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Tbilissi : John Trotter

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Laurence Cornet : John Trotter, vous avez gagné le prix du projet de documentaire photographique au festival Kolga Tbilisi pour votre reportage sur le fleuve Colorado, No Agua No Vida, auquel vous avez déjà consacré treize ans. Comment vous est venu votre intérêt pour l’Ouest américain ?

John Trotter : J’ai couvert les morts pendant la guerre en Somalie en 1992, à l’époque où c’était sans doute un des pires endroits où vivre au monde. J’y suis resté peu de temps, peut-être deux semaines, mais cela a rendu toutes les autres choses que j’avais photographiées peu importantes en comparaison. La première chose que je fis après être rentré fut de prendre une année sabbatique et de parcourir les États-Unis à vélo. Il y avait des panneaux sur la route qui disaient : « La route la plus isolée d’Amérique ». Je me souviens qu’à un endroit, il y avait deux villes à à peu près 180 kilomètres l’une de l’autre, avec seulement un berger péruvien et sa caravane entre les deux, et rien d’autre, vraiment rien d’autre. J’ai pensé : « Quel endroit fascinant, il n’y a tellement personne ici ! » Je suis resté fasciné par cet espace ouvert et la manière dont les gens y vivent. Cela demande de gros moyens techniques. Tout le monde est dépendant de projets de distribution d’eau très élaborés qui rendent la vie possible dans cette région, et personne ne s’en rend compte. Ce sens du déni m’a toujours intéressé, spécialement aux États-Unis. 



LC : Le Nevada est emblématique de l’ambiguïté à la fois de l’Ouest américain et de l’American Way of Life.

JT : C’est l’Ouest américain dans toute sa dureté, plus conservateur encore que la Californie même si celle-ci est très proche. Vous traversez les montagnes du Nevada et vous entrez soudain dans un monde très différent. Il n’y a rien de naturel dans cet état — le fleuve Colorado peut-être, mais le reste des frontières ne sont que des lignes de géomètre. Et à l’intérieur de ces lignes — qui que ce soit qui les ait tracées — règnent des lois très différentes. Le jeu est légal, la prostitution est légale, la politique est très différente. Tout est très différent. Il y a une grosse industrie minière, notamment d’extraction d’or. À l’époque où j’y étais, ils utilisaient du nitrate d’ammonium pour procéder à cette extraction, l’engrais bon marché et potentiellement explosif que ce type a utilisé pour faire sauter le bâtiment fédéral d’Oklahoma City en 1995 !

J’ai été aidé un jour par une famille de cow-boys : un orage m’a surpris alors que je grimpais un chemin assez lentement, et l’habitation la plus proche était à peu près à 65 kilomètres. Je vis un petit mobile-home en bas du chemin, je suis donc allé taper à la porte. Un homme a ouvert, il avait un chapeau de cow-boy et portait un manteau en laine de mouton. J’avais tellement froid que je tremblais : « Puis-jjeee resssster jussqu’à la fin de l’orrraage ? » Et l’homme a dit : « Bien sûr. » Je me rappelle qu’il parlait très lentement : « Nous étions chez le voisin pour marquer les vaches toute la matinée alors nous n’avons pas lancé de feu dans la maison mais il y a un chauffage allumé dans la grange si vous voulez aller là-bas ! » Il m’a amené du café et m’a servi de la viande de ses propres bêtes. Et voilà où j’en étais : à ce moment, je n’avais pas mangé de viande de bœuf depuis peut-être quatorze ans mais qu’est-ce que je pouvais dire ? « Excusez-moi, je suis un végétarien de Californie, est-ce que vous avez autre chose à me proposer ? »

Lire la suite de l’interview dans la version anglaise de L’Œil de la Photographie.

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