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Ahmet Ertug par Thierry Grillet

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Ahmet Ertug est un photographe mondialement connu pour le travail qu’il conduit depuis quarante ans autour des grandes architectures patrimoniales, qu’elles soient d’ordre cultuelles ou culturelles. Après avoir exercé comme architecte, il se consacre totalement à la photographie. Lauréat d’une bourse japonaise, il va contracter, durant son voyage d’un an dans l’archipel nippon, une passion pour le patrimoine, et d’abord les architectures du sacré, à travers la découverte qu’il fait des grands sites cultuels du pays. De retour en Turquie, dans les années 70, conscient de la nécessité de conserver la mémoire des grandes sites alors abandonnés, il s’engage dans une vaste campagne de prises de vues du patrimoine byzantin, ottoman et islamique en Turquie et en Iran. Plus largement, de Sainte-Sophie à Istanbul, à Saint-Pierre au Vatican, Ahmet Ertug sillonne le monde à la recherche des plus beaux exemples d’architecture ancienne, – romaine, byzantine, ottomane ou chrétienne – illustrant les trois principes établis par le théoricien Vitruve : la durabilité (firmitas), l’utilité (utilitas), et la beauté (venustas). En utilisant des appareils de grand format, des négatifs à la dimension de ses sujets (25×25 cm), des techniques d’exposition longue, et puisant dans l’expertise de son regard d’architecte, Ertug restitue dans ses clichés ce qui fait qu’une architecture est monumentale et ce qui participe dans le plus infime détail à l’esprit du lieu.

L’artiste met toute son énergie à lutter contre le temps mais aussi à capter ce que le temps ajoute à ces monuments consacrés au culte (les lieux de prière), à l’art (les musées, les palais), à la musique (les salons de musique, les salles de concerts) et au patrimoine écrit (les bibliothèques). Pour Ahmet Ertug, « beaucoup de ces merveilleux volumes que ma photographie enregistre ont été restitués au public par la photographie ou la peinture depuis des siècles ; il n’y a rien de neuf. Mais ce que j’apporte de nouveau, c’est la relation singulière d’un homme à ces espaces extraordinaires, en m’appuyant sur une photographie équipée pour un dialogue avec le monumental. Ces expériences, ces émotions esthétiques ou spirituelles qui naissent de la contemplation de ces lieux uniques, je tente de les faire partager au public ».

Ahmet Ertug est un formaliste qui aime les perspectives, les colonnes, les dômes, la manière dont l’œil fonce en avant vers un point idéal (the vanishing point) où la vue disparaît, basculant ainsi dans une autre dimension. Il aime aussi la luxuriance des détails dans le décor – mosaïques, fresques, plafonds peints, moulures sculptées ou ornées. Peut-être cette extraordinaire qualité d’image doit-elle son existence aux négatifs 20×25 cm qu’il utilise avec son Sinar p2 grand format, une génération modernisée des appareils anciens munis d’une chambre en bois et d’une lentille de cuivre. Mais elle doit aussi davantage encore, de manière plus immatérielle, au fait que le regard du photographe se fond dans son objet, sensible à la totalité de l’œuvre bâtie. « Je mets mes pas dans ceux de l’architecte qui a construit ce que j’ai sous les yeux. Puis je me demande où cet homme, dont des siècles me séparent, se serait posté pour contempler son œuvre. Alors seulement je m’installe. Toute l’âme du lieu ressuscite ainsi dans ma première image. »

Thierry Grillet

 

Ahmet Ertug était présenté à Paris-Photo 2021 par Bruce Silverstein Gallery (New York)

www.brucesilverstein.com

 

 

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