Rechercher un article

Visa pour l’Image 2020 / ESJ PRO : Photojournaliste, en guerre pour un salaire

Preview

Au 1er janvier 2020, les photojournalistes ne représentent plus qu’1,6% des cartes de presse attribuées en France. Prise en étau par la numérisation de l’information et la crise de la presse, la profession s’enlise dans la précarité.

En 2015, la Société Civile des Auteurs Multimédias (Scam) présentait à Visa pour l’Image un rapport alarmiste intitulé “Photojournaliste, une profession sacrifiée”. Cinq ans plus tard, rien n’a changé. Pire, le nombre de photoreporters disposant d’une carte de presse a été divisé par deux. Au 1er janvier 2020, seules 545 cartes de presse de reporters photographes ont été attribuées. Ils étaient 1141 en 2015, 1420 en 2010…

Sans statut

“La grande majorité des photojournalistes sont des pigistes mais ils sont payés en facture, en droit d’auteur, ou sous le statut d’auto entrepreneur plutôt qu’en salaire. Cela les empêche d’avoir une carte de presse”, explique Emmanuel Vire, secrétaire général du SNJ-CGT et membre de la commission d’attribution de la carte de presse. Pigiste ou non, pour bénéficier du statut protecteur de la carte de presse, la loi exige que plus de la moitié des revenus annuels du travailleur soit versée par une entreprise de presse et que cela constitue son activité principale.

C’est le cas de Sébastien Pons. Quand il se lance dans la photo de presse en 2017, la chute des commandes et la baisse de rémunération des piges est déjà la règle dans le milieu. Malgré son affiliation au studio Hans Lucas, le journalisme ne lui suffit pas pour vivre de son appareil photo.

« La presse représente 1/6e de mes revenus. Pour le reste, je fais des mariages l’été ou de la communication visuelle pour des artisans ou des entreprises locales », explique le photographe basé à Tours.

« Diversifier ses revenus est devenu la norme pour l’écrasante majorité des photographes de presse », abonde Emmanuel Vire. Mais cette diversification a un effet pervers : elle les empêche de rentrer dans les critères d’attribution de la carte de presse.

Dérégulation

“Beaucoup d’entreprises de presse contournent la loi Cressard pour ne pas payer les pigistes en salaire et éviter ainsi des charges sociales et les obligations liées à l’existence d’un contrat de travail « , explique de son côté Thierry Ledoux, ancien photojournaliste et membre de la commission des journalistes de la Scam.
Un autre exemple symbolise la situation. Au journal Le Monde, aucun photographe n’est salarié. Et sur les centaines qui collaborent avec le quotidien du soir, seulement trois ont une place garantie dans le journal : un pour la politique et deux autres pour les reportages de guerre. “Nous avons fait le choix de ne pas salarier les photographes pour conserver une tension entre la rédaction et le pigiste », explique Nicolas Jimenez, directeur de la photographie au journal Le Monde. « C’est une relation de travail plus stimulante. »

Quand les pigistes ne doivent pas courir après leur paie : « Après avoir envoyé nos photos, il n’est pas rare de devoir vérifier nous même sur Google si nos images ont été publiées, et de relancer par mail plusieurs fois par semaine, parfois pendant plusieurs mois, pour toucher son salaire », confirme Sébastien Pons.

Précarité

Et cette rémunération est très variable. Le décret sur la rémunération de la pige photo, signé le 9 mai 2017, fixe le salaire minimum à 60 euros brut pour 5 heures de travail. Le dispositif ne précise pas combien sera payé la réutilisation de la photo.

« Des moments d’angoisse, j’en ai traversé deux gros, à chaque fois à cause d’un non-paiement. En fait, mes plus grosses angoisses c’est l’argent. C’est vrai que si ça payait un tiers mieux, j’aurais moins d’angoisse car ça permettrait de mettre un peu d’argent de côté. Parce que là, c’est impossible de faire des économies », commente un photojournaliste dans l’enquête réalisée par Irène Jonas, sociologue indépendante pour le compte du Centre d’études et de recherches sur les qualifications.

Plan de soutien

Le 27 août dernier, le gouvernement a annoncé un « plan de soutien à la filière presse », doté de 377 millions d’euros, qui s’étalera jusqu’en 2022. Un fonds de lutte contre la précarité, doté de 18 millions d’euros par an, sera spécifiquement mis en place afin d’accompagner « les acteurs les plus fragiles de la profession », dont les photojournalistes. « Nous regrettons que les syndicats de journalistes n’aient pas été associés à la détermination des critères d’attribution et du mode de distribution de ce fonds », déplore Emmanuel Vire.

Les professionnels craignent que l’attribution de ces subventions manque de transparence. « Chaque année plusieurs millions d’euros sont versés aux éditeurs de presse sans aucune contrepartie réelle en terme d’emploi des photojournalistes. », plaide Thierry Ledoux de la Scam.

« Les photojournalistes n’ont besoin que d’une chose », souligne Emmanuel Vire, « que des salaires corrects leur soient versés et que leurs employeurs respectent la loi ».

Samir Touzani

 

https://www.visapourlimage.com/

www.esj-pro.fr

 

 

 

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android