Rechercher un article

Quentin Pradalier : Espace sauvage

Preview

Cette odeur, même un paquet entier de papier d’Arménie n’en viendrait pas à bout. Je me cache le visage. Obligé de faire avec dans mes futures images, ce sera mon espace de travail.

L’odeur des vieux qui attendent la fin de la ligne. Le début de leur série tv, la visite d’un être aimé dont le visage s’efface, l’heure du repas, de la balade sous la pluie, d’une mouche qui se pose sur leurs bras. Une fenêtre ouverte, le cri des enfants à la récré, les jeux… les jeux…

Il n’y aura plus d’électricité.

Il a renversé la table de scrabble en simulant un accident. Quel bruit splendide, toutes ces petites lettres qui rebondissent sur le carrelage. Il a presque oublié qu’il attendait. Les images s’embrouillent, s’effacent et se rayent. Elles chutent aussi. Un point de collision, le début d’une surface trouée, un espace d’instabilité, un équilibre précaire. Les pieds tranchés.

Un choc frontal, les voitures sont pliées comme de vulgaires boîtes de conserve. De la ferraille, des éclats de verre, une fumée âpre, une tache d’huile, l’essence qui s’échappe. Tout est exactement à sa place. La rencontre a eu lieu.
Celle entre une maison de repos et l’artiste. Lui, qui part des incantations, qui n’ont rien de divines, des coups de marteau, des coups de pinceau, des jets de terre… espère un tant soit peu libérer la vie. Changer le chant des murs. Il ne sera pas d’autant plus rassurant mais peut-être plus libre…

Bientôt la maison sera détruite. Une fenêtre s’ouvre, il y a moyen de faire quelque chose et de repartir. Enfermer quelques images dans une boîte noire, les développer dans une boite rouge. Ne pas oublier que ce lieu a aussi été ça : un espace sauvage. Entre une maison de retraite et un immeuble. Les ouvriers du bâtiment seront sûrement surpris de découvrir ces installations cachées. Ils feront partie des rares spectateurs. J’aimerai les voir rire ou s’étonner, les entendre imaginer qui a bien pu faire ces trucs bizarres…

Il reste une trace de ce lieu, une empreinte maladroite. Un artiste impatient, qui ne sait rien de l’attente, à part peut-être son odeur. Un grand bruit rauque, le premier mur dégringole.

L’attente s’arrête, un négatif se raye, j’aimerais que le temps s’enraye.

http://www.quentinpradalier.com

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android