Masse qui dévore, qui possède, qui assimile tout. Se répand et prend possession, s’infiltre et capture. Brûle la peau, intoxique l’air. Omniprésent et nous envahit comme un être autonome. Il est une eau noire qui s’adapte aux formes et les soumet à ses propres règles. Paradoxal ! Au même titre que l’art et l’existence. Un poison radieux qui colle à la peau en brûlant nos chairs. On pense à tord le maîtriser, au fond, sans nous le dire c’est lui qui nous domine et nous manipule.
Au cirque, le dompteur de tigre fais claquer son fouet. Les félins acceptent la parade sans amour. A la moindre maladresse ils ce jèteront sur lui, les crocs saillants , les griffes acérées. Le spectacle fini dans les cris. Rentrez chez vous ! Il n’y a rien a voir !
On ne peut que le regarder, l’avaler nous tuerait, l’inhaler nous intoxique, le caresser est peut-être l’acte le moins périlleux. Radieux qui nous possède et nous dévore de l’intérieur. Cette toxine se pare de beauté. De sa plus belle robe de soirée, noir évidemment… Un deuil resplendissant, prêt pour la danse. T’enlace, t’embrasse et finit par te mordre au plus profond de ton cœur. Une matière visqueuse se répand à tes pieds. Il entre en toi délicatement, tranquillement, avant de te mordre une dernière fois. Tes yeux se figent. Le noir est partout il t’a totalement étreint.
Des junkies shootés au goudron cavalent dans la rue avec leurs pioches en espérant arracher un bout d’asphalte avant que les flic ne se pointent. Leur peau est noircie par leurs injections régulières ainsi que leurs yeux complètement noirs.
L’un d’entre eux trébuche et s’ouvre le genou. Il le frotte au sol en espérant une défonce rapide qui calme les douleurs. Les routes du pays sont en piteux état, rongées par ces insectes humains. Pas de panique, point de cris ni de pleurs, car évidement tout est sous contrôle…
L’artiste a recouvert tout son atelier de cette noirceur brillante. Il espère ne pas trop s’empoisonner durant l’étreinte. Il sait d’avance que la domination est impossible, il devra faire avec. Abandonner l’idée de combat, adopter la position de magicien, qui joue et tord la réalité quand elle le veut bien. Comme une seconde peau.
