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Photographie et intelligence artificielle : L’éclairage de l’ADAGP

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Depuis maintenant un an, l’intelligence artificielle est apparue dans nos vies, et avec elle, son lot de surprises et de questionnements. À l’heure où nos canaux de communication sont envahis de contenus créés par des machines de traitements de données, que ce soient des textes mais aussi des images, c’est le principe même d’authenticité et de propriété de l’image qui est mis en jeu. L’ADAGP, la société française de perception et de répartition des droits d’auteur dans le domaine des arts visuels, lance un signal d’alerte.

 

Une irruption soudaine et massive

Ces noms sont peut-être déjà familiers pour certains, pour d’autres ils sont encore un nom que pourraient porter un satellite en mission ou un robot… à juste titre : Midjourney, DALL-E, Stable Diffusion ou encore ChatGPT, voilà les premiers fleurons de l’intelligence artificielle.
Ces nouveaux outils technologiques, pour le moment entièrement gratuits et accessibles à toutes et tous, permettent de créer de toute pièce du contenu écrit (dans le cas de ChatGPT) ou des images (Midjourney, DALL-E, Stable Diffusion) à partir d’une phrase, d’une demande que l’on formule au préalable, aussi appelée un prompt. En quelques minutes voire en quelques secondes, ces outils traitent par milliers des données déjà existantes sur la toile suivant une mécanique algorithmique qui va chercher des éléments correspondants à la demande dans les moindres recoins. Et le résultat est bluffant : des images artificielles de facture parfois si parfaite que l’on se demande si l’on aurait pu faire mieux avec un appareil photo et la réalité.

Passée la fascination face à la rapidité et les aptitudes de ces nouveaux outils technologiques, des questionnements sur la façon dont sont traitées ces données et leurs propriétés respectives apparaissent légitimement. Quid de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur face à un tel phénomène d’utilisation illimitée de données ?
En ce qui concerne les artistes et les photographes notamment, quel est leur rôle et comment peuvent-ils ou non garder un contrôle sur l’utilisation de leurs œuvres ? Comment l’artiste peut-il percevoir des revenus issus de l’emploi par l’intelligence artificielle de ses œuvres ?

 

Une législation attendue

Selon l’ADAGP, qui depuis sa création en 1953 protège les droits d’auteur des artistes en France, il est grand temps de légiférer à ce propos.

Si un texte est actuellement à l’étude au niveau du Parlement européen, l’on est encore loin d’une régulation à la hauteur du basculement qui s’opère. Lors d’une table ronde à l’occasion des Rencontres de la Photographie d’Arles 2023, intitulée « Intelligence artificielle et photographie : quels enjeux pour les auteurs ? », Marie-Anne Ferry-Fall, directrice générale de l’ADAGP dressait le constat suivant : « Chacun s’accorde à dire que l’intelligence artificielle est une évolution technologique majeure, fascinante, intrigante voire inquiétante, dont les effets sont considérables pour le secteur de l’image ». C’est le statut même de l’artiste et celui de l’image dont il est ici question, car l’on ne peut pas mettre au même niveau une image créée de la main de l’homme avec un appareil photo et une image créée par une machine qui s’appuie sur d’autres images sans accord ni contrôle de leurs auteurs.

Les enjeux sont ici de taille, et face à un phénomène d’une telle ampleur, l’ADAGP a formulé trois proposition pour adapter le cadre législatif et protéger les droits des artistes-auteurs . En effet, la dernière européenne date de 2019 (directive 2019/790 et son article 4) et ne protège pas suffisamment les auteurs dans le cas de l’utilisation des données.

 

Pour un consentement réel des artistes-auteurs

Le premier point fondamental est le consentement des auteurs à l’utilisation de leurs œuvres, principe essentiel du droit d’auteur, mis à mal par les systèmes d’IA. En effet, pour créer une image, les algorithmes procèdent à une fouille de données et se servent dans un corpus d’images sans demande ni autorisation de leurs auteurs. Par défaut, toutes les images sont considérées par ces machines comme relevant du mécanisme de l’ « opt out »: ces dernières peuvent pêcher du contenu et se servir sans consentement. L’article 4 de la directive 2019/790 stipule de plus que si les auteurs ne souhaitent pas donner accès à leurs images, ils doivent intégrer ce refus via les métadonnées, alors lisibles par les machines. Ce système n’est pas viable tant les images sont reproduites à l’infini sur internet, leurs auteurs ayant très rarement la main sur les métadonnées des divers sites qui publient ces images. Et si les métadonnées sont expressément renseignées par les auteurs des images, elles sont souvent écrasées par des sites utilisateurs peu regardant.

Selon l’ADAGP, il faudrait renverser ce système d’opt out en un mécanisme d’ « opt in: par défaut, les images seraient protégées et non accessibles, sauf si l’auteur a formulé son consentement via les métadonnées. Les intelligences artificielles génératrices de contenu se serviraient alors directement dans une banque d’images ayant préalablement reçues une autorisation d’utilisation par leurs auteurs, un système de gestion collective déjà utilisé pour d’autres utilisations massives dans l’univers numérique.

 

Pour une rémunération juste et équitable

Un autre point fondamental est la valeur de ces images, et donc la rémunération de leurs auteurs. Si la monétisation des images est rudement mise à l’épreuve avec internet et la reproduction illimitée de contenu, des outils existent et peuvent être développés pour établir un partage de valeur. Dans le cas des intelligences artificielles génératrices d’images, une compensation financière et équitable attribuée à l’auteur ayant préalablement donné son accord pour l’utilisation de ses images pourrait être mise en place, sans que cela ne devienne trop compliqué. Là on l’on peut tracer des images avec des métadonnées, l’on peut aussi mettre en place un système de gestion collective de rémunération.

Pour une légitime transparence

Enfin, un dernier point à ne pas oublier est la transparence du fonctionnement de ces machines. Chaque auteur devrait avoir un droit d’accès aux données concernant ses œuvres utilisées dans la fouille de données. Les procédés aujourd’hui encore opaques des intelligences artificielles pour la fouille d’images déséquilibrent tout rapport de confiance.

 

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