photographe d’André Carrara est lancée. Antoine Kieffer, alors directeur artistique de Vogue France, frappé par la qualité de ses clichés noir et blanc, lui donne sa chance et lui commande ses premiers reportages. Tout s’accélère lorsqu’Hélène Lazareff, aux commandes de Elle, le magazine qu’elle a créé en 1945, le sollicite. Il rejoint alors d’autres prestigieux photographes, collaborateurs réguliers comme Helmut Newton ou Hans Feurer. Roman Cieslewitz vient d’y entrer comme directeur artistique. Cette arrivée signe le renouveau de la maquette du magazine qu’il transforme selon sa propre vision graphique, caractérisée par la clarté et la simplicité de l’expression plastique. Cette collaboration avec celui qui est considéré comme l’un des plus grands graphistes de la seconde moitié du XXème siècle est pour André Carrara déterminante : il parfait son style et signe alors avec Cieslewitz de très nombreux reportages très graphiques. La collaboration est entrecoupée d’un voyage de trois ans aux Etats-Unis où il effectue des reportages pour Mademoiselle, Glamour… De retour en France au début des années 70, il reprend sa collaboration à Elle et publie dans de nombreux magazines comme dans les éditions britannique, allemande ou italienne de Vogue, tout en devenant l’un des principaux collaborateurs de l’agence de publicité MAFIA.

Si dans les années 1990, à la demande d’Anna Wintour, André Carrara collabore régulièrement au magazine américain Allure ainsi qu’à d’autres grands titres, les années 1980-2000 seront surtout les années Marie-Claire et Marie-Claire bis où il réalise, avec Walter Rospert puis Fred Rawiler comme directeurs artistiques, ses plus beaux sujets, ses plus belles photos.

 

du 14 février au 30 mars 2019

ArtCube Galerie
9, place Furstenberg
75006 Paris, France
www.artcube.fr

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