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La guerre contre le terrorisme vue par Edmund Clark

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L’International Center of Photography à New York présente une nouvelle exposition jusqu’au mois de mai prochain. The Day The Music Died, référence à la chanson American Pie de Don McLean en 1971, présente une enquête qui regroupe des photographies, des vidéos et des installations de l’artiste britannique Edmund Clark. Son travail, exposé pour la première fois aux Etats-Unis, est une investigation sur les programmes américains du camp de détention de Guantanamo Bay et des prisons secrètes de la CIA qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001 et la politique de la « War on Terror » du président George W. Bush.

Les huit projets présentés concourent au même projet central, politique et engagé. Un des fils rouges est l’utilisation de documents déclassifiés par les autorités américaines qui sont présentés comme des œuvres en elles-mêmes : des pages caviardées, des scans imprimés à l’échelle 1 ou en plus grand format. L’artiste joue sur leur aspect formel et esthétique mais l’interrogation est ailleurs puisqu’Edmund Clark s’intéresse aux ficelles du pouvoir, pas seulement le pouvoir pyramidal de la censure et de l’oppresseur, mais le pouvoir qui s’exécute à travers un ensemble de dispositifs aussi discrets qu’efficaces.

Une installation montre des documents déclassifiés de conversations électroniques sur le transport clandestin des prisonniers, on fait des devis, des estimations chiffrées etc. tout un ensemble de petites décisions qu’Edmund Clark condamne comme autant d’actes complices d’un système qui ne s’exécute jamais tout seul, de lui-même. Un autre projet, Letter to Omar, montre une campagne de soutien à un prisonnier britannique organisée par sa famille et une ONG : des lettres et des cartes postales lui ont été envoyées en masse pour le soutenir et s’opposer à l’administration américaine qui le détenait. Ces missives ne lui ont jamais été transmises tel quel mais sous la forme de scans imprimés dont chacun porte un tampon de validation de l’administration. L’effet a été inverse : le détenu a reçu ces lettres et a cru qu’elles étaient le fait de la CIA elle-même, accentuant sa paranoïa. C’est de ce pouvoir-là, plus pernicieux et discret, qu’Edmund Clark parle.

Quelques œuvres sont plus proprement photographiques. La série Negative Publicity est aussi une enquête sur les prisons secrètes de la CIA en Europe, des lieux maintenant abandonnés et certaines photographies sont elles-mêmes caviardées par l’artiste lui-même pour rejouer le geste qui, en cachant, montre. Le projet Guantanamo – If the Light Goes Out associe des photographies de lieux de l’intimité entre un centre de détention, les anciennes maisons de ces détenus et le cadre de vie des gardiens eux-mêmes.

L’exposition d’Edmund Clark, et il le rappelle lui-même volontiers, est une interrogation plus vaste sur la photographie comme document et comme vecteur de la vérité. Cette transmission n’est jamais linéaire et elle est toujours parasitée ou explicitée que ce soit par nous-mêmes que par le discours, le contexte et le texte. C’est ce rapport entre le texte et l’image qui semble au cœur de son travail et il y dans l’exposition une vidéo programmatique et peut-être même iconoclaste (au sens historique du terme), Orange Screen, qui ne montre que des mots comme si elle essayait de montrer une image sans l’image elle-même et simplement en la décrivant. Inversement, les photographies d’Edmund Clark sont toujours prises dans un discours duquel il est difficile de les extraire ; c’est qu’il est tout aussi artiste qu’enquêteur.

 

Hugo Fortin

Hugo Fortin est un auteur spécialisé en photographie basé à New York, aux Etats-Unis.

 

 
Edmund Clark : The Day The Music Died
Du 26 janvier au 6 mai 2018
International Center of Photography
250 Bowery, New York
USA

https://www.icp.org/

 

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