À l’heure où certains festivals font le choix de réduire leur programmation, PHotoESPAÑA voit les choses en grand et célèbre ses 25 années d’existence à travers 120 expositions où les femmes, la photographie espagnole et le documentaire sont à l’honneur. En voici un tour d’horizon.
Claude Bussac, cheffe d’orchestre du festival depuis 2006, tenait à ouvrir cette édition anniversaire sur une page d’histoire, en mettant en avant les grands noms de la photographie. Sur son invitation, les commissaires Vicent Todolí et Sandra Guimarães ont retracé l’histoire de la photographie documentaire depuis les années 1930, à partir des trésors de la collection de la Fundació Per Amor a l’Art. Un panorama didactique à découvrir à travers les expositions du cycle Sculpting Realities.
L’histoire s’écrit aussi au féminin et PHotoESPAÑA rend hommage au travail documentaire des photographes Kati Horna et Margaret Michaelis, témoins uniques de la guerre civile espagnole ainsi qu’à Germaine Krull qui a livré une rare chronique du voyage, souvent impitoyable, que constituait l’exil de la France de Vichy vers l’Amérique.
Hommage également à l’italien Paolo Gasparini qui pendant plus de soixante ans a pris le pouls de l’Amérique latine. La brillante rétrospective qui lui est consacrée à la Fondation MAPFRE sous le commissariat éclairant de María Willis retrace son œuvre de manière géographique plutôt que chronologique.
Public Photography: The Sixties, la très belle exposition pensée par l’historien Horacio Fernández, propose quant à elle de mettre en avant un vecteur majeur de diffusion de la photographie : l’édition. En se concentrant sur la période mouvementée des années 1960, il montre comment, bien plus que les murs d’une exposition, les livres et les revues— mais aussi les pochettes de vinyles — ont été des supports d’expression essentiels pour la photographie, qu’elle soit documentaire ou artistique.
Localisée dans l’imposant Palais de Cibeles, The Sixties jouxte l’exposition Hybrids: Forging New Realities as Counter-Narrative, où la part belle est donnée aux nouvelles voies de la création contemporaine qui dépassent les limites traditionnelles du médium, adoptant une approche plus plasticienne et multidisciplinaire.
À la Casa Árabe, l’exposition In Light or Shadow of What Was and Still Is, consacrée à la photographie libanaise d’aujourd’hui, présente le travail de douze photographes évoquant l’histoire récente du Liban à travers leur expérience personnelle et collective. Une expérience marquée par de nombreux traumatismes, parmi lesquels l’explosion du port de Beyrouth dont Myriam Boulos évoque les conséquences avec poésie à travers sa série Tell the trees to smile, mais aussi par un manque cruel de liberté, particulièrement ressenti par la jeunesse queer du Liban qu’Omar Gabriel a choisi de photographier dans la sécurité de l’intimité. La démarche plus conceptuelle de Betty Ketchedjian qui immortalise des piles d’assiettes prêtes à tomber d’une table exprime quant à elle la sensation d’impuissance face aux incertitudes du destin.
PHotoESPAÑA célèbre enfin la photographie espagnole à travers plusieurs expositions monographiques, consacrées notamment à Francesc Català-Roca, Javier Campano, Juan Baraja, Aleix Plademunt, Ana Palacios, Estela de Castro, Ana Nance et Marta Sou. Un axe de la programmation qui nous réserve quelques belles surprises comme les doubles expositions oniriques d’Alberto García-Alix réalisées à partir d’œuvres du Prado et, surtout, la splendide retrospective dédiée à l’œuvre de Carlos Pérez Siquier dont le travail impressionne par sa grande diversité. Que ce soit les reportages à La Chanca, les détails abstraits de murs peints, les photographies de plagistes à la Martin Parr — dix ans avant Martin Parr — ou encore les images, plus poétiques de sa série La Briseña, Pérez Siquier passe d’un registre à l’autre avec brio, livrant un portfolio d’une étonnante richesse.
Zoé Isle de Beauchaine
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