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Sébastien Godret : Dubaï Villas

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Le rêve pavillonnaire ne connaît pas de frontière, et sillonner les quartiers résidentiels de Dubaï, au mois de novembre ou de mars, sous un soleil, pourtant sage, mais brûlant, relève du voyage architectural initiatique, décomplexé et inspirant.

Il faut bien les chercher ces quartiers calmes, déserts – au bord du désert – derrière la façade clinquante du Dubaï pour touristes et hommes d’affaires.

Nadd Al Hamar
Al Barsha
Al Warqa
Al Rashidya
Al Mizhar…

Zones en bout de ligne de métro ou de bus, s’étalant avec une intense ferveur aux portes du vide désertique de la péninsule arabique, loin, parfois très loin dans les terres, à l’opposé du rêve balnéaire que les touristes semblent, eux, rechercher (les hôtels sont sur le rivage, bien souvent). Dubaï oscille depuis toujours entre une identité terrestre, revendiquée par les anciens nomades du désert, et une facette commerçante, maritime, tournée sur l’extérieur et sur le Golfe, véritable creuset de civilisation.

« Un noble philosophe parla une fois de l’architecture comme d’une musique figée, ce qui lui valut maint haussement d’épaules. On ne peut mieux réintroduire cette belle idée, croyons-nous, qu’en qualifiant l’architecture d’art musical rendu au silence »

Goethe

Dans une esthétique dépouillée, silencieuse, individualisant chaque villa par un cadrage frontal resserré, Sébastien Godret rend compte de l’extraordinaire créativité architecturale qui règne dans ces « residential areas ».

Ces portraits en gros plan, s’attachant à chaque repli de la façade, accentuant la simplicité massive des volumes, classent les maisons comme autant de sculptures minimalistes sorties de l’univers de Donald Judd. Les constructions, rigoureusement éclairées par une lumière égale, recherchée au prix d’une inlassable déambulation de plusieurs jours dans les quartiers, sont photographiées de façon neutre, isolées en tant qu’objet, permettant alors des comparaisons formelles et stylistiques précises entre elles. Esthétique de la sérialité en écho à l’ennui étouffant qui plane sur ces lotissements.

Le photographe est dans une quête de la maison moyenne, de cette pauvreté du quotidien pavillonnaire, et arrive paradoxalement à témoigner de toute une originalité à l’œuvre, faisant ressortir le combat des habitants pour affirmer leur individualité. Ce sont des photographies d’identité que Sébastien Godret nous offre, scrutant les corniches, les balustres, les frontons et les moulures, comme autant de signes distinctifs permettant aux occupants de ces villas d’échapper à l’enfer de la banalité.

Les plans de coupe sur un container à poubelles en acier galvanisé, une plante du désert, une palissade de chantier, ou le ruban asphalté impeccablement propre d’une rue, intercalés dans l’ouvrage, nous ramènent subitement à une réalité que l’évanescence de la lumière du désert pouvait nous avoir fait quitter un instant…on sentirait presque le vent brûlant caresser les murs.

Engagé dans un systématisme de série, Sébastien Godret conserve cependant le plaisir de se laisser happer par la maison qui plaît, au coin d’une rue, celle qui brille dans la lumière veloutée, presque comme un mirage, irréelle et séductrice ; revendiquant ce droit au choix arbitraire, à la construction d’un regard sortant du cadre du pur reportage documentaire, c’est en cela qu’il construit véritablement une solide œuvre plastique. »

LIVRE
Dubaï Villas
Photographies de Sébastien Godret, textes de Brigitte Dumortier, Géographe, et Cyril Brulé, Architecte
Editeur : Silvana Editoriale
91 pages
20 €
www.sebastiengodret.com
www.silvanaeditoriale.it

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