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Stuttgart –François-Marie Banier

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“La masturbation est interdite pendant toute la durée de l’exposition”. C’est ce que précisait le carton d’invitation de l’exposition de François-Marie Banier à Stuttgart chez Abtart. Provocateur certes, mais bourré de talent, il exposait à la galerie Abtart ses dernières oeuvres, ses photographies peintes, ses images écrites et ses portraits traditionnels.

Voici un texte de Jan Hoet qui présente François-Marie Banier:

Voici un texte de Jan Hoet qui présente François-Marie Banier:

Si l’écriture peut cerner une voix, un rire, quelque chose d’indéfinissable et de formidablement humain, parfois très simple, échappe à la plume comme au pinceau le plus réaliste. Curieusement, cet indescriptible, le photographe le rattrape.
François Marie Banier

Lorsque nous parlons de François Marie Banier, nous n’évoquons pas seulement un coryphée du monde de la photographie. Nous parlons d’un des plus grands artistes de son temps qui sait mieux que quiconque établir un lien entre photographie, peinture et littérature. Ils sont rares les photographes qui ont à leur actif un spectre aussi large de sujets et de motifs. Sont pérennisés dans son œuvre, avec une attention et un intérêt tout particuliers, aussi bien des personnalités et des stars telles que Johnny Depp, Yves Saint Laurent, Michel Piccoli ou Vladimir Horowitz que des drôles d’individus qui vivent à la marge, des anti-héros présents au quotidien dans nos rues : clochards, “fous”, blessés de la vie. C’est à ces derniers que Banier réserve un amour très singulier. Impitoyable, son regard perce à jour la réalité et débusque en des lieux souvent totalement inattendus une beauté dérangeante.

L’artiste se laisse guider par son flair incomparable pour saisir un moment unique, un moment magique, lorsqu’il s’agit de décider quand il appuiera sur le déclencheur, afin de capter chez celui ou celle qui lui fait face une vérité profonde et intime qui échappe au regard fugace de routine. Moment unique qui montre l’être humain sans ménagement, sans mise en scène, absolument sans fard (“Maske” veut dire en allemand à la fois masque, fard, maquillage Ndt).

Les photographies de Banier constituent une métamorphose à deux titres : d’abord un passage du mouvement à l’immobilité, quand via le déclencheur le moment unique est ensuite fixé sur la surface photosensible du papier photo. Ce souvenir figé, Banier le recouvre dans un deuxième temps avec virtuosité de mots écrits. L’artiste tisse ses souvenirs et pensées à travers des séquences de texte subtilement calligraphiées alla prima qui viennent en surimpression sur l’image et en cèlent certains éléments, tandis que d’autres sont justement mis en relief par ce procédé. Les visages des personnes photographiées étant aussi le centre de leur esprit, Banier évite en général d’y toucher.

Ce processus créatif introduit un nouveau niveau de sens, plus question de contempler uniquement la photo, il faut la lire au pied de la lettre. En l’occurrence, ni le texte ne sert à expliquer l’image, ni l’image à illustrer l’histoire. Les images intérieures qui ont été induites par la lecture des mots viennent se superposer à celles que voit l’œil. La dimension de la réflexion se substitue à celle de la vision. Le flot du texte suit son cours à son rythme et va se lover de façon esthétique autour de l’objet de l’image ; ou bien il l’envahit jusqu’à le rendre partiellement méconnaissable.

“Pardonnez-moi, j’ai pris toute la place.” Pour finir, la photographie passe à la peinture, dynamique de par sa couleur et sa ductilité, indocile. Ceci revient à confesser ouvertement qu’il y a imperfection, à interroger l’ordre qui est naturellement attribué au medium photographie, d’où la décision assumée de se tourner vers les couleurs. Banier fait surgir des collages éminemment variés qui consistent à annihiler les frontières entre photographie, peinture et littérature, en érigeant en icône le portrait de la personne représentée – peu importe qu’elle appartienne à la high society ou réside dans un foyer réservé aux pauvres.

Jan Hoet
Traduit de l’allemand par Josie Mély

Die Metamorphose des Augen-Blick (La métamorphose du moment)
Galerie Abtart
Rembrandtstrasse 18
70567 Stuttgart

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