Rechercher un article

Richard Taittinger Gallery : 70 Years of Correspondences : Magnum Photos and Picto 1950-2020

Preview

PICTO et RICHARD TAITTINGER GALLERY présentent l ’exposition 70 YEARS OF CORRESPONDENCES: MAGNUM PHOTOS AND PICTO 1950-2020, dont le commissariat a été confié à l’historienne de la photographie Carole Naggar. Cette collaboration entre MAGNUM PHOTOS et PICTO est une célébration des 70 ans de partenariat entre ces deux institutions du monde de la photographie. Conçue en trois parties: YESTERDAY, TODAY et TOMORROW – cette exposition met en lumière une coopération continue depuis 1950 et présente le travail de 21 photographes et plus de 120 tirages (vintage et modernes).

 

A travers plus d’une centaine de tirages de vingt photographes, cette exposition retrace les moments forts d’une collaboration entre Magnum Photos et Picto qui a duré 70 ans et se poursuit encore aujourd’hui.

Magnum Photos a été fondé en avril 1947 et le laboratoire Pictorial Services a ouvert le 12 janvier 1950, mais leur histoire commune avait commencé bien avant.

Hans Peter Gassmann est né à Breslau (aujourd’hui Wroclaw). Enfant, il était fasciné par les clichés radiologiques du laboratoire de sa mère et a découvert le processus faisant apparaître des images dans la cuve de développement. Il reçoit un Voigtlander Klapp 6×9 en cadeau pour ses treize ans. Il fait des études de droit, mais avec la montée d’Hitler au pouvoir, il est oblige de quitter l’Allemagne en 1933. À Paris, à la brasserie du Dôme, il rencontre Gisèle Freund, Chim, Capa et Cartier-Bresson. Comme l’écrit Hervé Le Goff dans sa biographie, «il a découvert que le tirage, ou plutôt les multiples manières d’agrandir un même négatif, est une question d’interprétation, au même titre que les pathologies radiographiées à Breslau inspiraient une vision poétique.  »

Les photographies de Capa et Chim sur la guerre civile espagnole constituent sans doute les premiers exemples de la collaboration de Pierre Gassmann avec les futurs membres fondateurs de Magnum Photos. À l’Exposition internationale de Paris, Arts et techniques de la vie moderne (25 mai-25 novembre 1937), le pavillon espagnol a été conçu comme un moyen de montrer au monde l’identité du pays mais aussi de mobiliser le public en l’informant sur la situation tragique et injuste de l’Espagne, et peut-être convaincre certains d’entre eux de rejoindre la cause républicaine. Dans ce contexte, Gassmann et François Duffort, un tireur qu’il venait d’engager, ont réalisé pour le pavillon espagnole des tirages géants des images de Capa et Chim sur la Guerre d’Espagne. Certains ont été incorporés dans les photomontages de l’artiste espagnol Josep Renau.

En 1948, Gassmann et sa petite équipe ont tiré neuf séries d’images du premier voyage en Chine de Cartier-Bresson pour les envoyer à LIFE, ainsi que 25 exemplaires du reportage UNESCO-UNICEF de Chim sur les enfants d’Europe. La production de ces plus de 1 000 tirages a occupé Gassmann et à ses tireurs un an à plein temps.

Avec une liste croissante de clients et de plus en plus de commandes, la cuisine de la rue de la Comète où Gassmann avait travaillé est devenue insuffisante et il ouvre un nouveau laboratoire à Montparnasse, rue Delambre . Au départ c’est un lieu modeste: six agrandisseurs disposés autour d’une longue cuve. Au début des années 1950, Duffort et Fouhéty quittent Picto, et l’équipe comprend alors Victor Volkoff, Jean Huet, Jean Marquis (qui partira pour rejoindre Magnum Photos en 1953) Gilbert Champenoy, Josef Philippovitch, Jacov Van Oeveren et Jules Steinmetz, rejoints en 1953 par Georges Fèvre.

Les premiers clients de Gassmann étaient les membres fondateurs de Magnum Photos – Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, Chim et George Rodger. Rodger était un bon tireur, mais ses voyages incessants dans des pays lointains, en particulier l’Afrique, l’empêchaient de développer et de tirer ses photos, et il envoyait ses films non développés au bureau parisien de Magnum avec de nombreuses légendes… de photos qu’il n’avait pas encore vues. Parmi les premiers clients des débuts ,on compte des amis tels que William Klein, Willy Ronis, Robert Doisneau et Edouard Boubat.

Quand Edward Steichen, le directeur du département photo du MoMA et son assistant, Wayne Miller (qui deviendra plus tard membre de Magnum Photos) viennent à Paris pour choisir des photos pour la grande exposition Family of Man (24 janvier – 8 mai 1955), Magnum Photos les envoie directement à Picto: il pensent qu’il serait plus facile pour les commissaires d’exposition de faire leur choix au laboratoire. Steichen et Miller choisissent le travail de plusieurs photographes de la première et de la deuxième génération de membres de Magnum Photos: Eve Arnold, Robert Capa, George Rodger, Werner Bischof, Henri Cartier-Bresson, Elliott Erwitt, Burt Glinn, Ernst Haas, Jean Marquis et W. Eugene Smith, qui a été brièvement membre.

La première exposition de groupe de Magnum Photos, Face of Time (Gesicht der Zeit), comprend 83 photos de huit photographes: Werner Bischof, Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Ernst Haas, Erich Lessing, Jean Marquis, Inge Morath et Marc Riboud. L’exposition perdue a été redécouverte en 2006. Picto était responsable du tirage de toutes les photos de l’exposition. Dans une conversation avec Raymond Depardon, Gilles Peress a proposé une interprétation de cette évolution du tirage à travers l’histoire qui pourrait s’appliquer à de nombreux photographes de Magnum: « Quand tu regardes les tirages d’Henri au fur et à mesure des années, tu vois une évolution entre ces tirages “blonds” des années cinquante et les tirages à partir des années 1968-1970. C’est à dire qu’à partir de cette période, les tirages montent en contraste, et la question est de savoir si c’est lui le responsible ou l’époque. Je pense que dans les années cinquante, tu avais une interprétation de la lumière et du rendu qui avait une autre fonction, celle de créer une certaine harmonie , une paix après la guerre, alors qu’avec la montée des contradictions dans les années soixante, la tonalité des tirages– non seulement ches Henri, mais aussi chez d’autres– change de manière radicale.”

Mais au moment de l’ouverture de Gesicht der Zeit, deux membres de Magnum avaient subi une fin tragique: Robert Capa et Werner Bischof, tous deux en 1954. Il ne restait que trois des membres fondateurs: Henri Cartier-Bresson, George Rodger et Chim – qui trouverait la mort à Suez en novembre 1956.

Parmi les expositions de la Photokina de 1956 il y avait une exposition de Magnum Photos, avec des photos de Werner Bischof, Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, Ernst Haas, George Rodger et W.Eugene Smith, toutes tirées par Picto.

Affirmer que le reportage était aussi un art et présenter les œuvres des photographes dans des expositions, et non pas seulement dans des magazines, allait devenir un aspect fondamental de l’histoire de Magnum Photos: en 1955, Cartier-Bresson a eu sa première rétrospective européenne au Musée des Arts Décoratifs à Paris, et dès 1959, cinq expositions de groupe de Magnum Photos circulaient déjà dans le monde;

Comme en témoigne cette exposition et trop d’autres pour les énumérer, cette tendance se poursuit jusqu’à aujourd’hui.

Au cours des décennies suivantes, Magnum Photos et Picto ont continué à travailler en collaboration. La vie de Pierre Gassmann a été pendant de nombreuses années celle d’un chef d’entreprise qui a vu son entreprise prospérer, suivre l’évolution des techniques, se tourner vers la couleur, tandis que Picto se développait pour server les domaines en plein essor de la photographie de presse, de mode et de publicité.

Gassmann a transmis l’entreprise à son fils Edy, qui a ouvert en 1963 Picto Montparnasse dédié à la photographie couleur à une époque où des photographes comme Brian Brake, Bruno Barbey, Marc Riboud et d’autres réalisaient de plus en plus de reportages en couleur. Avec l’aide de Paulette Gassmann, son épouse, il a finalement créé plusieurs sites Picto dédiés à des services spécifiques.

Parallèlement au développement de Magnum Photos et à la popularité grandissante de la photographie ainsi qu’à l’essor des magazines photo, Picto Front de Seine a ouvert en 1969 suivi en 1984 d’un atelier d’impression haut de gamme rue de Rennes. En 1985, Edy a ouvert Picto Défense, l’un des premiers laboratoires européens à utiliser la technologie numérique. En 1989, Picto Bastille, dédié à la photographie noir et blanc et à la photo d’art, ouvre ses portes.

Les histoires de Magnum Photos et de Picto ont évolué sur des chemins parallèles; le savoir-faire du tireur est devenu peu à peu une profession plutôt qu’un artisanat; le tirage a atteint le statut d’art: un bon nombre de tireurs de Picto sont devenus réputés et recherchés par les photographes qui ont établi une relation privilégiée avec un ou plusieurs d’entre eux.

Dans une interview que j’ai faite avec Pierre Gassmann, il m’a expliqué ce qu’il considérait comme le rôle du tireur, et sa relation intime avec un photographe de la sélection jusqu’au tirage. En 1990, il avait examiné et fait un nouveau choix de photos de George Rodger pour une exposition et un livre consacrés au cinquantième anniversaire du Blitz. En examinant ces photos dans un nouveau contexte, Gassmann a découvert la qualité véritable et la portée des photographies de Rodger. «Dans les années 40», a expliqué Gassmann, «George avait été victime de rédacteurs en chef qui choisissaient« ce que le public voulait voir »; seule une petite partie de son travail avait été utilisée par des magazines. Dans son propre choix, il a également été victime de son désir d’être utile. (…) Les photographes subissent le fardeau d’un trop-plein de mémoire. Ils oublient. Tirer, c’est leur rendre leur mémoire, leur redonner les détails qu’ils n’ont pas vus consciemment, mais que leurs yeux et leur cerveau ont captés.”

Picto a produit de nombreuses expositions collectives de Magnum; étant donné que la photographie constitue aujourd’hui une partie importante du marché de l’art, ils organisent aussi de plus en plus d’expositions personnelles pour des photographes comme Antoine d’Agata, Raymond Depardon, Josef Koudelka et bien d’autres: des relations privilégiées d’amitié et de confiance ont été noués entre des photographes et certains tireurs, par exemple Josef Koudelka avec les tireurs Georges Fèvre et Voja Mitrovic.Christophe ‘Bati’ Batifoulier réalise les tirages d’exposition de Koudelka depuis 2005 et travaille également en étroite collaboration avec Antoine d’Agata.

Lorsque Henri Cartier-Bresson a cessé de tirer lui-même, il a utilisé exclusivement Picto. Dans les années 1950, ses tirages étaient souvent réalisées par Georges Colon, puis par Pierre Gassmann et Georges Fèvre, qui était en charge soit du tirage, soit du contrôle des tirages de plusieurs tireurs jusqu’à sa retraite en 1994. Gassmann a réalisé les tirages utilisés pour le livre Images à la sauvette (The Decisive Moment, 1952), l’un des premiers livres de photo à trouver le succès sur le marché de l’édition. Les tirages Picto de périodes ultérieures, en particulier un grand nombre réalisés dans les années 1980 pour des collectionneurs au format 30 x 40 cm, ont des noirs et des gris plus profonds et s’éloignent des tirages plus doux des débuts.

Magnum Photos, comme Picto, a été principalement le domaine des hommes, sauf en ce qui concerne les chefs de bureau, les rédacteurs en chef, les directeurs culturels et les archivistes: de nombreuses femmes ont occupé ces emplois au fil des ans. Mais à part Ata Kando et Paulette Fouhéty présentes dans les débuts du laboratoire, je n’ai pu retrouver aucune femme tireuse dans les 70 ans d’histoire de Picto: les femmes ont surtout eu un rôle de ‘repiqueuses’ – la retouche étant probablement considérée comme «un travail de femme» en raison de la délicatesse et de la patience qu’elle exige – ou d’administratrices, en accord avec la réputation faite aux femmes d’étre de bonnes intermédiaires et conciliatrices.

Mais ces dernières années, plusieurs jeunes femmes ont rejoint Magnum Photos, qui, au dernier décompte, comptait plus de 89 membres passés et présents et des bureaux à Paris, Londres et Tokyo. Trois d’entre elles sont présentées dans cette exposition:

Chim Si Yin, originaire de Singapour, est une photographe concernée dans le meilleur sens du terme. Elle emploie souvent une combinaison de mots et d’images (fixes ou non) pour élaborer des histoires thématiques ambitieuses; ainsi son travail recent sur le nucléaire (une commande de l’organisation du prix Nobel) sur le nucléaire, pour lequel elle a fait un long voyage aux États-Unis et en Corée du Nord.

Après le départ des camions de “news” , une fois la fumée disparue, Carolyn Drake a réalisé un reportage sur les incendies en Californie. Dans des paysages brûlés revenant timidement à la vie, ou dans les objets métalliques brûlés et tordus récupérés dans les décombres, elle est parvenue à trouver une beauté mélancolique.

Alessandra Sanguinetti travaille en profondeur sur des sujets qui lui tiennent à cœur, souvent liés à son enfance en Argentine. Dans sa série en forme de fable Le sixième jour ( On the Sixth Day), elle dépeint les animaux comme des êtres conscients qui ressentent de nombreuses émotions, du jeu à la férocité, de la tendresse à la peur.

Magnum Photos en tant que coopérative et Picto en tant que laboratoire ont contribué à une transformation profonde de ce qui était autrefois un artisanat en professions véritables: celles de photographe et tireur. Au départ, le tirage n’était pas un travail de professionnel: les photographes tiraient leurs propres négatifs ou laissaient les laboratoires des magazines les tirer sans pouvoir exercer aucun contrôle. Avant Picto, la photographie était un artisanat plutôt qu’une profession, considérée comme un aspect mineur de la création d’images. De même, c’est avec Magnum Photos que les photographes sont devenus auteurs, conservant la propriété de leurs droits d’auteur et un certain contrôle sur l’intégrité de leurs images, leurs légendes et leur mode d’utilisation dans les publications.

Avec le passage au numérique, les professions de photographe et de tireur sont toutes deux en pleine transformation– même s’ils l’ignorent souvent. Une relation différente s’est établie avec le temps et l’espace. Le choix de photos est souvent effectué par le photographe sur le terrain; le rédacteur ou le chercheur n’ont pas accès aux planches-contact qui reflètaient la façon de penser et de travailler du photographe et les étapes de l’élaboration d’une histoire, mais seulement à une quantité d’images numériques. Les inscriptions au dos d’un tirage, à partir desquelles un chercheur peut déduire l’historique d’une image, ne sont plus disponibles. Les photographes écrivent rarement leurs propres légendes et leurs propres histoires comme le faisaient les fondateurs de Magnum Photos. Des termes tels que planches contact, diapos, lightbox… ne disent plus rien à nos contemporains.

Les métiers parallèles de photographe et de tireur survivront-ils, ou des raisons économiques (prix de l’immobilier, disparition des magazines illustrés…) pousseront-elles les laboratoires vers les travaux pour la mode et la publicité, mieux rémunérés, et verrons-nous la «Photo d’Art» pratiquée pour les photographes et les photographes plasticiens devenir un marché spécialisé?

Julien Alamo, directeur de Picto New York, et Philippe Gassman, président de Picto Paris, estiment que la fonction des tireurs est restée essentiellement la même. Selon Alamo:

«Pierre Gassmann a parlé de l’imprimeur comme d’un caméléon, capable d’adapter son travail à tous les photographes. À son époque, le tirage c’était de la chimie et de la cuisine. Aujourd’hui, tout ce travail se fait en amont sur l’écran avec Photoshop. Si nécessaire, nous pouvons revenir en arrière et faire des ajustements. La logique, le principe sont les mêmes, mais les outils sont différents. »

Carole Naggar,

Commissaire de l’exposition

 

Un catalogue illustré comprenant une liste complète des œuvres exposées, un essai de Carole Naggar et des chronologies détaillées de Picto et Magnum Photos accompagnera l’exposition.

 

70 Years of Correspondences:

Magnum Photos and Picto 1950-2020

Organisé par Carole Naggar

Jusqu’au 20 décembre 2020

Richard Taittinger Gallery

154 Ludlow Street

New York NY 10002

www.richardtaittinger.com

 

www.magnumphotos.com

www.PictoNY.com

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android