Je photographie surtout l’atmosphère d’un lieu.
Je travaille essentiellement dans les états de l’Ouest américain et au Nord du Canada. Toutes ces petites villes et ces paysages fantomatiques isolés revêtent une lumière improbable à l’approche de la nuit. Ces villes sont peu peuplées : quelques dizaines de personnes discrètes, peut-être au passé lourd et diabolique. J’aime cette atmosphère lourde et énigmatique, à la lumière grise plombante de ces fins de journée, où tout peut arriver.
Je ne suis pas un pur photographe de paysage. L’équilibre des formes, le rapport des masses entre elles ainsi qu’un motif central sont les seuls concepts que je m’impose.
J’ai commencé à réaliser des tirages au palladium il y a cinq ans. J’ai découvert ce procédé absolument magnifique vers la fin des années 1990 à l’atelier de tirages de Marc Bruhat, qui s’appelait Sillages et se situait sur le quai de la Rapée à Paris. Il était spécialisé dans les tirages alternatifs comme le platine/palladium. J’avais été totalement émerveillé par ces rendus magnifiques et si particuliers. Ils me faisaient penser à des dessins au fusain au contour irrégulier. Et puis, si j’utilisais ce procédé avec les mêmes gestes qu’un peintre lors de l’étendage de la solution chimique, peut-être, deviendrai-je aussi peintre.
À cette époque, l’idée de réaliser mes propres tirages selon ce procédé était inconcevable. Je trouvais cette méthode obscure et élitiste. Mais je pense qu’il y a aussi une raison beaucoup plus profonde derrière mon désir de réaliser des tirages au palladium : le problème de la stabilité dans le temps de l’image. Comme la plupart des photographes, j’ai cette angoisse, cette peur et ce rejet de l’éphémère, avec la crainte que tous ces paysages photographiés puissent disparaître un jour.
Philippe Ciaparra
