La carrière de Sonia Sieff a commencé à l’âge où son père, Jeanloup Sieff, est décédé. Depuis l’âge de 20 ans, elle ne s’est pas arrêtée. Voici son portrait par Stéphane Brasca, directeur de la rédaction du magazine de l’air:
« Je reviens à l’essentiel ». Celle qui signe cette phrase lapidaire pour résumer son futur projet de nus féminins n’a vraiment pas l’âge de conter ses souvenirs. Seulement 31 printemps au compteur… qui tournent à toute allure. Sonia Sieff vit vitement. Avide de faire, de toucher à tout, impatiente, débordée, jamais rassasiée. Sur son scooter, elle avale le bitume. Derrière son objectif, elle se fait un prénom. La fille de Jeanloup Sieff, est née à la photo quand il est mort en 2000. Elle avait 20 ans, et depuis sa vie s’est accélérée. Après avoir fait des débuts remarqués dans la presse avec ses portraits de jeunes comédiens, elle traîne sa belle gueule et ses boîtiers sur les plateaux de cinéma. Un rien lassée, elle tente le reportage. Genre qui la place en porte-à-faux avec sa conscience : « J’avais vraiment l’impression de voler quelque chose. » Peut-être n’est-elle pas assez mûre, ou sûre, pour saisir l’autre qui ne demande rien. Peut-être qu’elle préfère gagner la confiance de l’autre en le magnifiant, en le modelant. D’où son transfert à la mode, monde où le talent va de pair avec la posture du chef d’orchestre. « Décider de la lumière, du cadre, travailler en équipe, j’adore !» La mode lui apporte sur un plateau la pub. Le joaillier Fred a notamment utilisé ses services et son carnet d’adresses d’artistes (comédiens, musiciens, chanteurs..) qu’elle s’est constituée au fil du temps. L’un des plus beaux réseaux de Paris… Dans ses séries pour la presse (de l’air, Uomo Vogue…) ou la publicité, Sonia ose la superproduction. Quand d’autres photographes se font tout petits, privilégient le minimalisme, elle voit tout en grand. Pour une série de maillots de bain, elle réquisitionne un ballet de danseuses dans une piscine. Pour une marque de prêt-à-porter, elle investit une gare. Sonia n’a pas son pareil pour dénicher le squat, l’atelier, l’appartement sublime pour faire poser ses héroïnes. Toujours belles, souvent le sourcil broussailleux, sauvages et sophistiquées à la fois. A travers ses images se dessine un autoportrait. Celle d’une fille amoureuse de sa liberté. « C’est ce que j’ai hérité de mon père, faire des choses qui me plaisent et les inscrire dans un projet à long terme quelque soit l’écriture. Comme lui, je ne veux pas être à la mode, je veux taper là où on ne m’attend pas. Cela nécessite une exigence totale, une remise en question permanente. » D’où cette série de nues féminins qui succèdent à une série de nus masculins. Des hommes en tout genre, loin des canons de la beauté, qu’elle a shooté dans une lumière très crue. « Contrairement à eux et à tout ce que j’ai fait ces dernières années, je veux maintenant travailler sans stylisme, sans maquillage, sans studio ». Sonia aime brûler ce qu’elle a adoré. Elle sourit. « C’est juste une évolution, je ne renie pas ce que j’ai fait. Je suis peut-être plus en confiance aujourd’hui pour me confronter seule à un sujet et à son univers. C’est une difficulté que j’ai envie d’éprouver ». Une étape nécessaire, selon elle, pour arriver à l’art ultime, le cinéma. Elle a déjà réalisé des petits films, des petits pas vers le long métrage qu’elle rêve de réaliser. «J’ai commencé sur un plateau en photographiant les comédiens. Je finirai sur un plateau en mettant en scène ». Ce que son père n’a jamais fait ou eu le temps de faire. « Il en a toujours parlé, il n’avait pas pu passer le concours de la Fémis… Il n’avait pas non plus la patience ni l’envie de travailler trop en équipe, je pense. C’est ce qui nous différencie vraiment ». Ce sera alors sa façon à elle de lui rendre hommage et de s’émanciper… »
Stéphane Brasca, directeur de la rédaction du magazine De l’air.
