Chaque jour, les photographes professionnels exposés à Visa pour l’Image nous racontent les coulisses de leur travail. Comment ils ont réussi à convaincre leurs interlocuteurs de se placer au bon endroit et à déclencher leur appareil au bon moment. Premier épisode avec Peter Turnley.
Pour sa deuxième participation à Visa pour l’image, le photojournaliste Peter Turnley revient avec une exposition sur le Covid-19 dans les rues de New York. Grâce à sa faculté à mettre en scène ses sujets et le choix du noir et blanc, le franco-américain traduit toutes les émotions de ces héros et victimes de la guerre sanitaire. Le photographe nous explique comment il a croisé le regard de Nora.
Peter Turnley : “Les applaudissements pour les travailleurs essentiels avaient lieu chaque soir à 19 heures à New York. C’était incroyable. Il y avait une explosion de sons dans la ville entière, devant toutes les portes, les rues. Petit à petit, j’allais tous les soirs devant un hôpital parce qu’il y avait quelque chose d’extraordinaire. Tout le personnel soignant sortait. Tous les habitants du quartier venaient les applaudir. Ils avaient besoin de cela. La nuit, il n’y avait pas une minute où on n’entendait pas les ambulances. C’était les sirènes de la mort. Et donc, j’allais souvent à ce coin de rue et il se trouve que cette femme, Nora, était toujours là. Elle venait tous les soirs. On la remarquait très facilement mais ne parlait pas beaucoup. Elle faisait comprendre qu’elle ne voulait pas être photographiée. Le soir où j’ai pris cette photo, je me trouvais en face d’elle. Elle me reconnaissait, je crois. Elle s’arrête devant moi et me regarde. Je lui demande l’autorisation mais elle ne disait rien. J’ai compris que je pouvais. Je pense que dans les yeux de cette femme, et la référence du petit drapeau américain, on peut lire un petit peu la réalité de ce moment unique de confusion, de déstabilisation de la vie américaine.”
Jacques Perrot
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