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Photomed Liban 2015 : la photographie comme patrimoine

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Après la jeune génération libanaise en 2014, cette année, les organisateurs de Photomed Liban ont souhaité mettre en avant le patrimoine photographique du pays à travers trois expositions.

La photographie comme patrimoine est née au XIXe siècle en parallèle du développement d’une politique de préservation de l’héritage. Elle devient un outil de documentation et de mémoire, comme l’explique la photographe et universitaire Raphaëlle Bertho, qui parle même de « passion de l’inventaire »*. Se constituent alors des fonds témoins, par exemple, de l’évolution de l’architecture et qui seront eux-mêmes élevés au statut de patrimoine près d’un siècle plus tard.

Le phénomène est frappant dans le cadre de Photomed Liban au regard de deux expositions présentées par la Bibliothèque orientale de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. Voyage en Orient nous emmène à la découverte des costumes d’autrefois. Le pari fou de trois associés au début des années 1860. Le photographe Ludovico Wolfgang Hartle, le journaliste Charles Lallemand et le diffuseur Varroquier annoncent un programme de publication d’albums d’un genre nouveau. Dans leurs esprits naît le projet de réaliser une galerie universelle des peuples pour reproduire, grâce à la photographie, les costumes nationaux « tendant à disparaître face aux progrès de la civilisation ». Une infime partie de leur tour du monde sera finalement réalisée. Les trois compères passeront néanmoins par la Syrie (incluant le Liban actuel), témoignant d’une époque, aux alentours des années 1864-1865, au détour de 36 planches conservées à la bibliothèque de l’USJ. On peut y découvrir des impressions sur papier albuminé colorisées à la main représentant les habitants de trois régions différentes posant dans leurs habits d’apparat et pêle-mêle un maronite bourgeois, une juive de Damas ou une dame druze. Au-delà de la technique, elles racontent un Orient multiconfessionnel parfois oublié dans les considérations géopolitiques actuelles.

Dans la pièce adjacente, les portraits des frères jésuites attestent également d’un regard anthropologique sur le monde qui les entoure, avec cette volonté de transmettre à leurs compatriotes mais aussi aux générations futures, des portraits d’Orient. « Au XIXe siècle, la photographie voulait témoigner de la tradition des costumes et des peuples », explique Simon Edwards, l’un des curateurs de Photomed. « Les photographies des frères jésuites sont étonnantes, car elles n’ont pas été prises par des professionnels mais on note néanmoins une certaine maîtrise de la technique. » Les clichés immortalisent Turcs, Kurdes, Arméniens et Yézidis. Les regards sont francs, parfois inquiets face à l’objectif. Hommes, femmes et enfants posent droits comme des i ou nonchalamment, avec au fond des toiles et des tentures pour habiller l’image.

Une volonté de témoignage qui ne doit pourtant pas faire oublier que le regard que l’on pose sur une société ou une époque est loin d’être neutre, comme le rappelle Raphaëlle Bertho dans Photographie, patrimoine : mise en perspective et comme l’illustre la troisième exposition liée à ce thème du patrimoine dans le cadre de Photomed, celle du ministère du Tourisme du Liban, Beirut in Motion. On y voit un Liban passé, une image d’Epinal qui court encore sur toutes les lèvres, celle du train à Anjar, du tramway place des Martyrs, ou d’une fête populaire au bois des Pins. Le Beyrouth des années 1950-1970 où la ville « se démarquait déjà par rapport aux villes et aux pays voisins », comme le raconte le catalogue de l’exposition, « D’une petite ville calme, Beyrouth est alors devenue une métropole à la mode, étincelante et brillante avec un parfum méditerranéen enchanteur. » Une époque pour certains désormais révolue, au fil du temps et des conflits, et qu’on voudrait parfois voir revivre. La photographie se fait alors nostalgique.

Pour en garder la trace, ces fonds doivent bien entendu être conservés et valorisés, ce qui n’est pas sans nécessiter un investissement important. La Bibliothèque orientale recevra dès cette année pour l’accompagner dans cette tâche un financement de la fondation Boghossian qui lui permettra de trier, indexer – certains clichés comportent encore des points d’interrogation quant à leur origine réelle – et de conserver dans de bonnes conditions cette richesse mémorielle de près de 100 000 clichés.

 

EXPOSITIONS
Collection de la Bibliothèque orientale
Portraits d’Orient – Voyage en Orient
Jusqu’au 11 février

Galerie 169
rue Mkhalassiye
Beyrouth
Liban

Beirut in Motion, archives du ministère du Tourisme du Liban
Jusqu’au 11 février
Hôtel le Gray
Beyrouth
Liban
http://photomedliban.com/

* Photographie, patrimoine : mise en perspective, Raphaële Bertho, Jean-Philippe Garric et François Queyrel (dir.) ; Patrimoine photographié, patrimoine photographique (Actes de colloques), mis en ligne le 05 février 2013. http://inha.revues.org/4055.

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