Rechercher un article

40 ans de photojournalisme, génération agences, par Michel Setboun et Marie Cousin #7

Preview

Cette image est extraite du troisième livre de Michel Setboun et Marie Cousin sur les agences. Le livre est intitulé 40 ans de photojournalisme, génération agences. 80 photoreporters ont choisi et commentent une image emblématique de leur parcours. L’image que nous publions aujourd’hui est une photographie réalisée par Bruno Stevens.

En 2003, deux mois avant que la guerre n’éclate en Irak, je me retrouve à Bagdad. Je découvre une société vivante, riche. Très loin de la vision clivante que lui colle l’Occident, selon laquelle ce pays se réduit à une division entre sunnites et chiites. Je veux dresser un portrait en mille-feuille de cette ville pour en montrer la diversité. Je choisis de photographier les cafés parce que chacun possède une identité forte et est fréquenté par un groupe social particulier : des poètes, des policiers, des joueurs d’échecs, les commerçants du quartier… À mes yeux, cette image-ci s’apparente à une métaphore du pays. Ce n’est pas la photo d’un café, mais celle d’une société recluse comme dans un aquarium. Tout en haut, à droite, on distingue un écran de télévision. Le fils de Saddam Hussein est filmé en train de délivrer un message de fermeté contre les influences étrangères.
Plus de dix ans ont passé depuis ce reportage, et je me pose de sérieuses questions sur le photojournalisme. Je traverse actuellement une période de remise en question. Je me demande si mon engagement peut encore s’exprimer à travers la presse actuelle. J’ai un réel problème éthique à aller sur le terrain pour photographier des gens qui me considèrent comme le passeur de leur souffrance, alors que je sais pertinemment que la plupart des clichés vont rester au fond d’un disque dur. Pourquoi ? Parce que le magazine qui me finance va, dans le meilleur des cas, ne publier qu’une ou deux photos, généralement auprès d’une audience déjà captive. Je suis particulièrement choqué face à certaines réactions hypocrites qui ont suivi le décès de Camille Lepage (photoreporter de 26 ans assassinée en République centrafricaine le 11 mai 2014). Toutes les rédactions se sont répandues en louanges pour raconter combien son travail était formidable. Pourtant, personne ne la soutenait. Elle n’avait pas un rond et elle était seule dans des régions compliquées. Elle était forcée de travailler dans des conditions terribles. Ces journaux ont globalement une responsabilité dans ce qui est arrivé.

Propos recueillis par Laurène Daycard.

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android