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Suisse, l’Ecole de Vevey

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Coincée entre les grandes écoles de photographie allemandes, françaises et néerlandaises, la construction d’une identité aurait pu s’avérer compliquée pour l’Ecole de Photographie, Département du Centre d’enseignement professionnel de Vevey (CEPV). Première école de photographie en Suisse romande, elle a su retourner à son avantage cette situation. La qualité de l’enseignement et de ses valeurs techniques et artistiques, la présence de nombreux ateliers réalisés par de grands acteurs européens de la photographie ainsi qu’une pédagogie qui mêle créativité et rigueur ont su rapidement faire leurs preuves. Le festival de photographie « Images » qui a vu le jour à Vevey, dont le slogan est désormais « Vevey ville d’images », et l’arrivée du Musée de l’Elysée à Lausanne ont renforcé le rayonnement culturel et artistique de l’école.

Une grande école de photographie, là où ne l’attendait pas.

De la Suisse, le grand public connaît peu de grandes figures hormis Werner Bischof et Robert Frank. Aujourd’hui ce pays, apparenté au calme et à la neutralité, a vu sa photographie exploser en créativité. Gertrude Fehr (1895-1996) qui a fondé l’école en 1945, serait probablement fière de l’actuel foisonnement. Réputée pour ses solarisations, ses nus et ses photomontages, cette talentueuse photographe et enseignante, a été marquée par deux mouvements de son époque : la Nouvelle Vision et le Surréalisme. Exigeante, elle poussait ses élèves à faire des expériences et à découvrir leur propre créativité. Gertrude Fehr a formé des générations de photographes, dont Henriette Grindat, Monique Jacot, Bruno Barbey, Luc Chessex ou Jean-Loup Sieff.

L’Ecole de Photographie de Vevey forme sans distinction des photographes qui se destinent au monde de l’art, à la publicité et au documentaire. Le principe fondamental de l’enseignement est de développer le sens artistique des étudiants tout en leur donnant des bases techniques approfondies. Le parcours de l’école se construit sur deux niveaux de formation et sur quatre années : la formation de base en photographie (CFC) et dans sa continuité, la formation Supérieure (ES) en photographie.

Dans une logique de filière, la formation Supérieure en photographie s’inscrit dans le prolongement du CFC de photographe ou d’un titre jugé équivalent. L’enseignement y est organisé alternativement sous la forme de workshops assurés par des photographes de renommée internationale actifs dans des champs professionnels très diversifiés et de cours théoriques. Enfin, elle accompagne les étudiants dans l’élaboration d’un mémoire théorique et d’un projet personnel d’envergure. Pour Nicolas Savary, responsable de la Formation supérieure, « il s’agit de confronter de manière permanente les étudiants au monde professionnel. Les cours sont très orientés sur la pratique et la théorie est fortement liée aux problématiques professionnelles. ».

La formation alterne cours théoriques et ateliers pratiques animés par des photographes, critiques d’art, galeristes, éditeurs… On retrouve notamment dans les intervenants extérieurs Valérie Belin, Philippe Brault, Peter Bialobrzeski, Anuschka Blommers & Niels Schumm, Adam Broomberg & Oliver Chanarin, Gilbert Fastenaekens, Stanley Greene, Guillaume Herbaut, Mary Ellen Mark, Eric Nehr. Dans les jurys, on trouve des personnalités comme Christian Caujolle, Paul Frèches, Valérie Mréjen, Marta Ponsa ou Oliva Maria Rubio. Pour l’enseignement des cours théoriques, huit professeurs se relaient : Frédéric Bachmann, Caroline Bernard, Mathieu Bernard-Reymond, Nassim Daghighian, Kerrith Mackenzie, Virginie Otth, Nicolas Savary, Léonore Veya.

Comme le montre l’exemple d’Anne Golaz, Nicolas Savary confirme que « l’école est aussi un tremplin permettant d’accéder à de grands établissements européens. Mais tandis que les Français retournent en France, les Suisses partent en Europe. Les étudiants viennent pour réaliser un projet qui leur tient à coeur. L’école est très bien équipée, elle permet de tester une large gamme d’appareils et d’éclairages. Les studios possèdent des chambres techniques et des moyens formats à dos numérique. Par ailleurs, ils font encore appel à l’argentique ».

L’école comme vivier créatif.

L’institution vit un dilemme permanent depuis qu’elle a acquis son statut d’école publique en 1945. Il peut se résumer ainsi : Quelle formation, pour quels photographes ? Pour Léonore Veya, doyenne du Département Photographie et Nicolas Savary, responsable de la Formation supérieure, « la priorité est que les étudiants trouvent ici leur langage personnel. Ils sont des créateurs et recherchent une écriture. Nous leur demandons une forte motivation ». Les étudiants sont ici aussi pour se confronter à une réalité professionnelle. En Suisse, le marché est actif et se concentre autour de la photographie de studio et d’art, et, « comme partout ailleurs, la photographie documentaire est mise à mal par la banalisation de la pratique et une certaine précarisation des éditeurs de la grande presse ».

A l’école, rapidement, une vie en groupe se créée. La proximité avec le lac, instaure ce climat. L’enseignement est varié, des cours d’analyse de l’image, de photographie et d’art contemporain, d’anglais, de marketing et de gestion d’entreprise côtoient les nouvelles pratiques du numérique, la création de site web et l’infographie. Cet établissement francophone est public et l’écolage se monte à 720 FS par année pour les Suisses. Il faut compter environ 2.400 Francs Suisses pour les candidats des départements français voisins et 6.400 FS pour « le reste du monde ». Agés entre 20 ans et 35 ans, une trentaine de candidats se présentent pour quinze places. Il est nécessaire d’avoir une formation initiale en photographie ou en graphisme ou un diplôme universitaire de type bachelor complété par une vaste expérience dans le domaine de la photographie.

La force du parcours est d’alterner des workshops avec des approches photographiques complémentaires. Les étudiants sont très sollicités d’autant que chaque intervenant note les travaux réalisés. Après un an et demi d’atelier (une semaine sur deux) et trois mois de travail autour d’un projet photographique (livre, exposition, magazine, site internet…), chacun présente son travail à un jury d’experts. C’est sur ces bases que les étudiants vont s’appuyer durant toute leur vie professionnelle. En 2011, cela a sans doute été le petit coup de pouce qui a permis à Matthieu Gafsou, d’être lauréat du prix HSBC et à Augustin Rebetez d’être exposé aux RIP d’Arles.

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