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1000 emblématiques livres-photo Magnum dans un seul ouvrage

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Les éditions Phaidon publient Magnum, les livres de photographies : le catalogue raisonné, première bibliographie illustrée complète répertoriant mille livres-photo créés par les membres de la célèbre agence de photographie. Cette fascinante analyse approfondie nous fait revivre l’histoire de Magnum à travers le genre du livre-photo, véhicule essentiel qui permet aux photographes de partager leur travail. On y trouve des clichés inédits qui dévoilent les coulisses du métier, et des souvenirs des photographes sur la création de ces ouvrages. Ce livre, coordonné par les auteurs et historiens Fred Ritchin et Carole Naggar, examine l’évolution du livre-photo et le rôle déterminant joué par Magnum dans l’histoire de la photographie documentaire.

 

Pouvez-vous nous raconter comment ce projet a vu le jour ?

Carole Naggar : Ce projet est né d’une idée entre Magnum et Phaidon Press, et a été pensé comme une suite aux autres volumes sur les livres de photographies publiés par Phaidon. Nous sommes arrivés seulement ensuite. Nous avons tous les deux eu à maintes reprises l’occasion de travailler avec les photographes de Magnum, donc nous étions en terrain familier.

Fred Ritchin : J’ai écrit l’historique de Magnum pour le quarantième anniversaire de l’agence. Il a été publié en 1989 par W.W. Norton dans un livre intitulé In Our Time : The World as Seen by Magnum Photographers. Pour cette raison, j’étais considéré comme capable d’écrire une introduction retraçant l’histoire de la réalisation des livres de photographies chez Magnum à l’occasion du soixante-dixième anniversaire. Carole s’est chargée de la majorité des textes accompagnant individuellement les livres, et pour ma part j’ai apporté ma contribution pour certains ouvrages que je connaissais bien.

Mille livres-photo, c’est vraiment beaucoup. Le travail a dû être long et fastidieux, non ?

C.N. : La bibliographie rassemblant les mille livres n’a pas été faite par nous, mais par Victoria Clarke, responsable des acquisitions chez Phaidon. Elle a fait un travail monumental, en plus du travail sur l’édition du texte.

F.R. : Carole et moi, nous nous sommes concentrés sur la centaine de livres présentés de manière approfondie.

Vous êtes-vous réparti les rôles sur ce projet ?

C.N. : Après une discussion avec Phaidon, nous avons décidé que Fred se chargerait de la préface et écrirait à propos de quinze ou vingt livres, choisis parmi ceux pour lesquels il avait travaillé avec les photographes, et pour ma part, j’ai écrit les quatre-vingt-cinq autres textes, concernant des photographes avec lesquels ou sur lesquels j’avais déjà travaillé : Martine Franck, George Rodger, Werner Bischof, David Seymour Chim, et bien d’autres. Le projet nous a occupé trois mois bien intenses, puis deux mois pour l’édition et la correction, avec les retours des photographes.

F.R. : Oui, et comme je l’ai mentionné précédemment, j’ai écrit l’introduction, qui revient sur l’histoire des livres-photos, depuis Death in the Making de Robert Capa en 1938 et Carole s’est chargée de la majorité des textes traitant individuellement des livres, tandis que je me suis cantonné aux livres que je connais les mieux.

Est-ce que ce livre contient de manière exhaustive tous les livres-photos publiés par les photographes Magnum ?

F.R. : À ma connaissance, oui.

C.N. : Ce qui est incroyable, c’est que pas un seul photographe de l’agence ne s’est plaint du livre. Le grand gagnant en termes de nombre de livres est Martin Parr, qui en compte plus de quatre-vingt-dix, et Raymond Depardon arrive en deuxième, avec plus de soixante livres.

Vous avez mis en avant environ cent livres et chacun est illustré par plusieurs images, accompagnées d’informations pratiques et d’un résumé. Comment avez-vous procédé pour cette sélection ?

F.R. : C’était d’abord une concertation entre Magnum et Phaidon, notamment entre Martin Parr, le président de Magnum, et Victoria Clarke de chez Phaidon. Nous avons suggéré certains changements en cours de route, dont la plupart ont été effectués par la suite.

C.N. : En fait, nous avons remis en question certains choix, et à partir de nos suggestions, des ajustements ont été faits.

S’il ne fallait retenir qu’un seul livre de photographies ?

F.R. : Ils sont extrêmement variés, il y en a sous forme de journaux intimes, des projets collectifs, certains traitent de sujets spécifiques, d’autres sont thématiques, etc. Si bien qu’il n’existe pas un livre Magnum générique, de même qu’il n’y a pas un photographe-type de l’agence.

C.N. : Si vous entendez par là celui que je préfère, personnellement, il s’agit pour moi de Valparaiso de Sergio Larrain, à la fois pour ses images merveilleusement modernes et sensuelles, et pour le texte incroyablement poétique et beau de Pablo Neruda. Ils ont arpenté Valparaiso ensemble, et exploré la ville.

Passer en revue des archives si riches, l’histoire de la photographie, en somme, doit être une expérience assez plaisante. Avez-vous découvert des choses, des anecdotes, qui vous ont surpris ?

F.R. : J’ai surtout découvert que les livres sont souvent un refuge pour échapper aux médias de masse, une façon de dire quelque chose de plus intime, de plus personnel, sans se soucier de plaire à d’autres éditeurs. Le livre de photographies est un espace d’autonomie pour les photographes.

C.N. : Le projet tout entier a été une expérience enthousiasmante, c’est l’une des meilleures de ma carrière. Un grand moment pour moi a été l’arrivée des colis contenant les livres. Nous avions dit à l’éditeur qu’il n’était pas possible de travailler à partir de fichiers .pdf et que nous avions besoin de livres en dur. Et ils sont arrivés jusqu’à notre porte. Pour nous, toucher et feuilleter ces livres, la qualité du papier, d’impression, la reliure, le découpage, etc. était une étape essentielle pour pouvoir écrire à leur sujet. Le travail d’archive est avant tout un acte physique, même s’il en existe de très bonnes sur la toile (David Chim Syemour, par exemple). Personnellement, j’ai découvert des livres intimistes qui m’ont beaucoup touchée, dans le genre journal intime, où le photographe exprime des choses qu’il n’a pas pu laisser sortir dans son milieu professionnel. Dans un livre, le photographe est maître à bord. Il y a aussi des livres qui dépassent le format habituel du livre-photo, comme Stranger d’Olivia Arthur, aux pages translucides, si bien que le texte et les images se mêlent. Elle a sa propre maison d’édition, Fishbar. J’ai aussi beaucoup aimé Sabine de Jacob Auer, dans lequel il devient participant à part entière, et non simple observateur. Pour leur énergie et leur humour, parfois un peu cruel, j’aimerais citer Stump de Chris Anderson et Go de Bruce Gilden. Pour la poésie, Calendar Days of Asaya Hamaya de Hiroshi Hamaya, dans lequel il rend hommage à sa femme décédée, maître de la cérémonie du thé. Ce livre, qui est d’ailleurs plutôt un portfolio, était offert aux personnes venues à ses obsèques. Et j’ai redécouvert des photographes oubliés ou presque tombés dans l’oubli, comme Burk Uzzle ou Abigail Heyman. Et j’ai encore une fois été frappée par l’ironie et le talent de Philip Jones Griffith dans Vietnam Inc.

Est-il encore possible à l’heure actuelle d’acheter individuellement tous les livres photo présentés dans ce volume ?

F.R. : Probablement, pour quelqu’un de très motivé et très fortuné.

C.N. : Oui, si vous êtes riche ! Beaucoup sont épuisés. Et malheureusement, il y a une pratique actuelle qui consiste à acheter ces livres en plusieurs exemplaires, obtenir des autographes et les revendre avec une plus-value. Ce genre de livre fait maintenant partie du marché de l’art. Les obtenir tous relèverait du challenge.

Comme le souligne l’introduction, les livres de photographies sont aujourd’hui essentiels pour qu’un photographe soit reconnu. Qu’avez-vous à dire sur la politique éditoriale de Magnum ?

F.R. : La force de Magnum a toujours résidé dans sa capacité à défendre l’indépendance de ses photographes dans leur individualité, sans attendre d’eux qu’ils soient interchangeables. Et les livres de photo permettent et encouragent cette singularité. Et lorsqu’un livre parvient à dépeindre à la fois le monde extérieur et le monde intérieur d’un photographe, dans un mélange d’équilibre et de tension, le résultat est extraordinaire.

Propos recueillis par Jonas Cuénin

 

Magnum, les livres de photographies : le catalogue raisonné
De Carole Naggar et Fred Ritchin
Publié par Phaidon
69.95 €

http://www.phaidon.com/

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