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Spécial livres : Untitled, d’Anouk Kruithof

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Nous sommes débordés d’images, c’est un fait, pas un scoop. Et nous sommes tous photographes, suggérait une exposition au musée de L’Elysée de Lausanne il y a déjà six ans. En 2012, des avis de recherche affichés ici et là dans les rues de Brooklyn traquaient donc un spécimen rare : une personne qui n’a jamais pris de photo.

L’appel venait d’Anouk Kruithof, artiste qui a fait de la photographie le support de ses performances, et la réponse est venue de Harrison Medina, un jeune homme du quartier populaire de “Bed-Stuy”, convaincu qu’ « un monde sans technologie est plus cool ». Ensemble, ils ont revisité et édité les archives d’Anouk dans des conversations libérées de la prétention de l’expertise, enregistrées et en partie retranscrites dans l’ouvrage Untitled (I’ve taken too many photos / I’ve never taken a photo). Aux réactions comme  : « It’s too simple. Leave it out, please. It’s nothingness. It is blank and it is blue. I’m trying to explain it with the best of my ability », le procédé peut paraître presque abusif de la part de Kruithof, mais dans quelle mesure n’utilise-t-on pas inévitablement son sujet ?

L’intérêt réside dans d’autres réactions, et dans le fait que l’universalité du langage photographique semble niché dans la subjectivité du spectateur.  « Cela ramènera peut-être beaucoup de gens à un endroit sympas, donc c’est une bonne photo », réagit Harrison. Tous les sentiments y passent, révélant l’histoire du jeune homme à travers ses réactions :  « Cette photo s’identifie à la société. Beaucoup de gens sont coincés dans une sale situation, un peu comme moi. C’est l’une de mes préférées car c’est moi sur la photo. Je suis cet âne. […] Il se dit, je ne suis pas payé en dollars humains. » Parfois, c’est l’intimité de la photographe que les images dévoilent : « Le camion blanc, les cœurs — on dirait que vous étiez amoureux lorsque vous avez pris cette photo. »

L’image parle à celui qui la regarde, expert ou pas. « The picture can be your girlfriend. Like the picture is part of you now. You start a relationship with it. » Et Cartier-Bresson ou pas, il est question d’instant décisif : « This looks like the perfect moment – in, 8. » (NDLR : 8 pour l’impression de l’image en grand format ; 7 en moyen ; 6 en petit). Et ce moment parfait vaut également pour le spectateur :
Harrison : This looks so good.
Anouk : Why ?
Harrison : Because you can eat it, and I am hungry.
Ils font une pause et déjeunent.
Harrison : Oh yeah, we were here, with this piece of bread, and now I am not hungry anymore. That bread you gave me was too dry, sorry. Out. 

Au final, Harrison a choisi 75 images parmi les 300 qu’il a vues, avec une spontanéité non censurée, déployant le champ de réactions qu’une image ou qu’une quantité d’images peuvent susciter.

HM : Do I have to take more out ? 
AK : I think we are there.
HM : Phfoeeeeh. There were too many photos, definitely.

Si vous voulez vous frotter à l’exercice, l’ouvrage est accompagné d’un poster constitué des 300 images originales, associées aux choix de Harrison.

 

www.anoukkruithof.nl/work/ive-taken-too-many-photos-ive-never-taken-a-photo/www.stresspress.biz/product/untitled-ive-taken-too-many-photos-ive-never-taken-a-photo

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