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Reuters, les meilleures photos de l’année

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J’ai quitté mon poste de directeur éditorial chez Magnum, à Paris, en 2003, pour rejoindre Reuters où Monique Villa, présidente de Reuters Media à cette époque (maintenant PDG de la Thomson Reuters Foundation) voulait réagir à un marché en transformation et développer la photographie d’information d’une manière plus contemporaine que l’approche traditionnelle de la dépêche. Après avoir travaillé avec certains des photographes les plus en vue de la planète, qui se concentraient sur la construction d’une œuvre au fil d’une longue carrière, j’arrivais dans une organisation géante, mondiale, se focalisant sur l’immédiateté et le travail d’équipe.

L’un de nos premiers projets a été d’établir un partenariat avec l’éditeur britannique prestigieux Thames & Hudson, particulièrement reconnu pour ses albums photographiques. Nous voulions constituer un témoignage visuel, en sélectionnant dans les archives depuis le début des années 2000, parmi 500000 photos, en cherchant de nouvelles perspectives, un nouveau ton, afin d’établir Reuters comme l’un des fournisseurs-clés d’images et de reportages pour le monde entier. Nous avons publié The State of the World (L’état du monde) en dix langues, en 2006, et son succès nous a permis d’éditer une nouvelle série de livres intitulée Our World Now (Notre monde aujourd’hui). La série est devenue un objet collector et nous avons pu ainsi présenter la documentation que nous réalisons de notre époque à un nouveau public.

Éditer ces livres est un processus accompli tout au long de l’année, découpé sur chaque trimestre. Il y a quelque chose d’extrêmement addictif dans le fait de sélectionner parmi 1600 images quotidiennes, réalisées, retravaillées, et éditées par nos équipes à travers le monde. Après une sélection préliminaire, Johanna Neurath, la directrice conception de Thames & Hudson et moi imprimons des vignettes et commençons à coller des séries d’images sur les murs de salles de réunions géantes de Londres ou de Paris. Nous nous appuyons sur notre expérience, notre respect pour les équipes de photographes et notre désir de rester véritablement visuels. Sans essayer de recréer des événements à travers les photographies, nous voulons plutôt susciter surprise et intérêt à leur propos. Certains d’entre eux sont traités frontalement, comme la Lybie, d’autres demandent un certain recul, comme le tsunami japonais, dans le but de mieux comprendre l’épreuve subie par la population locale. Les images du quotidien prennent vie, les couleurs deviennent un fil unificateur et les détails trouvent leur place.

Le caractère unique de ce cinquième volume provient du fait que nous avons découvert les visages de beaucoup de gens que nous n’avions jamais photographiés auparavant, le « printemps » du monde arabe, le groupe se qualifiant lui-même de « 99% », la famine cachée en Corée du Nord, le désespoir de la Rust Belt (Amérique industrielle du nord-est) autrefois prospère, et l’espoir sans précédent pour un changement à l’échelle mondiale.

Reuters, en tant que plus grande organisation mondiale d’information, touche plus d’un milliard de personnes par jour, et quand je pense à cela, ce qui me frappe, c’est qu’il y a toujours un individu derrière un article, une vidéo, une photographie. Voici une citation du photographe primé Damir Sagolj à propos de sa pièce The Hague Hilton, l’unité de détention du Tribunal pour les crimes de guerre :

Je n’ai cessé de suivre leur trace ensanglantée depuis maintenant 20 ans. En tant que Bosnien et en tant que photojournaliste, je les ai traqués à travers les ruines de Sarajevo, jusqu’aux charniers de l’est de la Bosnie et dans des villages victimes de nettoyage ethnique et détruits à jamais. J’ai suivi leurs crimes de guerre avec la détermination du journaliste et la culpabilité du survivant.

Ses photos sont sobres, un inventaire de la manière dont les criminels de guerre vivent. Cela pourrait presque être un carnet de voyage. Pourtant, sous la surface, il y a la tension d’un photographe qui a documenté et vécu l’histoire des Balkans toute sa vie d’adulte.

La journaliste Samia Nakhoul a été sérieusement blessée quand un tank américain a tiré sur son hôtel le jour où Bagdad est tombée. Elle est maintenant la directrice de la section Moyen-Orient de Reuters. Elle commence ainsi son introduction au cinquième volume d’Our World Now :

Tout a commencé par une gifle humiliante lancée par une policière au visage d’un marchand de légumes dans une ville déshéritée de province. En réaction, Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu. Un an après sa mort, ce Tunisien aurait bien du mal à reconnaître la région du monde dans laquelle il vivait.

Et Samia de même.

Cet aller-retour constant entre le personnel et l’historique est ce qui caractérise cette sélection. Il est ironique que dans une équipe de journalistes où l’accent est mis sur le fait de ne pas être individualiste, on trouve certains des individus les plus forts et déterminés. Aujourd’hui, c’est un immense privilège de participer à la documentation quotidienne du globe et de suivre de près l’évolution de générations de photographes à travers le monde. Our World Now explore le potentiel compris entre ce que les photographes capturent et ce qu’une édition et une mise en valeur différentes peuvent révéler de leurs images, confirmer de nos perceptions ou soulever comme questions. Le livre est un hommage à la photographie d’information et aux équipes qui parcourent le monde.

Ayperi Karabuda Ecer, Vice-Président Images chez Reuters, actuellement en congé sabbatique pour mettre au point un projet photo mondial : Aday.org

Our World Now
Publié en anglais et français

Our world now 5
Par Reuters
Thames & Hudson
ISBN- 10: 0500289867

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